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Prévention de la délinquance - Le CNV favorable à un forum national sur la sécurité

Elus, magistrats, travailleurs sociaux, éducateurs, coordonnateurs de la prévention... Une centaine de personnes étaient réunies, mercredi 15 décembre à Gonesse, à l'initiative du Conseil national des villes pour évoquer leur malaise face au plan national de prévention de la délinquance.

Le plan national de prévention de la délinquance a décidément du mal à passer. Lancé par François Fillon en octobre 2009, il était censé lever les blocages à la mise en oeuvre de la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007. Réunis le 15 décembre à Gonesse (Val-d'Oise) à l'initiative du Conseil national des villes (CNV), de nombreux responsables de la prévention (élus, magistrats, travailleurs sociaux, éducateurs, coordonnateurs...) ont lancé un cri d'alarme : la situation sur le terrain a empiré, selon eux. Et ils reprochent à l'Etat d'avoir imposé ses objectifs sans tenir compte des réalités locales, notamment dans les plans départementaux, devenus une sorte de déclinaison locale du plan national. "Il y a un paradoxe : le maire est reconnu comme le pivot de la prévention de la délinquance et on assiste en même temps à une forme de centralisation avec un plan national", a ainsi critiqué Jean-Pierre Blazy, maire de Gonesse et coprésident du groupe de travail sur la prévention et le traitement de la délinquance au CNV. Mais certains élus, de tous bords, vont même plus loin et n'hésitent pas à dénoncer une détérioration des relations de travail. "Tout ce qui a été instauré depuis des années est mis à mal", a ainsi déclaré Véronique Fayet, adjointe au maire de Bordeaux. Des témoignages qui confortent les résultats du récent sondage du CNV mené auprès des coordonnateurs de CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance). Ces derniers avaient jugé "peu crédible" le plan Fillon, et ses effets souvent "négatifs".

Méfiance de la population

"Le carburant [du partenariat local], c'est la confiance, c'est ce qui s'est perdu", a analysé le sociologue Gilbert Berlioz. "On voit bien qu'il y a une rétractation des travailleurs sociaux vis-à-vis des politiques de prévention de la délinquance, or ils en sont un enzyme actif." Pire, selon lui, "il y a une méfiance de la population". "Attention aux politiques dont la population se méfie, a-t-il mis en garde. Les médiateurs ne peuvent plus s'afficher en serrant la main d'un policier, dans une société démocratique, c'est très grave."
Certes, selon l'évaluation menée au cours de l'été par les préfets et publiée par le conseil interministériel de prévention de la délinquance (CIPD), fin novembre, un décollage semble amorcé : les élus commenceraient à s'approprier certaines dispositions de la loi de 2007. C'est l'avis de Xavier Lemoine, maire de Montfermeil et vice-président du CNV, qui estime qu'il y a un "léger mieux". Il y aurait ainsi une centaine de conseils des droits et devoirs des familles - l'une des mesures-phares de cette loi - et une cinquantaine de stratégies territoriales de sécurité et de prévention de la délinquance créées par le plan Fillon. Ces stratégies devaient se substituer aux contrats locaux de sécurité, en perte de vitesse. Or, pour Gabriel Sciamma, coordonnateur du CLSPD de la communauté urbaine de Strasbourg, "il y a une confusion dans les termes, car une stratégie fait partie d'un contrat mais ne le remplace pas". "Il est hors de question de mettre à la poubelle le CLS qui vaut engagement et feuille de route", a-t-il prévenu. Un autre malaise récurrent tient à la confusion entre prévention et protection de l'enfance, confusion encore accentuée par la parution le même jour des deux lois du 5 mars 2007 (la seconde étant celle réformant la protection de l'enfance). De fait, maire et président de conseil général se trouvent en concurrence. "Il vaut mieux un mauvais général que deux bons", a déclaré Gilbert Berlioz.

"Malentendu très grave"

Les maires vivent d'autant moins bien cette recentralisation de la prévention par l'Etat que celui-ci semble incapable d'endiguer la montée de la violence. "On partage une grande inquiétude quant à l'évolution de la délinquance, je ne parle pas de l'évolution quantitative mais de sa nature, de ses auteurs, de la gravité des faits", a alerté Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois. Le président de Ville et banlieue estime par ailleurs qu'il y a urgence à travailler sur la "prévention primaire", de manière à intervenir "le plus tôt possible". Selon lui, la situation de l'éducation dans les quartiers sensibles est "catastrophique". "Il y a un malentendu très grave : le discours des jeunes sur la police est extrêmement gentil comparé au discours des jeunes sur l'éducation."
Comme l'avait fait l'Association des maires de grandes villes de France cet été, demandant un "Grenelle de la sécurité", le CNV appelle sans plus attendre à un grand forum ou à une "table ronde nationale" entre tous les acteurs de la prévention et de la sécurité afin de tout remettre à plat. "Il y a une confusion dans le qui fait quoi... Le maire a des responsabilités nouvelles mais pas les moyens financiers ni réglementaires et législatifs pour les assumer", a ajouté Claude Dilain. Dans une recommandation qu'il devait adopter jeudi après-midi, le CNV propose de restaurer le triptyque "prévention-répression-solidarité" qui figurait déjà dans le rapport Bonnemaison de... 1983. Le conseil recommande un accompagnement fort de l'Etat sur la gouvernance locale et sur le plan financier. L'un des points qui revient souvent est la captation des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) par la vidéoprotection, au détriment des autres actions. Jean-Pierre Blazy a repris l'idée du rapport Bonnemaison de taxe sur les assurances pour financer la prévention. Selon lui, seulement une dizaine de postes de coordonnateurs CLSPD sur les mille existants seraient financés. 
Pour autant, les élus ne cèdent pas au fatalisme. Ils constatent que quand le partenariat local fonctionne, la situation est rapidement réversible. "Il y a une nécessité de prendre en compte le local, insite Xavier Lemoine. Chez nous, nous avons mis en place tous les outils de la loi de 2007. Par ailleurs, nous avons une unité territoriale de quartier, un groupe local de traitement de la délinquance... Grâce à tout ceci, on est parvenu à inverser la tendance, même si cela demande une grande vigilance." 

 

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