Archives

Politique de la ville - Grigny : radioscopie d'un "apartheid social et territorial"

Manuel Valls a reçu ce mardi 26 juillet un rapport interministériel détaillant "l'apartheid social et territorial"  dans la ville de Grigny (Essonne), dont la cité de La Grande Borne avait vu grandir Amédy Coulibaly, l'un des auteurs des attentats de janvier 2015.
Le chef du gouvernement et le ministre de la Ville, Patrick Kanner, ont reçu Philippe Rio, le maire de cette commune parmi les plus pauvres de France, ainsi qu'une délégation d'habitants et d'associatifs. La mission avait été ordonnée par le Premier ministre dans les semaines suivant les attentats.
"C'est la première fois qu'il y a un rapport de ce style en France et donc ce n'est pas anodin", s'est satisfait le maire communiste. Le document, basé sur des entretiens avec "plusieurs centaines de personnes", constate l'échec des politiques publiques dans cette banlieue sensible du sud de Paris. Malgré "les centaines de millions d'euros" investis, "Grigny fait partie de ces territoires de la République en décrochage qui souffrent d'un apartheid social et territorial", constate le rapport. Une situation dont "la population est la première victime", rappelle-t-il.
La mission interministérielle dresse le portrait d'une commune sans centre-ville, tiraillée entre deux grands ensembles qui regroupent plus de 90% de sa population.
La Grande Borne, cité labyrinthe en bord d'autoroute, demeure "un quartier enclavé, victime de la pauvreté et des trafics", écrit-elle, même si l'arrivée d'une ligne de bus en 2017 et d'un tram-train en 2019 augurent d'une situation "plus favorable". Tandis que Grigny 2, l'une des plus grandes copropriétés de France avec ses tours rassemblant 5.000 logements, est "paralysée par les dettes" et "est devenue une porte d'entrée active de l'immigration irrégulière", du fait de marchands de sommeil qui rachètent des appartements une bouchée de pain pour les découper et y entasser des familles vulnérables.
Le rapport recommande de rattacher La Grande Borne entièrement à Grigny, alors que 10% du quartier - notamment la zone d'où venait Amédy Coulibaly - appartient encore à la commune voisine de Viry-Châtillon. Il préconise aussi la construction de nouvelles structures pour réintroduire services de santé et publics, qui ont déserté le quartier face aux violences. Il plaide de même pour "un renfort significatif du tribunal de grande instance d'Evry" pour pouvoir traiter les dossiers de recouvrement de dettes et d'habitat indigne à Grigny 2.
Grigny subit "l'omniprésence de la délinquance locale, qui impose son 'couvre-feu' à l'heure où commencent les trafics de stupéfiants", peut-on lire. Mais la mission exclut la réouverture d'un commissariat local de plein exercice, comme le réclame la mairie, optant pour des renforts de police dans la ville voisine de Juvisy-sur-Orge, qui supervise la zone de sécurité prioritaire (ZSP) de Grigny.
Les services interministériels recommandent encore la création d'un premier "lycée polyvalent" et d'efforts supplémentaires sur "la formation" et "l'enseignement du français aux adultes", dans une ville où l'école s'arrête pour beaucoup au collège.
Le rapport chiffre à deux millions d'euros par an le poids de la surcharge scolaire à Grigny, en difficulté budgétaire chronique dans la mesure où elle doit scolariser deux fois plus d'enfants que les autres villes de taille comparable.
Grigny compte parmi les 12 communes françaises où l'Etat vient d'assigner un délégué du gouvernement chargé de relancer l'action publique dans les quartiers sensibles. C'est lui qui devra concocter un "traitement de choc", avec d'éventuelles réponses financières, a souligné Patrick Kanner. "La conclusion du Premier ministre, c'est de mettre le paquet et d'aller plus vite", a-t-il résumé.