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Ressources humaines - Intéressement collectif : les territoriaux aussi

Le gouvernement souhaite développer l'intéressement collectif dans les trois fonctions publiques. Un accord-cadre sur ce sujet vient d'être rendu public... mais pour les territoriaux, il faudra attendre une loi.

La signature d'un accord-cadre sur l'intéressement collectif dans les trois fonctions publiques vient d'être proposée à l'ensemble des syndicats de fonctionnaires par le ministère chargé de la Fonction publique. Négocié avec quatre fédérations (CFDT, Unsa, CFTC, CFE-CGC), le texte devrait faire l'objet d'une ultime réunion vendredi 12 mars 2010. Les syndicats auront ensuite jusqu'à la fin mars pour décider s'ils signent ou non cet accord.
"L'introduction de l'intéressement a vocation à rénover profondément les pratiques de gestion, à renforcer la motivation des personnels, à améliorer la qualité du service public et à approfondir le dialogue social, dans les trois versants de la fonction publique. L'enjeu qui s'y attache est donc particulièrement important", indique le projet de texte. Ce document, de quatre pages, reprend les grandes lignes du rapport du député du Lot-et-Garonne Michel Diefenbacher (UMP) présenté en mai 2009 au Premier ministre et intitulé "L'intéressement collectif dans la fonction publique" (voir ce rapport ci-contre).
Si l'accord-cadre pourra directement être mis en œuvre dans la fonction publique de l'Etat par un simple décret, il faudra pour la fonction publique territoriale attendre une loi : "Le gouvernement présentera des dispositions de nature législative permettant de mettre en oeuvre l'intéressement collectif [...] dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales." Des discussions devraient s'engager dès la signature de l'accord avec les employeurs de la FPT et les organisations syndicales représentatives. Aucun calendrier n'a pour l'instant été rendu public.  

Une prime pour qui ? De quel montant ?

Le principe posé par le projet d'accord-cadre est que tout agent, quel que soit son statut (donc y compris les contractuels), puisse entrer dans le champ d'un dispositif d'intéressement qui donne lieu au versement d'une prime. Certains agents devraient cependant être exclus du dispositif : ce sont ceux qui n'ont pas été suffisamment "présents dans le service" et ceux qui ne se seraient pas suffisamment "investis dans l'effort et le résultat collectif". Deux conditions sur lesquelles le document (disponible sur le site des Echos) donne des premières indications, mais qu'on ne pourra commenter que lorsqu'on connaîtra les modalités précises d'appréciation de ces conditions.

L'intéressement constituera une "rémunération supplémentaire et ne se substituera pas à une rémunération existante". Le mode de calcul de la prime sera forfaitaire  - montant identique quel que soit le niveau hiérarchique -, sauf si les partenaires sociaux en conviennent autrement dans le cadre du dialogue social prévu dans l'accord-cadre. Sur le montant de la prime, l'accord-cadre ne dit rien : pour l'Etat, chaque ministère décidera, après négociation avec les syndicats, quelles seront les enveloppes financières et quel mode de calcul sera choisi. A Bercy, un système de rémunération de ce type est déjà en place : la prime varie de 0 à 150 euros par an et, en 2008, la quasi-totalité des effectifs en ont bénéficié. Mais cela n'est qu'un exemple : tout dépendra du montant des enveloppes effectivement allouées, et des critères d'attribution. A enveloppe constante, plus le nombre d'agents bénéficiaires sera important plus maigre sera la prime... c'est logique. Un montant qui n'est pas sans conséquence, si l'on attend de ce nouveau mode de rémunération un "renforcement de la motivation des personnels".


Quels critères ? Quels objectifs ?

Les critères et les objectifs seront fixés "collectivement dans le cadre du dialogue social". Cependant, l'accord-cadre suggère cinq types de critères :

- des critères liés à l'amélioration de la qualité du service rendu ;
- des critères liés à l'amélioration de la conduite des politiques publiques, notamment en cas d'événement exceptionnel prévisible venant augmenter la charge de travail du/des services ;
- des critères liés à la maîtrise des coûts et à l'efficience des services ;
- des critères liés à l'amélioration des conditions de travail ;
- des critères liés au développement durable.
"Les objectifs devront être peu nombreux (4 à 5 maximum pour chaque administration), clairs, et correspondre à la situation concrète de chacun des services concernés. Ils devront être fixés en fonction de la capacité des services à agir sur eux". Tous les services auront vocation à être éligibles au dispositif de l'intéressement collectif. Mais, "afin d'assurer une sélectivité entre les services, au vu de leurs résultats respectifs, et d'allouer un montant de prime significatif" seront bénéficiaires  :
- les services ayant connu la plus forte progression dans l'atteinte de leurs objectifs ;
- les services ayant obtenu les meilleurs résultats dans l'atteinte des objectifs ;
- les services ayant atteint leurs objectifs.

Le versement de la prime ne devrait pas être automatique d'année en année, ni d'un montant constant. 
 

Un dispositif encadré, "pour éviter une concurrence entre collectivités"

Lors de leur audition par Michel Diefenbacher, les trois principales associations d'élus (AMF, ADF, ARF) s'étaient déclarées "intéressées" par les dispositifs de rémunération à la performance. Spontanément cependant, elles avaient "exprimé un intérêt plus marqué pour les systèmes de rémunération individuelle au mérite". Tout en insistant sur la nécessité de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, elles ne s'étaient pas montrées opposées à ce que l'intéressement soit "encadré, de manière à éviter que les collectivités ne se livrent à une véritable concurrence en matière de recrutement et que les règles de la mobilité des fonctionnaires ne s'en trouvent faussées". Certains élus avaient trouvé "inadéquat voire déplacé le terme d'intéressement : la notion d'intérêt [leur] semblait en effet contraire à la nature et à la vocation du service public. Et la transposition d'une telle notion dans la fonction publique radicalement différente du monde de l'entreprise, [leur] paraissait inadéquate voire dangereuse (rapport, p.38)". Du côté des syndicats, il avait été, entre autres, mis en avant les problèmes posés par la définition de critères d'intéressement... et la question du financement de ladite prime.

Un dossier dont nous ne manquerons pas de suivre, après les annonces, l'avancée de la mise en oeuvre dans les mois qui viennent.

 

Hélène Lemesle