Médicosocial - Handicap : quinze millions d'euros pour ne pas aller en Belgique
Marisol Touraine et Ségolène Neuville, la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, annoncent le déblocage d'une enveloppe de 15 millions d'euros dès 2016, "pour créer des places en France et éviter les départs en Belgique". Cette décision marque un nouveau tournant - ou au moins une inflexion - dans la longue histoire du placement des personnes handicapées en Belgique (voir nos articles-ci contre). Elle s'inscrit aussi dans le prolongement du programme "Zéro sans solution", lancé en 2013 (voir notre article ci-contre du 28 octobre 2014).
Une véritable inflexion
L'annonce des deux ministres constitue une véritable inflexion. Au cours de ces dernières années, l'objectif était en effet plutôt de "légaliser" les placements en Belgique, qui concernent environ 1.500 enfants et 4.500 adultes. Ce but a été atteint avec l'accord-cadre signé le 21 décembre 2011 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées. Cet accord a été ratifié par une loi de novembre 2013 (voir notre article ci-contre du 21 novembre 2013).
Cet accord donne un cadre officiel à la prise en charge des frais de séjour par l'assurance maladie française. Une enveloppe de 70,1 millions d'euros est ainsi prévue pour financer ces dépenses en 2015 (voir notre article ci-contre du 12 mai 2015).
Mais à peine installée, cette politique est apparue contradictoire avec l'esprit du "Zéro sans solution", mis en place dans la foulée du rapport de Denis Piveteau, conseiller d'Etat et ancien directeur de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie).
Un accompagnement spécifique en cas de risque de rupture de parcours
Le dispositif présenté par les deux ministres entend donc limiter les placements en Belgique, en développant "significativement" les solutions à proximité de leur domicile. Pour cela, il privilégie trois solutions : des interventions directes de professionnels spécialisés au domicile, des renforts de personnels dans les établissements médicosociaux de proximité et, enfin, des créations de place sur mesure dans des établissements et services médicosociaux.
La mise en place de ce dispositif s'appuiera sur une mesure prévue par le projet de loi relatif à la Santé, en cours d'examen au Parlement : la possibilité, pour les personnes handicapée et leur famille - et sous l'égide de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) - d'élaboration d'un "plan d'accompagnement global spécifique en cas de risque de rupture de parcours". Avant même la publication de la loi Santé, ce dispositif doit être expérimenté dans 22 départements volontaires. L'enveloppe de 15 millions d'euros servira à financer ces solutions, "en complément des crédits prévus par ailleurs pour créer des places".
Cette évolution était en préparation depuis quelque temps. Signe qui ne trompe pas : l'agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais et les conseils départementaux concernés ont cessé de conventionner de nouvelles places dans des établissements d'hébergement en Belgique. Ceci a d'ailleurs conduit à inscrire de nombreuses demandes sur liste d'attente. Le recours à des établissements belges est cependant loin d'être abandonné. Ségolène Neuville a ainsi bien pris soin de préciser qu'elle veillera "par ailleurs à la bonne mise en œuvre de l'accord franco-wallon".