Archives

Enfance - Le Centre d'analyse stratégique veut relancer la prévention précoce

Dans une note intitulée "La prévention précoce : entre acquis et controverses, quelles pistes pour l'action publique ?", le CAS reconnaît que la question est complexe et qu'il est difficile de placer la limite entre prévention et contrôle.

Il y a cinq ans, une expertise collective publiée par l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) sur les troubles de conduite chez l'enfant et l'adolescent et les moyens de les prévenir suscitait la polémique, jusqu'au Parlement. La contestation portait en l'occurrence moins sur la réalité des troubles chez certains enfants que sur l'approche prédictive consistant à identifier les facteurs de trouble le plus en amont possible pour les "traiter" dès le plus jeune âge, avant même que surviennent les manifestations éventuelles.
Le Centre d'analyse stratégique (CAS) revient aujourd'hui sur ce sujet délicat. Sa note d'analyse - intitulée "La prévention précoce : entre acquis et controverses, quelles pistes pour l'action publique ?" - part du constat que "certaines études, essentiellement anglo-saxonnes, indiquent que la mise en place de politiques de prévention dès le plus jeune âge, avant que ne surviennent des risques identifiés, serait efficace sur le long terme du point de vue de la santé, de la réussite scolaire, voire des incivilités". Elle reconnaît toutefois que la question est complexe et qu'il est difficile de placer la limite entre la prévention et le contrôle. Même si l'approche est différente, les réflexions du CAS ne sont pas dénuées de tout lien avec le rapport sur "La prévention de la délinquance des jeunes" remis, il y a quelques semaines, au président de la République par Jean-Marie Bockel, alors secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Justice (voir notre article ci-contre du 4 novembre 2010). Celui-ci suggère en effet l'idée d'un "repérage précoce des enfants en souffrance" qui pourrait intervenir dès l'âge de deux ans.

Des conditions de réussite pour la prévention précoce

L'analyse du CAS s'appuie en premier lieu sur un état des lieux de la prévention précoce, que la note juge "contrasté". Elle constate ainsi que l'approche française est plutôt universaliste avec, pour premier exemple, les services de protection maternelle et infantile (PMI) des départements, ouverts à tous les publics et reposant sur une participation volontaire des usagers. Si le second terme de la démonstration est exact, le premier est toutefois plus discutable, l'expérience montrant que les consultations de PMI accueillent très largement, dans les faits, des publics défavorisés ou peu favorisés. La note cite d'autres exemples de cet universalisme, comme les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (Reeap). Elle s'intéresse également à des exemples étrangers, à l'image - comme toujours - du Québec. Le CAS tire de ces analyses et de l'expérience de 2005 la conclusion que "si la prévention précoce est source de polémiques récurrentes, c'est d'abord parce que ses finalités n'apparaissent pas toujours clairement. Elles oscillent entre prévention et prescription, souci du développement harmonieux des enfants et préoccupations d'ordre public par la lutte contre la délinquance juvénile".
A partir de ce constat, la note essaie d'identifier les conditions de réussite pour les programmes de prévention précoce. La première est que les dispositifs correspondants doivent être complémentaires des politiques universalistes existantes. Seconde règle à respecter : "L'organisation des dispositifs de prévention précoce doit viser l'efficacité, en veillant à ne pas stigmatiser des publics déjà vulnérables." Le CAS tire de ce postulat une série de "principes d'action", comme la libre participation et l'encouragement à la participation des parents, la perspective d'une réintégration des bénéficiaires dans les dispositifs universalistes, l'intégration d'une dimension participative, ou encore une intervention conjointe sur les parents et sur les enfants. Le CAS en conclut que "les interrogations éthiques sur ces actions [de prévention précoce, ndlr] invitent à privilégier une prévention 'prévenante', attentive aux singularités individuelles, sans schéma prédictif".