Délinquance - Le CNV propose de revoir le plan de prévention
Dans un courrier adressé au Premier ministre, le 20 janvier, le Conseil national des villes (CNV) s'est dit prêt à travailler avec Jean-Marie Bockel sur les questions de prévention. L'ancien secrétaire d'Etat à la Justice vient en effet de se voir confier par François Fillon la mission de donner une impulsion nouvelle à la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 et au plan du 20 octobre 2009 relatifs à la prévention de la délinquance. A cet effet, dans une recommandation publiée le 25 janvier, le CNV en appelle à une "clarification des compétences" et soutient "la demande formulée officiellement en septembre 2009 auprès du Premier ministre par les associations nationales représentants les élus, d'une rencontre avec les représentants du gouvernement".
La recommandation intervient après deux rapports du CNV qui pointaient les difficultés de mettre en œuvre la loi de 2007 et du plan de 2009. Le dernier en date, fondé sur les témoignages des coordonnateurs de CLSPD (conseils locaux de sécurités et de prévention de la délinquance), constitue une "alerte sérieuse", au dire du CNV, sur les relations entre Etat et collectivités sur le terrain. Sentiment qui s'est confirmé lors d'un forum organisé à Gonesse le 16 décembre réunissant 150 acteurs de la prévention (voir notre article du 16 décembre 2010 ci-contre).
Le CNV recommande tout d'abord de ne pas trop se focaliser sur la délinquance des mineurs, une priorité du plan de prévention et qui vient de faire l'objet d'un rapport de Jean-Marie Bockel, quelques semaines avant son départ du gouvernement. Car cette délinquance "fait toujours débat alors même qu'elle n'a fait que baisser depuis dix ans", souligne le conseil. Il invite à élargir les priorités du plan national aux autres manifestations de l'insécurité comme la prévention de la drogue et des dépendances.
Inégalités
Selon le CNV, la loi du 5 mars 2007 qui a fait du maire le pivot de la prévention, et le plan qui a suivi, n'ont pas mis fin à "une certaine confusion" dans les rôles et compétences des acteurs de la prévention. Pire, ils ont abouti à "une forme de recentralisation dans les faits". Illustration avec les nouvelles stratégies locales de prévention de la délinquance amenées à se substituer aux contrats locaux de sécurité (CLS) mais qui créent "une confusion du fait de la survivance massive" de ces contrats. De plus, le changement de terminologie "n'a pas démontré sa pertinence auprès des élus", estime le CNV.
Ce dernier constate par ailleurs une montée en charges des polices municipales dans le domaine de la sécurité pour compenser le recentrage de la police nationale sur l'ordre public et les enquêtes de police judiciaire, sans le moindre débat politique sur le sujet. Cette situation est "préjudiciable pour les villes qui sont investies comme pour celles qui n'ont pas de police municipale, par choix politique ou par manque de moyens". Ce qui "accentue d'une certaine façon les inégalités"… Or, dans le même temps, les crédits dévolus par l'Etat à la prévention ne sont "pas à la hauteur des enjeux" et trop tournés vers la vidéoprotection, juge le conseil. Il recommande d'en augmenter le volume global et de les réorienter au profit de la prévention sociale et éducative et de la prévention situationnelle.
Prévention précoce
En matière de gouvernance, le conseil juge que "le besoin de dialogue est patent", au moment où la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) passe en commission mixte paritaire le 26 janvier et achève ainsi son parcours législatif. Cette loi confère de nouvelles prérogatives aux polices municipales et l'un des sujets de désaccord entre les deux assemblées tient à la conditionnalité des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance. Le CNV recommande donc de réorienter le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes selon "une démarche ascendante plutôt que descendante" en lien étroit avec les collectivités et les acteurs locaux concernés, notamment le monde de l'entreprise. Il reprend l'idée de la prévention précoce formulée dans le rapport Bockel et reprise dans une note du Conseil d'analyse stratégique. Ce plan réactualisé devrait en outre comporter une batterie de sanctions "innovantes, simples et compréhensibles et efficaces", estime le conseil : rappel à l'ordre, mesure éducative, réparation pénale, indemnisation rapide, et des mesures "extrajudiciaires" comme alternatives aux poursuites, en partenariat avec la société civile et les collectivités locales. La "démarche ascendante" préconisée par le conseil doit se retrouver lors de l'élaboration des plans départementaux de prévention de la délinquance. Ce qui pour l'heure n'a pas été le cas, les élus ayant rarement été consultés.
"La sécurité et la prévention, c'est la même chose"
Alors que le Premier ministre a annoncé, lors d'un déplacement à Garge-lès-Gonesse, en novembre dernier, la prolongation des contrats urbains et de cohésion sociale jusqu'en 2014, le conseil recommande d'élargir à la prévention les thématiques prévues actuellement (emploi, éducation, sécurité).
En somme, le CNV est favorable à un retour au triptyque "prévention, sécurité, solidarité", du rapport Bonnemaison de 1983. Jean-Marie Bockel semble sur la même longueur d'onde, lui qui a expliqué avoir accepté la mission qui vient de lui être confiée pour tenter de faire passer le message que "la sécurité et la prévention, c'est la même chose". "Je considère que la politique sécuritaire de la France a touché ses limites et que l'erreur serait de basculer dans le tout sécuritaire qui n'a jamais fonctionné", a-t-il fait valoir. Reste à savoir si le gouvernement reprendra cette idée de forum ou de grenelle de la sécurité maintes fois réclamée par les élus. En attendant, le CNV a annoncé qu'il organiserait au mois d'octobre 2011, un colloque national sur la sécurité et de la prévention de la délinquance, "les deux termes étant fondamentalement indissociables".