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Incendie de Lubrizol à Rouen : le gouvernement promet la transparence totale mais l'inquiétude persiste

La "transparence totale" : Premier ministre en tête, le gouvernement promet de transmettre toutes les analyses de la pollution engendrée par l'incendie de l'usine chimique Lubrizol de Rouen alors que l'inquiétude était toujours de mise ce 30 septembre en Normandie, et jusque dans les Hauts-de-France où une centaine de communes auraient été "impactées par les retombées du panache de fumée".

Quel peut être l'impact sanitaire et environnemental réel de l'incendie spectaculaire de l'usine chimique Lubrizol de Rouen ? Quatre jours après le sinistre qui a touché ce site industriel classé Seveso seuil haut situé tout près du centre-ville, les habitants continuent de s'interroger sur les risques liés à la pollution de l'air et des suies retombées au sol.
"Trop incommodés et trop inquiets des odeurs persistantes et des vomissements", des enseignants ont fait usage de leur "droit de retrait" ce lundi dans trois collèges de la métropole, où les cours ont repris après deux jours de fermeture à cause de l'incendie du site industriel. Au collège Georges-Braque de Rouen, les cours sont suspendus jusqu'à nouvel ordre et les élèves ont été renvoyés chez eux. Vingt-six professeurs ont fait état dans une lettre d'"un danger grave et imminent pour eux et les élèves".  "Quand nous sommes arrivés à 7h30, il y avait une très forte odeur persistante, désastreuse sur les hauts de Rouen mais, surtout, à l'intérieur de l'établissement, certains d'entre nous ont eu des symptômes : nausées, céphalées, vertiges", a déclaré une professeure d'histoire-géographie de cet établissement sur France Bleu Normandie-Seine-Maritime. Le conservatoire de musique de Rouen, contacté par l'AFP, a annoncé aussi avoir décidé de fermer en raison de nausées et vomissements. Devant l'école maternelle Cavelier-de-la-Salle, la plus proche de l'usine Lubrizol, où la classe a repris lundi, certains parents faisaient part de leur inquiétude, malgré le nettoyage de l'établissement. "J'ai amené mon enfant parce que je n'avais pas le choix, j'ai des démarches à faire. Mais je suis un peu inquiète à cause de l'explosion et des odeurs", a confié Aminata, 31 ans, mère d'une enfant de trois ans et demi. Sur les 55 écoles de Rouen, seules trois ont été touchées par les suies, ont assuré les autorités. Dimanche, la rectrice Christine Gavini-Chevet a affirmé : "Les suies ne sont pas toxiques mais nous souhaitons que nos élèves ne soient pas en contact" avec elles.
Après la diffusion lundi matin sur Twitter d'une vidéo montrant de l'eau noire s'écoulant d'un robinet de lavabo présenté comme rouennais, la métropole de Rouen Normandie a en outre dû rassurer la population sur la potabilité de l'eau des 71 communes de l'agglomération. "Aucune trace de contamination n'a été relevée", assure la collectivité dans un communiqué. "Les réservoirs d'eau potable de la métropole de la rive nord, sur laquelle s'est concentré le panache de fumée, ont tous été vérifiés", souligne-t-elle.

Analyses rendues publiques

La ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, a dit comprendre "que la population soit inquiète". "Effectivement, il y a une odeur très dérangeante mais pas de problème sanitaire. On prend des précautions maximum. On doit deux choses aux Rouennais touchés par cet accident : une très forte exigence et une très grande transparence", a-t-elle ajouté.
En déplacement dans le Morbihan ce dimanche 29 septembre, Édouard Philippe a lui aussi défendu "la transparence complète et totale". "Nous avons souhaité faire en sorte que tout ce qui est su, que toutes les analyses qui sont réalisées soient rendues publiques", a fait valoir le Premier ministre et ancien maire du Havre.
La veille, au cours d'une conférence de presse fleuve - près d'1h30 - le préfet de Normandie, Pierre-André Durand, avait présenté les résultats de différentes analyses, dont celles très attendues concernant une éventuelle pollution atmosphérique. Il avait évoqué "une situation normale" de la qualité de l'air, sauf sur le site de Lubrizol (présence de benzène), tout en rappelant plusieurs décisions concernant l'agriculture, notamment "un gel" des récoltes, appliquant le principe de précaution. Le préfet avait aussi assuré que les analyses seraient publiées sur le site de la préfecture. Chose faite dans la soirée, avec pas moins de quatre communiqués de la préfecture et la publication de données parfois absconses, comme "les résultats d'analyse des gaz prélevés sur canisters".

Retombées dans les Hauts-de-France

Au-delà de l'agglomération normande, des témoignages font état de suies, probablement issues de l'impressionnant nuage noir provoqué par l'incendie, dans l'Aisne, l'Oise et même à Lille, conduisant l'agence régionale de santé des Hauts-de-France à demander aux habitants de signaler aux différents services "la présence de retombées sous forme de suie". Les autorités d'une centaine de communes ont interdit "à titre conservatoire" la récolte des cultures et des denrées alimentaires d'origine animale en raison des retombées de suie occasionnées par le nuage qui "sont susceptibles de présenter un risque de santé publique". Le lait, le miel collectés et les oeufs d'élevage en plein air pondus depuis jeudi "sont consignés sous la responsabilité de l'exploitant jusqu'à l'obtention de garanties sanitaires sur les productions, sur la base de contrôles officiels," peut-on lire dans les arrêtés des préfectures publiés dimanche 29 septembre.
Ce même jour, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a jugé qu'il serait "utile" de revoir les règles d'implantation des usines sensibles. Dès samedi, plusieurs syndicats, dont la CGT et Solidaires, mais aussi des associations écologistes (Greenpeace, France nature environnement) avaient appelé à manifester mardi à 18h devant le palais de justice de Rouen, exigeant "une transparence complète" sur cet accident industriel. Dans un communiqué commun, ils regrettent que "la liste des produits qui ont brûlé n'ait pas été communiquée". La CGT rappelle en outre que "par le passé, la préfecture de Rouen puis la ministre de l'Écologie avaient déjà caché des informations sur les risques encourus notamment lors de l'épisode du nuage de Mercaptan en 2013" après un incident dans cette même usine, "en ne diffusant pas les informations nécessaires sur la composition du nuage et sur les risques pour la population".

Demande de commission d'enquête parlementaire

Dans la soirée, plusieurs députés de gauche ont réclamé une commission d'enquête parlementaire. "Il faut toute la vérité sur #Lubrizol. Comme pour #AZF il y a 17 ans, une commission d'enquête parlementaire doit être ouverte dès la semaine prochaine", a plaidé Olivier Faure, numéro un du PS, sur Twitter. Sur France 3, dimanche, la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, s'est  interrogée "sur la qualité des contrôles effectués" dans cette usine chimique. "Il y a une dérive dans notre pays qui consiste à transmettre à des structures privées le soin d'assurer le contrôle de toute une série de structures dangereuses. C'est à l'État de le faire. L'État est le gage de la neutralité", a-t-elle estimé.

 

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