Handicap - Scolarisation des enfants handicapés : une réussite avec des marges de progrès
L'étude du ministère offre un panorama chiffré et très complet de ce qui constitue l'une des mesures phares de la loi Handicap du 11 février 2005. On savait déjà que 210.400 élèves sont scolarisés en milieu ordinaire dans une école ou un établissement du second degré au cours de l'année scolaire 2011-2012. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2005, le nombre de jeunes handicapés scolarisés en milieu ordinaire a ainsi progressé de 6,3% par an, alors que le nombre total d'élèves demeurait stable. Aujourd'hui, 66% des écoles, 90% des collèges, 82% des lycées professionnels (LP) et 67% des lycées généraux et technologiques (LEGT) accueillent au moins un élève handicapé. En 2006, ces chiffres étaient encore respectivement de 57%, 70%, 49% et 47%. Au total, le nombre d'élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire est ainsi passé de 151.523 en 2005 à 210.400 en 2011, soit une progression de 39%. Si l'on y ajoute les enfants scolarisés dans les établissements médicosociaux ou en hôpital (voir encadré ci-dessous), le total atteint 272.874 élèves, soit 100.000 de plus qu'en 2000.
En termes de profils, les élèves scolarisés en milieu ordinaire - qui sont pour les deux tiers des garçons - sont porteurs de déficiences intellectuelles et cognitives (43% des effectifs), souffrent de troubles psychiques (19%) ou présentent des troubles du langage et de la parole (14%). Les 23% restant correspondent à différentes déficiences (motrices, associées, visuelles, auditives et autres).
Des modes de scolarisation liés au type de déficience
Le mode de scolarisation - individuel ou collectif - est bien sûr étroitement lié à la nature de la déficience. Ainsi, les jeunes porteurs de déficiences d'ordre physique ou présentant des troubles du langage et de la parole ou des troubles classés "autres" (groupe 1 dans la terminologie de l'Education nationale), "semblent connaître une scolarité proche de celle de l'ensemble de la population" et fréquentent majoritairement une classe ordinaire hors Segpa (section d'enseignement général et professionnel adapté). A l'inverse, les jeunes porteurs de troubles intellectuels, cognitifs ou psychiques (groupe 2) sont plus nombreux dans les modes de scolarisation collectifs : classe pour l'inclusion scolaire (Clis) ou unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis).
La majorité des enfants scolarisés - soit un total de 130.500, dont 3.900 à l'école maternelle - est concentrée dans la tranche de 3 à 11 ans : 55% pour ceux du groupe 1 et 67% pour ceux du groupe 2. Compte tenu de la nature du handicap (à prédominance physique), les élèves du groupe 1 ont un parcours scolaire plus proche de la moyenne. Ainsi, 88% d'entre eux sont scolarisés en milieu ordinaire. Au-delà de 6 ans, la totalité est scolarisée en élémentaire et 50% de ces élèves entrent ensuite au collège à l'âge moyen correspondant. A l'inverse, les élèves du groupe 2 connaissent un retard scolaire important. A 6 ans, plus de la moitié d'entre eux est toujours scolarisée en préélémentaire.
En dépit de cette concentration des effectifs sur le primaire, la scolarisation en milieu ordinaire s'accompagne aussi d'une montée en âge depuis la loi de 2005. Le nombre des 12-15 ans a ainsi doublé depuis l'entrée en vigueur de ce texte, passant de 17.900 à 39.900 élèves. Au total - et en comptant les lycées -, 79.900 élèves sont scolarisés dans les établissements scolaires du second degré (63.600 dans les collèges et 14.000 dans les lycées). Ce chiffre comprend les enfants inscrits dans les filières classiques, mais aussi ceux admis en Segpa ou dans les établissements régionaux d'enseignement adapté (Erea). Les jeunes reconnus handicapés représentent ainsi 17% des effectifs des Segpa et 23% de ceux des Erea. La dichotomie entre les élèves du groupe 1 et ceux du groupe 2 se retrouve également dans le secondaire. Les premiers sont scolarisés à 75% dans des classes ordinaires hors Segpa, contre 25% pour les seconds.
Quatre enfants sur dix bénéficient d'un AVS dans le primaire
L'étude met également en évidence l'apport de l'accompagnement des élèves. Celui-ci constitue, dans le domaine de l'éducation, l'application du principe du droit à compensation posé par la loi de 2005. Dans le premier degré, quatre élèves handicapés sur dix bénéficient ainsi d'un auxiliaire de vie scolaire (AVS), le plus souvent à temps partiel (84% des cas). Au total - tous cycles confondus - et depuis 2006, la part de ces élèves accompagnés est passée de 18% à 32%. L'accompagnement se concentre surtout sur le premier degré, avec un taux d'élèves bénéficiant d'un AVS de 41%, contre 17% dans le secondaire. En termes de nature du handicap, l'accompagnement concerne en premier lieu les élèves atteints de troubles moteurs (60% d'enfants bénéficiant d'un AVS), alors que ce taux est inférieur à 30% pour les élèves atteints de troubles intellectuels et cognitifs ou de troubles auditifs.
L'AVS n'est toutefois pas le seul mode d'accompagnement. Ces interventions s'inscrivent en effet dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation (PPS), défini pour chaque élève et validé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Outre l'attribution d'un AVS, le PPS peut aussi prévoir d'autres dispositifs, comme des accompagnements thérapeutiques ou rééducatifs, l'attribution de matériel pédagogique adapté, des aménagements pour les concours et les examens...
Un bilan globalement positif, mais...
Le bilan de la scolarisation en milieu ordinaire apparaît donc globalement positif, ce que reconnaissent d'ailleurs le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ou la défunte Halde (voir nos articles ci-contre du 15 mars 2012 et du 22 avril 2011). Il reste néanmoins encore des marges de progression. Si la note du ministère ne les évoque pas directement, elles transparaissent cependant à travers un certain nombre de données.
Ainsi, si le nombre d'enfants handicapés a progressé d'environ 60.000 entre 2006 et 2011, il avait déjà augmenté dans les mêmes proportions entre 2000 et 2005, autrement dit avant la loi Handicap. Il faut toutefois se garder d'en conclure que ce texte n'a rien changé et que les chiffres actuels ne sont que la prolongation d'une tendance de long terme. En effet, une part significative - mais difficile à chiffrer précisément - des enfants scolarisés depuis 2005 n'aurait sans doute pas pu être scolarisée en milieu ordinaire sans le dispositif issu de la loi et l'impulsion nouvelle donnée par cette dernière. En d'autres termes, la "lourdeur" moyenne du handicap des enfants scolarisés s'est accrue depuis 2005.
Autre bémol qui apparaît également à la lecture des chiffres du ministère : quel que soit le type de handicap et le groupe de rattachement, la scolarisation des enfants handicapés reste encore peu développée au-delà de 16 ans, autrement dit la fin de l'obligation scolaire. Seuls 6.900 enfants handicapés sont scolarisés en milieu ordinaire au-delà de 16 ans, contre 2.500 en 2006. Ces effectifs ont certes triplé, mais ils demeurent à un niveau modeste.
Enfin, au lycée, les élèves handicapés sont le plus souvent orientés dans la voie professionnelle. Ils sont ainsi 53% à fréquenter une classe professionnelle, contre 32% pour l'ensemble des élèves. Au sein de cette filière, la moitié des élèves handicapés prépare un bac professionnel, tandis que l'autre moitié prépare un CAP.
Jean-Noël Escudié / PCA
La scolarisation en milieu ordinaire n'a pas réduit les effectifs des structures spécialisées
Afin de donner une vue complète de l'éducation des enfants handicapés, l'étude du ministère consacre plusieurs tableaux à la scolarisation dans les établissements médicosociaux et hospitaliers. Celle-ci est loin d'être négligeable puisqu'elle concerne 78.112 jeunes en 2010 (dont 6.626 en scolarisation partagée avec le milieu ordinaire) : 70.920 en structures médicosociales et 7.192 en établissements hospitaliers. La surprise est que ce nombre est quasiment identique à celui de 2000 (77.637 enfants) ou de 2005 (76.340). En dépit des progrès spectaculaires de la scolarisation en milieu ordinaire, les effectifs sont donc demeurés constants tout au long de la décennie. En revanche, la part des hôpitaux et des structures médicosociales dans la scolarisation des enfants handicapés a fortement décru, passant de 45% en 2000 à 26% en 2010.
La majorité (54%) des enfants accueillis dans les établissements médicosociaux présente des déficiences intellectuelles et cognitives. Viennent ensuite les troubles psychiques (22%) et les troubles associés (8%). Pour leur part, les hôpitaux scolarisent principalement des enfants souffrant de troubles psychiques (41% des effectifs).
J.-N.E