Incendie de Lubrizol : signature des premières conventions d'indemnisation et annonce d'une "enquête de santé"
Le fonds de solidarité visant à indemniser les agriculteurs touchés par l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen a été officiellement mis en place ce 25 octobre avec la signature d'une convention par le PDG du groupe chimique américain. Une autre convention a été signée ce même jour en direction des commerçants et des entreprises. Par ailleurs, l'État a annoncé qu'une "enquête de santé" sera menée auprès de la population des 215 communes qui ont vu passer le panache de fumée de l'incendie.
L’incendie de l'usine Lubrizol dans la nuit du 25 au 26 septembre à Rouen a conduit le ministère de l’Agriculture à suspendre la commercialisation de l’ensemble des productions agricoles situées dans une large zone couvrant cinq départements et 216 communes. Ces restrictions ont été maintenues jusqu’au 14 octobre pour les produits laitiers, et au 18 octobre pour le reste des productions. Un peu plus de 3.000 agriculteurs ont été potentiellement concernés car ayant une parcelle dans la zone de restriction, dont 425 éleveurs laitiers. Le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, avait assuré le 11 octobre que l'incendie avait causé aux exploitants un préjudice global estimé "entre 40 et 50 millions" d'euros.
"Dispositif opérationnel" pour les agriculteurs
Afin de réparer au plus vite les conséquences de cet incendie pour les agriculteurs, et sans préjudice d’éventuels contentieux, Lubrizol a décidé la mise en place d’un dispositif opérationnel, a annoncé le ministère de l'Agriculture ce 25 octobre dans un communiqué. "Une convention a été signée ce jour en présence du Premier ministre entre Eric Schnur, PDG monde de Lubrizol, et Joël Limouzin, président du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE)", a-t-il indiqué. Le FMSE, qui est abondé en partie par les agriculteurs et intervient pour les indemniser pour les pertes économiques subies du fait des maladies ou d'accidents environnementaux, "apportera son expertise et son expérience", a souligné le ministère. Il a aussi assuré que "le fonds sera abondé dès la signature de la convention".
Un mois après l'incendie, les éleveurs laitiers ont pu être payés de leur lait sur l'ensemble de la période grâce aux avances de l'interprofession laitière (CNIEL) qui "se fera directement rembourser par Lubrizol", selon le ministère. "Pour les autres productions, un premier pool d'agriculteurs pourra commencer à saisir ses demandes d'indemnisation, avant un déploiement complet de l'interface la semaine du 4 novembre", a-t-il précisé. Le ministère de l'Agriculture "veillera à ce que l'ensemble des agriculteurs ayant subi les conséquences de l'incendie soit indemnisé rapidement, et au juste prix", affirme-t-il. Une réunion de suivi sera organisée sous l'égide du ministère début décembre entre les deux parties prenantes pour faire le point sur l'état d'avancement de la convention et des indemnisations, ajoute-t-il.
Indemnisation des commerces et des entreprises
Outre l'indemnisation des agriculteurs, le PDG de Lubrizol s'était engagé ce 22 octobre à également dégager des aides pour les commerces qui ont été pénalisés par l'incendie et pour le soutien de l'activité touristique de Rouen et de la Normandie.
Une deuxième convention d'indemnisation a ainsi été signée ce vendredi par Lubrizol pour l'indemnisation des commerçants et des entreprises. "Nous serons extrêmement vigilants à ce que l'indemnisation soit complète, à ce qu'elle soit rapide, à ce qu'elle soit à la hauteur des attentes légitimes des acteurs", a déclaré Édouard Philippe, rappelant que Lubrizol, en sa qualité de site Seveso seuil haut, est "responsable de l'ensemble des dommages causés par les choses qui interviennent à l'intérieur de son site".
Démarrage d'une "enquête de santé" en mars prochain
Par ailleurs, l'État va mener une "enquête de santé" auprès de la population des 215 communes qui se sont retrouvées sous le panache de fumée de 22 km de long provoqué par l'incendie de Lubrizol. "L'objectif de l'enquête de santé déclarée de population générale" qui sur le terrain doit démarrer en mars, est "de mesurer les nuisances qui ont été vécues par les personnes exposées, les symptômes ressentis, l'impact sur la qualité de vie, les relations sociales, familiales, professionnelles et puis les conséquences psychosociales et la santé perçue", a expliqué Anne Laporte directrice des régions de l'agence Santé publique France lors d'un comité de transparence sur l'incendie qui s'est tenu à Rouen ce vendredi.
Concernant l'éventuelle "enquête biologique", "ce sont des prélèvements, ça peut être un recueil d'urine ou de sang, "on attend les analyses expertises sur tout le travail sur l'environnement pour savoir si on va mettre en place cette enquête de biosurveillance; donc je n'ai pas de calendrier pour cette enquête-là", a ajouté Anne Laporte. Ce ne sera "pas une enquête sur population générale mais sur échantillonnages déterminés par les zones contaminées" éventuelles, a-t-elle précisé.
L'enquête environnementale vise à détecter des polluants même à dose "faible et très faible", a précisé le directeur régional de l'environnement Patrick Berg. "Aujourd'hui, les 150 prélèvements effectués sont satisfaisants", a-t-il ajouté. Cette enquête doit être bouclée a priori dans les mois qui viennent, ont indiqué à l'AFP Anne Laporte et l'ARS.
"C'est scandaleux", a réagi le député européen EELV et élu de la métropole de Rouen David Cormand, interrogé par téléphone. "L'enquête préalable aurait dû être déjà mise en oeuvre. Le temps perdu avant de lancer éventuellement une enquête sérieuse aura pour effet qu'on ne saura pas à quoi ont été exposées les populations au moment de la catastrophe", a-t-il ajouté. Au cours de la réunion Charlotte Goujon, maire PS de Petit-Quevilly, commune qui jouxte l'usine Lubrizol, a déploré des odeurs et symptômes ("langue qui pique, nausées, gorge qui gratte") "persistants" chez les habitants. "Il y en a moins qu'avant mais même à la préfecture il arrive encore, c'est plus rare et atténué, d'avoir des odeurs", a reconnu le préfet qui a pris un arrêté pour les faire cesser d'ici à la "fin du mois".