Délinquance - Jean-Marie Bockel veut davantage impliquer les départements dans la prévention
Après six mois de travaux, Jean-Marie Bockel remettra son rapport sur la prévention de la délinquance au Premier ministre, le 14 juillet. Comme il l'avait fait lorsqu'il était secrétaire d'Etat à la Justice avec les Assises de la délinquance juvénile, le sénateur du Haut-Rhin a souhaité organiser un colloque, place Beauvau, le 28 juin, pour ponctuer sa mission. Fervent défenseur du tandem "prévention-répression", l'ancien maire de Mulhouse, ville où il a pu appliquer ses recettes quitte à passer pour une "maire sécuritaire de gauche", a souligné l'importance du partenariat local. Ce partenariat qui depuis quelques années connaît un essoufflement. Pour y remédier, François Fillon s'est adressé à son ancien secrétaire d'Etat afin de donner un nouvel élan aux outils encore peu usités de la loi du 5 mars 2007 et du plan du 20 octobre 2009 relatifs à la prévention de la délinquance. "Aujourd'hui, il y a un constat assez convergent sur le rôle des pouvoirs locaux, le travail partenarial et l'évaluation des politiques publiques", a déclaré Jean-Marie Bockel. L'évaluation externe des politiques de prévention, directement inspirée du Canada, constitue une "petite révolution", a-t-il insisté. L'objectif : corriger les politiques au fil du temps et éviter de monter des "strates successives", notamment entre politique de la ville, justice, intérieur…
Familles monoparentales
Le sénateur a aussi voulu dissiper le malentendu qui entoure la "détection précoce". "Il ne s'agit pas du tout de prédétermination de futurs délinquants", mais d'aider les enfants qui manifestent des troubles du comportement et leurs familles, a-t-il insisté, prenant exemple là encore sur la Canada, plus précisément sur le Québec qui y a recourt "depuis trente ans". "L'exemple québécois mérite un regard autre qu'idéologique", a assuré Jean-Marie Bockel. Et d'insister sur la place du maire dans la prévention et sur la nécessité de l'échange d'informations. Le "secret partagé" entre les différents acteurs (police, justice éducation…), "seul le maire et ses équipes peuvent convaincre qu'on le fera dans le respect d'un certain nombre de règles", a-t-il souligné. A ce titre, il a regretté le retard pris avec les départements : "Avec les conseils généraux il y a un vrai travail de rapprochement à faire." Des départements pourtant concernés de près, puisqu'ils consacrent jusqu'à "60% de [leurs] budgets de fonctionnement à l'action sociale et à la solidarité", comme l'a rappelé Charles Bruttner, le président du conseil général du Haut-Rhin. Mais selon ce dernier, la parution le même jour, le 5 mars 2007, de deux lois, l'une relative à la protection de l'enfance et l'autre relative à la prévention de la délinquance, a jeté la suspicion.
La question de la parentalité devrait aussi constituer un axe fort du futur rapport, avec en filigrane, la question de l'intégration et le poids des familles monoparentales. Selon le sénateur-maire de Dijon, François Rebsamen, dans certains quartiers de sa ville, les familles monoparentales représentent jusqu'à 60% des foyers : "Dans ces familles, ce sont les mères qui le plus souvent ont la charge des enfants, dans des conditions très difficiles, elles n'arrivent pas à faire face."
Généralisation des patrouilleurs
De nombreux élus de tous bords étaient présents à ce colloque, qui a aussi vu se succéder deux ministres à la tribune. Le garde des Sceaux, Michel Mercier, a ainsi regretté que deux outils ne soient pas assez utilisés par les collectivités : les rappels à l'ordre que les maires peuvent prononcer depuis la loi de 2007 et les travaux d'intérêt général (sur ce sujet, voir notre article du 15 juin 2011). Les rappels à l'ordre constituent un "outil performant", a insisté le ministre. "Il faut intensifier les conventions de rappel à l'ordre entre le procureur et le maire, il y en a trop peu de signées." Concluant ce colloque, le ministre de l'Intérieur a rappelé pour sa part que prévention et répression étaient "inextricablement liées" et annoncé la généralisation des "patrouilleurs" à l'ensemble du pays à compter du 1er juillet 2011. Expérimentés depuis deux mois dans cinq villes (Paris, Mantes-la-Jolie, Nice, Poitiers et Strasbourg), les patrouilleurs sont des policiers qui circulent en ville, le plus souvent à pied, à deux ou trois au contact de la population. Le "coeur de leur action reste la lutte contre la délinquance et l'interpellation des auteurs d'infractions", a dit le ministre, pour éviter tout rapprochement avec la défunte "police de proximité".
Michel Tendil
Sevran : l'unité spécialisée donne de "très bons résultats", selon Michel Mercier
Une semaine à peine après l'installation de "l'unité judiciaire spécifique de lutte contre les trafics de stupéfiants" au sein du parquet de Bobigny, le gouvernement semble satisfait des premiers résultats. Alors qu'une vaste opération a permis l'interpellation de 13 personnes dans la ville de Sevran (Seine-Saint-Denis), lundi, le ministre de la Justice, Michel Mercier, estime que cette unité donne de "très bons résultats". "Depuis qu'elle existe, cela va plutôt bien, c'est très efficace", s'est-il satisfait, mardi 28 juin, à l'occasion d'un colloque sur la prévention de la délinquance organisé par le sénateur du Haut-Rhin et ancien secrétaire d'Etat à la Justice, Jean-Marie Bockel.
La ville de Sevran est le théâtre de trafics et de violences périodiques, ce qui avait poussé le maire de la ville, Stéphane Gatignon, à demander, l'intervention de l'armée et réclamer symboliquement l'interposition de "casques bleus". Le maire est aussi un fervent défenseur de la légalisation du cannabis, seul moyen, selon lui, de couper la source des trafics qui rongent certains quartiers de sa commune.
Lors de la séance des questions au gouvernement, mardi, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a lui aussi salué le travail de la nouvelle unité spécialisée, promettant de "restaurer l'Etat républicain" à Sevran. Depuis son installation, "chaque jour, il y a des interpellations : 13 interpellations entre hier et avant-hier, des saisies d'armes, des quantités considérables d'argent et de drogue", a-t-il détaillé. Reconnaissant que la ville était "aux mains des mafias de la drogue", le ministre a par ailleurs réfuté l'idée d'une intervention armée et décidé une présence policière supplémentaire "jusqu'à ce que les mafias soient éradiquées". Cette présence passe par le renfort de compagnies de CRS qui resteront sur place le temps voulu. Le ministre a également parlé de "reconquête urbaine" passant par "toutes les dimensions de l'action publique : l'éducation, l'emploi, la rénovation urbaine, la lutte contre les addictions, la lutte contre le chômage".