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Handicap - Après sa condamnation, la Belgique pourrait remettre en cause l'accueil de handicapés français

Saisi par la Fédération internationale des droits de l'homme et par une vingtaine d'associations belges de défense des personnes handicapées, le Comité européen des droits sociaux a condamné la Belgique pour sa politique à l'égard des handicapés. La décision remonte au 18 mars dernier, mais a été rendue publique par le comité le 29 juillet 2013. Cette condamnation vise la violation de la Charte européenne des droits sociaux du Conseil de l'Europe. Le jugement est particulièrement sévère, puisqu'il indique, dans ses attendus, qu'"aucune justification, avancée par le gouvernement de la Belgique relative à sa carence d'assurer un nombre de places (suffisant) dans des centres d'accueil et d'hébergement pour les personnes handicapées adultes de grande dépendance, de sorte que ces personnes ne soient pas exclues d'accès à ce mode de service social, n'est susceptible d'être retenue. Le Comité dit, par conséquent, que cette carence est constitutive de violation de la Charte".
La décision finale relève ainsi six cas de violation de la Charte. Le comité considère notamment "à l'unanimité qu'il y a violation de l'article 14§1 de la Charte en raison des obstacles élevés à l'accès égal et effectif des personnes handicapées adultes de grande dépendance aux services sociaux qui leur sont appropriés". Et surtout, le comité considère "à l'unanimité qu'il y a violation de l'article E combiné avec l'article 14§1 de la Charte du fait que l'Etat belge ne crée pas de centres d'accueil et d'hébergement en nombre suffisant afin d'éviter l'exclusion de nombreuses personnes handicapées grandement dépendantes des services sociaux adaptés à leurs besoins spécifiques et concrets".

A peine institutionnalisé et déjà menacé...

Contrairement à d'autres instances européennes, les décisions du Comité européen des droits sociaux n'ont pas de valeur contraignante, mais elles constituent une condamnation morale qui contraint les Etats à réagir, sous la pression accrue et légitimée des associations. Les effets de cette décision pourraient notamment toucher les personnes handicapées de nationalité française accueillies dans les établissements spécialisés belges, faute de places en France. Environ 4.000 handicapés français - selon les chiffres avancés par l'Inspection générale des affaires sociales dans un rapport qui remonte maintenant à plus de six ans - seraient ainsi hébergés dans des établissements belges, dont les deux tiers originaires de la région Nord-Pas-de-Calais.
Longtemps très fragiles sur les plans juridique et financier, ces placements en Belgique ont désormais un cadre légal, puisqu'un accord entre la France et le gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique les a récemment officialisés (voir notre article ci-contre du 23 mai 2013). Un arrêté du 3 avril 2013 prévoit même une enveloppe de 65 millions d'euros, pour l'année 2013, afin de financer les dépenses afférentes aux placements de Français handicapés dans des établissements situés en Belgique. Alors que ces placements sont en voie d'institutionnalisation, ils pourraient bien être remis en cause par la décision du Comité européen des droits sociaux. On voit mal en effet la Belgique engager des dépenses lourdes pour accueillir en établissements ses ressortissants handicapés, sans remettre en cause, au moins en partie, l'accueil des handicapés français. Compte tenu de l'origine de ces derniers, l'essentiel du problème se reporterait alors de l'autre côté de la frontière, dans le Nord-Pas-de-Calais.