Incendie de l'usine Lubrizol à Rouen : la pression sur le gouvernement continue
Alors que la ministre de la Transition écologique doit être auditionnée sur l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen ce 2 octobre en fin de journée par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, les demandes d'enquête parlementaire se multiplient au sujet de cet accident industriel majeur. Le Premier ministre s'est rendu lundi soir dans la ville pour tenter de rassurer des habitants toujours inquiets de l'impact sanitaire et environnemental du sinistre. Lors des questions au gouvernement ce 1er octobre à l'Assemblée, Édouard Philippe a apporté de nouvelles précisions.
La ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, sera auditionnée ce mercredi 2 octobre à 18h45 par la commission du développement durable de l'Assemblée au sujet de l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen. "Les parlementaires veulent jouer leur rôle, et c'est bien normal, de contrôle de l'action du gouvernement", a déclaré à Sud Radio la présidente de la commission, Barbara Pompili (LREM), qui a organisé cette audition.
Alors que l'inquiétude persiste sur l'impact sanitaire et environnemental du sinistre qui s'est produit jeudi dernier, plusieurs centaines de manifestants ont réclamé ce lundi à Rouen "la vérité", et le Premier ministre s'est rendu en fin de journée dans la ville pour tenter de rassurer la population. Édouard Philippe a une nouvelle fois promis "l'absolue transparence" et assuré que les odeurs, aussi "gênantes" soient-elles, n'étaient pas "nocives", sur la foi des analyses effectuées.
Liste des produits stockés
Ce 1er octobre, devant l'Assemblée nationale, Édouard Philippe a annoncé que la liste des produits entreposés dans "les bâtiments" de l'usine Lubrizol devait être dévoilée par le préfet de Normandie. Ce dernier "rendra publique" également "la quantité des produits qui ont brûlé", a précisé le chef du gouvernement qui a rappelé que "depuis fin 2017 et pour des raisons de sécurité que chacun peut comprendre, la liste complète des substances présentes sur les sites Seveso n'est plus rendue publique", même si "elle est connue" par les autorités. Assurant que les analyses actuelles faisaient "apparaître un état habituel de la qualité de l'air", Édouard Philippe a précisé que des "premiers résultats" seront disponibles "dans la journée" concernant des "analyses complémentaires" engagées "pour vérifier si des fibres d'amiante sont présentes dans l'air (...) dans un rayon de 300 mètres".
Le préfet sera épaulé par une "cellule nationale d'appui scientifique" composée du "directeur général de l'Ineris qui est l'organisme chargé en France de l'expertise en matière de risques industriels, un expert de Santé publique France, l'organisme qui est chargé de protéger la santé des populations, et le chef du service de pneumologie du centre hospitalier universitaire de Rouen", a ajouté Édouard Philippe. De même, le Premier ministre a réaffirmé la volonté du gouvernement de faire une "transparence absolue". Dans cette perspective, les résultats des prélèvements "dans l'eau, dans l'air, dans les sols (...) sont rendus publics au fur et à mesure de leur arrivée", a-t-il insisté.
"Véritable marée noire sur terre"
Édouard Philippe était interpellé par le député de Seine-Maritime Christophe Bouillon, qui lui demandait notamment "la reconnaissance de l'état de catastrophe technologique", "une mesure concrète pour faciliter l'indemnisation des habitants". "Ce régime vise à traiter les accidents avec un très fort impact sur les biens immobiliers", a répondu Édouard Philippe. "Et je ne suis pas sûr au moment où je vous parle que les conditions d'applications précises soient réunies en l'espèce", a-t-il dit, en qualifiant sa réponse de "provisoire". Ces derniers jours, des députés, surtout de gauche, ont réclamé une commission d'enquête ou mission d'information sur cet accident industriel majeur et sur les conséquences sanitaires et environnementales de ce que Christophe Bouillon a qualifié de "véritable marée noire sur terre".
Alors que l'inquiétude se manifeste toujours à Rouen, un nouvel incident s'est produit ce mardi dans une autre usine Seveso classée seuil haut située dans l'agglomération. La préfecture a annoncé la "mise à l'arrêt" de cette usine Borealis, qui produit des engrais, en raison d'un incident sur l'alimentation électrique, sans que cela nécessite toutefois l'intervention du service départemental d'incendie et de secours (Sdis). L'odeur consécutive à l'incendie de Lubrizol était encore très marquée dans certains quartiers ce mardi, a constaté une journaliste de l'AFP. Selon le cabinet du maire, cinq à six écoles rouennaises étaient "soit fermées car les enseignants ont fait usage de leur droit de retrait, soit ont demandé aux parents de venir chercher leurs enfants quand ils le pouvaient à cause de l'odeur".
Plusieurs recours devant les tribunaux
Sur le front judiciaire, plusieurs recours devant les tribunaux ont déjà été déposés. L'association Respire a engagé lundi soir un référé-constat auprès du tribunal administratif de Rouen pour obtenir la nomination d'"un expert afin de constituer les éléments du dossier de manière contradictoire", a expliqué à l'AFP maître Corinne Lepage. "Il me semble que toutes les analyses n'ont pas été faites et qu'il y a des produits dont on ne parle pas et dont il faudrait parler comme les dioxines, l'amiante et les métaux lourds", a ajouté l'ancienne ministre de l'Environnement. Un autre référé-constat, déposé par maître Julia Massardier au nom de deux détenus de la maison d'arrêt de Rouen, demande des relevés dans l'établissement, faisant valoir qu'aucune protection n'a été prise.
Côté police, Yan Bertrand, secrétaire du syndicat Unité SGP police Seine-Maritime, a indiqué avoir saisi le préfet. "Nous voulons savoir si toutes les dispositions ont été prises pour assurer la sécurité des fonctionnaires qui sont intervenus au moment du sinistre"" Des avocats rouennais se mobilisent également et ont décidé d'organiser "des consultations gratuites spécifiques" sur l'incendie. À titre personnel, plusieurs d'entre eux ont aussi porté plainte.
Au moins 1.800 agriculteurs ont par ailleurs été touchés par les suies de l'incendie de l'usine Lubrizol, selon le ministère de l'Agriculture. Les premières indemnisations pourraient intervenir sous une dizaine de jours.