Enfance - La commission spéciale vote à l'unanimité la proposition de loi sur l'adoption
La commission spéciale de l'Assemblée nationale - composée de 70 membres désignés à la proportionnelle des groupes - a adopté la proposition de loi relative à l'enfance délaissée et à l'adoption. Présenté en septembre dernier par Michèle Tabarot, députée des Alpes-Maritimes - qui en est aussi le rapporteur -, ce texte a pour principale ambition de redéfinir la notion de "délaissement parental" pour faciliter les adoptions nationales (voir notre article ci-contre du 26 septembre 2011).
Une nouvelle définition du délaissement parental
Le passage en commission a été l'occasion de retravailler encore la définition du délaissement. Plutôt que les "carences des parents dans l'exercice de leurs responsabilités parentales compromettant le développement psychologique, social ou éducatif de leur enfant" - expression qui figurait dans le texte initial -, les députés ont retenu une définition plus concise : "Un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée d'un an."
De même, la commission a précisé le contenu du rapport annuel d'évaluation des enfants placés, incombant aux services départementaux de l'aide sociale à l'enfance. Elle a aussi précisé les modalités de renouvellement de l'agrément des candidats à une adoption, délivré pour cinq ans par le président du conseil général et renouvelable une fois. Ce renouvellement est possible "dès lors qu'existe une proposition d'enfant, sous réserve d'une évaluation de la situation à la date de la prorogation et de son éventuel renouvellement". Autres dispositions amendées par la commission spéciale : le resserrement à trois ans de la durée de l'expérimentation d'une formation au bénéfice des candidats à l'adoption et la clarification de la liste des bénéficiaires des actions de coopération de l'Agence française de l'adoption (AFA). A noter : la commission a adopté en l'état, contre l'avis du gouvernement, l'article 5 de la proposition de loi, qui rend l'adoption simple irrévocable jusqu'à la majorité de l'adopté, sauf demande du ministère public pour motifs graves.
Un parcours parlementaire plutôt dégagé
La commission spéciale a également adopté quelques dispositions nouvelles. C'est notamment le cas de l'inscription, dans la loi, d'une disposition prévoyant l'élaboration, dans l'année suivant la promulgation du texte, de référentiels nationaux "permettant l'évaluation des candidats à l'agrément et la rédaction des rapports d'enquête psychologique et sociale". Un autre article prévoit de modifier la composition - délicate - du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop), afin d'y permettre la représentation des organismes autorisés pour l'adoption (OAA). Plus surprenant, un nouvel article prévoit que le gouvernement remettra au Parlement, dans les trois ans suivant la promulgation de la loi, un rapport "présentant un état statistique du nombre d'enfants délaissés dans les départements et collectivités d'outre-mer".
Enfin, sans en faire pour autant un amendement, les membres de la commission spéciale ont décidé de réfléchir, avant l'examen du texte en séance publique, à un dispositif juridique permettant de rapprocher le régime de la kafala judiciaire - un régime d'adoption propre à la culture musulmane, qui cadre mal avec la législation française - de celui de l'adoption simple (voir notre article ci-contre du 10 septembre 2007).
En dépit de ce passage réussi en commission spéciale, le texte n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée et rien ne garantit qu'il le sera avant les échéances électorales du printemps. Un éventuel changement de majorité ne condamnerait cependant pas la proposition de loi. En effet, celle-ci a fait l'objet d'un large consensus au sein de la commission, qui a adopté le texte à l'unanimité.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Assemblée nationale, proposition de loi sur l'adoption, déposée par Michèle Tabarot et plusieurs de ses collègues (examinée en commission spéciale de l'Assemblée nationale le 7 février 2012).