Prévention de la délinquance - 15 propositions pour tenter de juguler la délinquance des mineurs
Brandir la sanction pour ne jamais avoir à l'utiliser : c'est un peu la philosophie du rapport sur la délinquance des jeunes que Jean-Marie Bockel a remis au président de la République, le 3 novembre. Un phénomène qui, selon le secrétaire d'Etat à la Justice, a connu une augmentation de 118% entre 1990 et 2009. Comme on pouvait s'y attendre à l'issue des assises de la prévention de la délinquance des mineurs, tenues le 14 octobre, le rapport, qui formule quinze propositions, met surtout l'accent sur la responsabilité parentale. "La pénalisation de l’irresponsabilité parentale est le pendant de l’aide et du soutien apportés à ces responsabilités", souligne Jean-Marie Bockel, qui propose d'élaborer une "politique publique de la responsabilité parentale". Le rapport entend "faciliter le recours aux poursuites pénales pour les parents défaillants", alors que l'article qui sert de base à la responsabilité pénale des parents (article 227-17) n'est quasiment jamais utilisé (86 condamnations entre 2005 et 2009). "Les relaxes sont alors fréquentes et dangereuses car elles relégitiment les parents défaillants et les privent d’une prise de conscience salutaire", insiste Jean-Marie Bockel, qui propose d'abroger la notion "de motif légitime" qui figure dans l'article. Mais à en croire le ton des magistrats qui se sont exprimés lors des dernières assises, il y a peu de chance que cette nuance puisse changer la donne. La réponse du rapport repose donc plutôt sur les alternatives aux poursuites pénales, notamment sur des outils existants mais qui ont du mal à se répandre malgré le plan national de prévention de la délinquance lancé l'an dernier à cet effet. Il en va ainsi des conseils des droits et devoirs de la famille institués en 2007 mais installés dans une quarantaine de communes seulement. Le rapport propose donc de les généraliser dans toutes les communes de plus de 10.000 habitants (comme l'avait d'ailleurs prévu le texte initial de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance).
Répérage précoce
Le rapport propose aussi de généraliser le contrat de responsabilité parentale, l'une des mesures les plus contestées puisque c'est elle qui conditionne la demande de suspension des allocations familiales par les conseils généraux. Là encore, la crainte de la sanction doit éviter d'aller jusqu'à cette extrémité : "Sur les 145 contrats signés en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la procédure de suspension des allocations familiales n’a jamais été menée à son terme ; les difficultés se résorbant d’elles-mêmes", souligne le rapport, qui suggère d'associer au contrat l'exécution d'un stage parental. Ecoles de parents et coaching parental sont également au programme. Le rapport s'inquiète par ailleurs que "dans certains quartiers où explose la délinquance juvénile, plus d'un foyer sur deux est une famille monoparentale" : il reprend l'idée d'instaurer un statut du beau parent (une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy).
L’école est "le lieu idéal pour repérer les élèves en difficulté et mobiliser l’aide qui leur est nécessaire", souligne encore le secrétaire d'Etat, qui remet au goût du jour l'idée d'un "repérage précoce des enfants en souffrance"... dès l'âge de deux ans. Une idée suggérée lors des assises par Jean-Pierre Rosenczveig, vice-président au tribunal de grande instance de Bobigny, et qui n'a pas fini de faire parler d'elle (on se souvient de la polémique suscitée il y a quelques années par une expertise de l'Inserm à ce sujet).
"La propagation du fait religieux islamique" justifie "de la part des pouvoirs publics une réflexion lucide", insiste par ailleurs le secrétaire d'Etat. "Depuis le début des années 2000, les mouvements islamistes ont investi le champ de l’éducation allant jusqu’à inciter les familles à retirer les enfants des écoles publiques pour les inscrire dans des écoles coraniques", s'inquiète-t-il dans un volet consacré à la "reconquête de l'espace public".
Le rapport s'intéresse également au phénomène de bandes et recommande une politique de prévention ciblant spécifiquement les filles, dont la part dans les actes commis est en augmentation. "La mise en cause de jeunes filles dans les infractions de violences volontaires a augmenté de 97,5% entre 2004 et 2009, une progression de 75,5% étant également observée sur la même période s’agissant des violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique", relève le secrétaire d'Etat, reprenant les résultats d'une étude récente de l'Observatoire nationale de la délinquance.
Le rapport propose enfin de rénover la "doctrine d’emploi des éducateurs de rue" et d'inscrire le juge des enfants comme membre à part entière du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). S'agissant des moyens, il reprend une demande de nombreux élus de ne pas consacrer une part trop importante du fonds interministériel de prévention de la délinquance à la vidéoprotection. Celle-ci accapare 30 millions d'euros sur les 50 disponibles en 2010.
Michel Tendil