Handicap / Education - Intégration des enfants handicapés en Europe : une volonté commune, des réponses divergentes
Le Centre d'analyse stratégique (CAS) publie une note consacrée à "La scolarisation des enfants en situation de handicap dans les pays européens : quelles voies de réforme pour la France ?". S'il n'est pas dénué d'intérêt, le document déçoit quelque peu au regard d'autres travaux du CAS, par exemple sur le secteur du logement. Ainsi, près du tiers de la note est consacré à des "repères sur la situation française", déjà largement diffusés dans les - nombreux - rapports sur le bilan de la loi Handicap du 11 février 2005.
Une définition trop vague pour permettre les comparaisons
Sur le volet international, le CAS reconnaît que l'absence de définition harmonisée du handicap complique singulièrement les comparaisons. La seule référence en la matière est la notion d'enfants à "besoins éducatifs particuliers" (BEP), adoptée en 1978 et utilisée aujourd'hui par la plupart des organisations internationales. Mais cette définition est si large que "les variations des taux de scolarisation peuvent refléter davantage les différentes interprétations du concept de BEP que les performances d'inclusion elles-mêmes". Par exemple, la Suède se trouve pénalisée par son approche très inclusive : se refusant à considérer que certains élèves sont différents des autres, ce pays affiche ainsi l'un des taux d'enfants à BEP parmi les enfants scolarisés les plus faibles d'Europe (1,5%), ce qui est l'inverse de sa véritable politique.
En dépit de cette difficulté méthodologique de taille, l'étude fournit quelques éclairages intéressants. Elle montre ainsi que la part des enfants scolarisés dans des établissements spéciaux (et donc pas en milieu ordinaire) va de quasiment 0% (en Italie) à 5,4% (en Belgique). En ce domaine, les taux les plus faibles s'observent dans les pays latins (Italie et Espagne) et dans les Etats nordiques, la France se situant à une bonne place (9e sur 32), avec un taux de scolarisation en établissement spécialisé nettement inférieur à 1%. Il reste que ce classement ne dit pas comment les enfants handicapés sont accompagnés dans leur intégration en milieu ordinaire.
Autre élément de comparaison : la "formation aux besoins éducatifs particuliers", autrement dit la préparation des enseignants à la prise en charge de leurs élèves handicapés. L'Italie est à nouveau en pointe - avec le Royaume-Uni -, grâce à la présence de personnels d'appui qui sont "de véritables enseignants ayant suivi une formation spécialisée". A l'inverse, dans une allusion aux auxiliaires de vie scolaire (AVS), le CAS estime que la France "se caractérise [...] par un niveau de qualification faible, une absence de formation spécifique et une certaine précarité".
Pour un transfert du PPS aux établissements scolaires
La principale caractéristique commune à la très grande majorité des pays européens concerne - comme recommandé par les instances internationales - l'existence d'un projet ou plan personnalisé pour chaque élève handicapé. La France se distingue toutefois en étant quasiment la seule à ne pas confier l'élaboration de ce plan à l'Education nationale, mais à un organisme extérieur, en l'occurrence la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Mais la principale faiblesse de la note réside surtout dans les pistes de réforme proposées pour la France. Au nombre de quatre, celles-ci sont d'une portée limitée et recoupent des propositions déjà formulées. Elles consistent ainsi à créer un système de suivi des compétences, connaissances et diplômes obtenus par les élèves handicapés, à définir un "socle d'exigences nationales" sur la formation au handicap des futurs enseignants et à favoriser la formation continue de ces derniers, tout en faisant des établissements spécialisés des centres de ressources ouverts également aux AVS et aux familles. La proposition la plus innovante consisterait à transférer aux établissements l'évaluation des besoins d'accompagnement de l'enfant et la définition du volet éducatif du projet personnalisé de scolarisation (PPS), la MDPH restant compétente pour l'orientation de l'élève (scolarisation ordinaire, classe spécialisée, établissement spécialisé...) et pour arbitrer un éventuel désaccord entre l'équipe éducative et la famille.
Jean-Noël Escudié / PCA
Quatre notes du CAS sur "l'école de la République "
En plein débat sur la réforme des rythmes scolaires et alors que le projet de loi pour la Refondation de l'école sera présenté le 23 janvier en conseil des ministres, le Centre d'analyse stratégique (CAS) a présenté à la presse, le 9 janvier, quatre notes sur le thème de "L'école de la République face à l'hétérogénéité de ses publics" ayant pour ambition de "proposer des pistes pour favoriser l'inclusion de tous les élèves et de chacun d'entre eux à l'école".
Une note compare la scolarisation des enfants en situation de handicap dans les pays européens (cf. article ci-dessus). Une note porte sur "le bien-être des élèves, condition de la réussite éducative" ; une autre interroge "quelle organisation pour le soutien scolaire ?" ; la quatrième s'intéresse à l'autonomie des établissements scolaires dans différents pays.
Parmi les propositions du CAS pour promouvoir le bien-être des élèves à l'école, figure celle d' "approfondir la réflexion sur le bâti scolaire comme agent d'apprentissage et de bien-être en soi". Il propose pour cela de mettre en place une base de ressources de bonnes pratiques en matière d'aménagement des espaces scolaires, citant en exemple la National Clearing-house for Educational Facilities. Cette organisation américaine propose, à destination des architectes, des ressources en ligne sur la construction scolaire : normes de sécurité, normes environnementales, mais aussi conseils pour favoriser les interactions sociales. D'une manière générale, le CAS estime que "les salles de classe doivent être flexibles afin d'accueillir des groupes de taille différente, des équipements et des pratiques pédagogiques variés".
Un chapitre est consacré à "mettre en harmonie les temps éducatifs et les temps de l'enfant" sans rien apporter au débat sur la réforme des rythmes scolaires. Idem pour les propositions concernant l'organisation du soutien scolaire qui se réduisent à, premièrement, soutenir les associations d'accompagnement scolaire en mobilisant des volontaires de service civique "notamment en zone rurale" ; et, deuxièmement, déployer un dispositif numérique national visant à développer le soutien aux élèves (et les informations aux parents).
V.L.