Instauration d'un moratoire sur le placement de personnes handicapées en Belgique
Sophie Cluzel a annoncé ce moratoire à l'issue d'une réunion de la commission mixte paritaire franco-wallonne. Celui-ci prendra effet le 28 février. Plus de 8.200 adultes et enfants sont actuellement placés dans 227 établissements wallons. Une enveloppe de 90 millions d'euros sur trois ans est prévue depuis 2020 pour développer des solutions alternatives dans les trois régions concernées par ces placements : Hauts-de-France, Île-de-France et Grand Est.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire franco-wallonne, le 21 janvier, Sophie Cluzel a annoncé un moratoire sur la capacité d'accueil des adultes handicapés français en Belgique. Celui-ci prendra effet à compter du 28 février 2021. Dans un communiqué commun du même jour, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et la ministre wallonne de l'action sociale précisent que ce moratoire se double d'une accélération de la création de solutions d'accueil de proximité pour les personnes en situation de handicap en France.
Plus de 8.220 handicapés français dans 227 établissements wallons
Le placement de personnes handicapées en Belgique, faute de place en France, est un sujet récurrent depuis de nombreuses années, qui a déjà fait l'objet de plusieurs rapports, notamment de la part de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales). Ces placements sont tout à fait officiels, puisqu'ils font l'objet d'une prise en charge par la sécurité sociale française et même d'un accord-cadre franco-wallon signé en 2011 (voir nos articles du 23 mai et 21 novembre 2013). Dans le cadre de cet accord, une commission mixte paritaire se réunit régulièrement depuis 2014 pour en suivre l'application (voir notre article du 4 novembre 2014).
Le phénomène est très loin d'être marginal, puisqu'au 31 décembre 2019, 8.233 personnes handicapées françaises étaient prises en charge dans 227 établissements wallons : 6.820 adultes et 1.413 enfants (ces derniers, parmi lesquels de nombreux autistes, ne semblant pas, a priori, être concernés par le moratoire). Ces personnes proviennent essentiellement de trois régions : Hauts-de-France, Île-de-France et Grand Est.
Plusieurs tentatives ont déjà été menées pour réduire ces "départs forcés" en Belgique (terme utilisé par le rapport de l'Igas sur le sujet, en décembre 2016), mais sans grand effet jusqu'à présent. Ce fut le cas avec le lancement du programme "Zéro sans solution" en 2013, puis avec la démarche "la réponse accompagnée pour tous" en 2015 (voir notre article du 12 novembre 2015). Ces dispositifs avaient toutefois une vocation plus large que les seuls placements en Belgique. Une enveloppe de 15 millions d'euros avait néanmoins été dégagée "pour créer des places en France et éviter les départs en Belgique" (voir notre article du 13 octobre 2015).
Une situation "pas décente pour un pays comme le nôtre"
Lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 11 février 2020, Emmanuel Macron avait fustigé une situation qui n'est "pas décente pour un pays comme le nôtre". Le chef de l'État avait donc fixé pour objectif de supprimer tous les départs contraints d'ici à la fin de 2021 (voir notre article du 11 février 2020). Mais, cette fois-ci, les moyens financiers sont plus conséquents. Une enveloppe de 90 millions d'euros sur trois ans est ainsi dédiée depuis 2020 au "développement de solutions alternatives, afin de mettre fin aux séparations non choisies" dans les régions concernées par ces départs. Le plan prévoit d'encourager "l'installation de solutions d'accueil nouvelles, telles que des 'maisons d'accueil spécialisées à domicile', des services à domicile renforcés ou encore des unités de vie résidentielles pour adultes en situation complexe". Il est prévu d'engager un travail conjoint avec les parties prenantes, en particulier les associations gestionnaires et les départements, afin d'assurer la mise en place de ces solutions.