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Incendie de Lubrizol à Rouen : plus de cent maires et élus normands interpellent Édouard Philippe

Plus de cent maires et élus de Rouen et de Seine-Maritime ont interpellé le Premier ministre ce 2 octobre dans une lettre lui demandant "d'engager le gouvernement et l'État" pour répondre aux "peurs, angoisses et questionnements" nés de l'incendie de l'usine Lubrizol. Devant le Sénat ce mercredi, le Premier ministre a une nouvelle fois promis une "totale transparence" et affirmé qu'il veillerait "à ce que rien ne vienne exonérer la responsabilité de l'industriel" dans l'indemnisation des "dommages causés au voisinage".

"La catastrophe Lubrizol n'est pas un incident local. C'est une catastrophe technologique, économique et écologique d'ampleur nationale, qui doit être traitée comme telle", écrivent plus de cent maires et élus de Rouen et de Seine-Maritime dans un courrier daté de ce 2 octobre adressé au Premier ministre. "Transparence" des informations, mise en place d'un "registre de suivi médical, à court mais aussi à long terme des personnes qui ont inhalé les fumées", "reconnaissance de l'état de catastrophe technologique" et "réparation rapide des dommages causés à l'environnement" : les élus demandent à Édouard Philippe d'engager le gouvernement et l'État "sur quatre point concrets".

112 communes impactées

Parmi les signataires figurent Yvon Robert, maire socialiste et président de la métropole de Rouen, des conseillers municipaux rouennais, des maires et des élus du conseil départemental de Seine-Maritime, et la sénatrice socialiste Nelly Tocqueville. "Devant les peurs, angoisses et questionnements bien légitimes de nos concitoyens, nous devons collectivement apporter une réponse rapide, claire, utile et efficace", écrivent les élus. Ils soulignent que la transparence "doit non seulement viser la nature exacte de ce qui a brûlé, mais aussi la composition des polluants émis dans l'atmosphère, les sols, leur quantité, leur dangerosité". Ils demandent aussi qu'un registre de suivi médical "soit immédiatement mis en place" pour les personnes exposées, "à commencer par les agents des services publics et les salariés de Lubrizol directement engagés dans l'extinction de l'incendie, les habitants les plus proches et plus largement l'ensemble des riverains concernés".
Concernant la reconnaissance de catastrophe technologique, "il y a urgence", estiment les élus normands, et "l'indemnisation immédiate des agriculteurs des 112 communes impactées" par l'interdiction de récolte et de collecte du lait, mais aussi des commerçants, "doit être mise en place". "Nous ne pouvons pas attendre 20 ans", écrivent-ils concernant la réparation des dommages. Rappelant le cas de la catastrophe d'AZF de Toulouse en 2001 dont "la procédure pénale est toujours en cours", ils demandent à Édouard Philippe d'ordonner au préfet "d'exercer dès maintenant ses prérogatives de police administrative de l'environnement".

"Responsabilité de l'industriel"

Interpellé à plusieurs reprises par le Sénat sur le dossier Lubrizol ce 2 octobre, le Premier ministre a affirmé qu'il veillerait "à ce que rien ne vienne exonérer la responsabilité de l'industriel" dans l'indemnisation des "dommages causés au voisinage".
"Car en fait d'installations classées, le régime juridique qui a été posé par la loi et complété par la loi prévoit qu'il y a bien un responsable : l'entreprise, l'acteur industriel, qui est responsable des dommages causés au voisinage du fait des activités à l'intérieur du site industriel", a souligné Édouard Philippe. Lubrizol "n'échappera pas à la mise en jeu de cette responsabilité", a-t-il encore déclaré, en évoquant, "l'indemnisation immédiate des agriculteurs qui voient leur production (...) non commercialisées, les riverains, l'ensemble de ceux qui subissent un préjudice ou un dommage".
"Nous allons appliquer toute la loi en la matière, avec beaucoup de rigueur et avec la totale transparence qui est due à nos concitoyens", a encore plaidé le Premier ministre. "L'État mettra tout en oeuvre pour dire, pour mesurer, et pour faire connaître l'ensemble des causes et des conséquences de cet incendie", a-t-il répété. "Nous allons veiller à ce qu'elle ne devienne pas une catastrophe sanitaire ou une catastrophe environnementale", a-t-il encore souligné. "J'ai parfaitement conscience qu'au fur et à mesure que nous donnons des informations de nouvelles questions se posent, et c'est bien naturel, et nous, nous ne nous arrêterons pas à cela", a aussi promis Édouard Philippe en répétant à plusieurs reprises que, dans un souci de "transparence totale", "toutes les informations (...) seront rendues publiques".

5.000 tonnes de produits chimiques partis en fumée

La veille, le préfet de Normandie a dévoilé la liste des quelque 5.000 tonnes de produits chimiques détruits jeudi dernier dans l'incendie et les autorités ont publié 479 fiches avec les caractéristiques de ces substances et les "risques associés" en cas de combustion. Pour près des deux tiers (62,88%, soit 3.308 tonnes), ces produits étaient des "additifs multiusages" composés à 44% d'huile minérale obtenue par raffinage de pétrole, indique un tableau communiqué par les autorités.
Mais il faudra encore du temps pour répondre à toutes les inquiétudes. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, l'a reconnu mercredi matin. "En réalité, aujourd'hui, personne ne sait exactement ce que donnent ces produits mélangés lorsqu'ils brûlent. C'est la demande que nous allons faire à l'Ineris, qui est l'agence chargée de l'évaluation des risques industriels", a-t-elle dit.
"L'État aujourd'hui ne peut pas répondre à cette question", a-t-elle dit. Selon la ministre, "cette pollution qui est réelle, pour l'instant elle n'entraîne pas de risques pour la santé, avec ce que nous connaissons aujourd'hui". Alors que la population rouennaise a manifesté son inquiétude mardi soir dans la rue, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a estimé "normal qu'une enquête judiciaire ne se fasse pas d'un claquement de doigt". C'est désormais le pôle santé publique du parquet de Paris qui est en charge du dossier.
À Rouen, mercredi, persistait une forte odeur d'hydrocarbures par endroits, ont constaté des journalistes de l'AFP. Il reste à évacuer de l'usine 160 fûts endommagés, qui "participent aux émanations d'odeurs", a indiqué mardi le préfet. Les députés ont de leur côté décidé de créer une mission d'information. Ils devaient auditionner la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, ce mercredi soir.

Numéro vert

Par ailleurs, le gouvernement "va demander dans les heures qui viennent à l'ensemble des dirigeants des sites Seveso d'effectuer des contrôles de sécurité, de manière à nous assurer que l'ensemble des installations sont bien en sécurité", a annoncé ce 2 octobre la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Elle a aussi annoncé la mise en place d'un numéro vert pour répondre aux questions sur les conséquences de l'incendie (0800 009 785).
Quant à l'usine Borealis, classée Seveso seuil haut, mise à l'arrêt mardi matin en raison d'un incident électrique, elle l'était toujours mercredi à la mi-journée. "La reprise de l'activité sera donc effectuée une fois que (les analyses) seront terminées", a indiqué à l'AFP l'entreprise, ajoutant que "la priorité est bien sûr d'assurer la sécurité d'abord".

 

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