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Justice - Les collectivités invitées à accueillir des "tigistes"

Michel Mercier, ministre de la Justice, souhaite redynamiser le travail d'intérêt général (TIG) en tant qu'alternative pertinente à l'incarcération. Et espère à ce titre que davantage de collectivités locales, notamment, seront prêtes à proposer des postes ou heures de travail. Et pas uniquement pour des tâches d'entretien... Certaines communes montrent déjà la voie et font de ce dispositif un vrai outil de réinsertion.

"Je souhaite lancer un appel aux collectivités locales pour qu'elles puissent encore plus s'inscrire dans ce mouvement." Cet appel est celui de Michel Mercier, en tant que ministre de la Justice, et concerne un dispositif que son ministère entend aujourd'hui encourager et développer : le travail d'intérêt général (TIG).
Le TIG existe déjà de longue date, puisque instauré en 1983. A ne pas confondre avec les fameux TUC créés un an plus tôt (ni avec les multiples contrats d'insertion qui leur ont succédé... ni avec les "heures de travail social" non rémunérées récemment évoquées pour les bénéficiaires du RSA par un certain Laurent Wauquiez...). Le TIG constitue une peine alternative à l'incarcération, qui peut être prononcée par un juge pour les contraventions de 5e classe et les délits passibles d'une peine de prison. Décidé avec l'accord du condamné, il s'agit d'un travail non rémunéré effectué au sein d'un établissement public, d'une collectivité ou d'une association habilitée. Il peut en outre être prononcé comme obligation particulière accompagnant une peine d'emprisonnement avec sursis. La durée du TIG est évidemment très variable selon la nature de l'infraction - de 20 à 120 heures pour une contravention, de 20 à 210 heures pour un délit. Les juridictions pénales prononcent actuellement près de 30.000 mesures de TIG par an. Mais ce nombre est visiblement jugé insuffisant : il y a urgence à développer les alternatives à l'incarcération, a souligné Michel Mercier. Notamment parce que les prisons françaises sont pleines (près de 65.000 détenus) et que pas moins de 80.000 peines sont en attente d'exécution. Mais aussi parce que, visiblement, tout le monde s'accorde à louer les vertus du TIG en tant que "sanction utile au condamné et à la société", pour reprendre l'intitulé du premier "Forum TIG" organisé mardi 14 juin à la Chancellerie. Utile pour le condamné en tant que "peine riche de sens" lui permettant notamment de "réapprendre les règles et contraintes d'un milieu professionnel", pour reprendre les termes du garde des Sceaux. Et celui-ci de juger le TIG particulièrement pertinent pour les primo-délinquants et/ou en tant qu'outil de "prévention de la récidive".

Diversification

Alors pourquoi pas davantage de TIG ? Parce que les structures se proposant d'accueillir des "tgistes" ne se bousculent pas. "L'offre de TIG est aujourd'hui trop rare et trop mal répartie sur le territoire", a confirmé mardi le ministre en clôture de ce forum qui réunissait des représentants de la justice, des collectivités, des associations... Celui-ci compte donc "mieux faire connaître" ce dispositif qui a tout récemment fait l'objet d'une circulaire (circulaire du 19 mai 2011), un an après un décret visant à en simplifier les procédures (décret du 18 juin 2010). Le "guide du TIG", destiné aux structures d'accueil, vient d'être réactualisé, une bourse des TIG "pourrait" être créée, une "journée nationale du TIG" sera organisée (première édition le 11 octobre prochain") et un comité de pilotage destiné à "initier et suivre les actions concrètes en faveur du développement des postes et la conclusion de conventions nationales" sera prochainement installé au ministère. Michel Mercier a aussi, entre autres, suggéré aux "fonctionnaires des Spip (services pénitentiaires d'insertion et de probation) d'aller à la rencontre des élus locaux".
Relevant que le projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, en cours de navette parlementaire, prévoit d'étendre le TIG aux mineurs d'au moins 16 ans, le garde des Sceaux a, par ailleurs, souligné la nécessité de "diversifier les postes de TIG". Ceci, pour pouvoir proposer des heures de TIG "en soirée, en fin de semaine, en secteur rural"… et, alors que la majorité des heures de travail actuellement proposées concernent des travaux d'entretien ou maintenance – notamment au sein des services techniques des collectivités -, pour ouvrir davantage les TIG à d'autres domaines. Et Michel Mercier de citer "l'aide à la personne, l'environnement, les actions caritatives, le secteur hospitalier ou la culture - bibliothèques, théâtres, musées…". Interrogé par Localtis sur le type de postes que pourraient proposer d'autres niveaux de collectivités que les communes, à commencer par les départements, il a cité l'exemple des "sentiers de randonnée" (création, entretien, animation), qui pourraient selon lui donner lieu à "des milliers de postes", ainsi que celui des transports scolaires.

"Aucun retour négatif"

Des personnels judiciaires et pénitentiaires intervenant lors du forum ont eux aussi souligné l'importance de diversifier les postes proposés. Ainsi, Béatrice Penaud, vice-présidente en charge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Pontoise, a fait savoir que si dans son département, le Val d'Oise, "le nombre de TIG a doublé entre 2009 et 2010", la moitié d'entre eux concernait des chantiers forestiers et qu'elle souhaiterait "plus de TIG le week-end, dans le secteur de l'aide à la personne, plus de stages collectifs par exemple en matière de sécurité routière". Alors que "le nombre des propositions venant des mairies stagne et manque de stabilité", Béatrice Penaud attend aussi "une implication accrue des départements et des régions". Selon elle, deux difficultés majeures constituent un frein au développement des TIG : le fait que le TIG doive être réalisé dans les 18 mois suivant la condamnation (ce délai devrait selon elle être porté à deux ans) et, surtout, le fait que les tuteurs au sein des structures accueillantes se sentent souvent insuffisamment soutenus et reconnus.
Plusieurs élus locaux ont pour leur part témoigné de leur propre expérience – de leurs ambitions en matière d'accueil de TIG, des difficultés rencontrées mais aussi des satisfactions obtenues. Tel le maire d'Aubervillers (93), Jacques Salvator, dont la ville est fortement impliquée dans le dispositif : pas moins de 75 TIG se sont succédé dans les services municipaux depuis 2005. Et, cette fois, pas que dans les services techniques – "nous en accueillons aussi dans les services administratifs, et n'excluons pas les postes en contact avec le public", note Jacques Salvator, qui compte par exemple actuellement trois TIG au sein de la mission handicap-ville, qui inclut cette démarche dans "une politique globale de réinsertion"… et n'a "pour le moment eu aucun retour négatif". "Le message auprès des citoyens passe bien", ajoute-t-il.
Autre décor, autre choix : celui de Saverne, une ville de seulement 12.000 habitants mais qui se trouve être le siège d'un TGI à deux chambres et compter plusieurs structures d'accueil pour mineurs délinquants ou en difficulté. Ayant constaté que les TIG proposés chaque année "ne marchaient pas très bien", la commune a récemment décidé de miser sur des "TIG groupés", à savoir collectifs. Notamment parce qu'il "fallait pouvoir leur proposer de vrais chantiers", explique le maire, Emile Blessig. Deux gros chantiers ont ainsi été mis sur pied pour des équipes de six à huit tgistes : une opération d'entretien du mobilier urbain et le débroussaillage d'un château fort. Cet été, c'est la rénovation du mobilier scolaire et des cours d'école qui seront au programme. Avec, certes, une petite particularité peut-être pas anodine : le responsable du service technique est réserviste de la gendarmerie...

 

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