Environnement - Grenelle 2 : le volet consacré à la biodiversité adopté par l'Assemblée nationale
Lors des trois séances du vendredi 7 mai 2010, les députés ont achevé l'examen du titre IV consacré à la biodiversité (articles 36 à 64 bis)
S'agissant de la question des OGM, l'ensemble des amendements défendus a été repoussé. Pour répondre aux exigences du Conseil d'Etat, qui par un arrêt du 24 juillet 2009 a annulé les dispositions réglementaires précisant les modalités du droit à l'information du public en matière de dissémination et de mise sur le marché d'OGM car "entachées d'incompétence", le groupe SRC proposait de fixer, avant la date butoir du 30 juin 2010, des obligations légales dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, en particulier la création d'une fiche d'information transmise aux collectivités territoriales sur le ressort duquel la dissémination est prévue. La secrétaire d'Etat, Chantal Jouanno, a fait remarquer qu'il semblait "plus intéressant d'intégrer ces dispositions dans un texte plus large sur les obligations d'information". Le rapporteur Bertrand Pancher, qui s'est vu confier une mission de réflexion à ce sujet, a ajouté que "s'engager dans une grande réforme de la gouvernance sans concertation préalable avec les acteurs et au détour de quelques articles ou amendements dans le projet de loi Grenelle 2 n'a pas de sens". De même, les députés ont rejeté un amendement excluant de la certification HQE, les exploitations qui mettraient en œuvre des cultures OGM ainsi qu'un amendement interdisant la culture d'OGM dans les parcs naturels nationaux, les parcs naturels régionaux et les réserves naturelles.
Mise en œuvre du plan d'action sur les algues vertes
Un article additionnel (41 bis), suite à un amendement gouvernemental, instaure une traçabilité réelle des flux d'azote et la possibilité d'appliquer le dispositif des zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) aux bassins versants à algues vertes (tels que définis par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux) particulièrement concernés par des pollutions aux nitrates. La déclaration annuelle obligatoire des flux d'azote ne concernera pas uniquement les agriculteurs, mais toutes les personnes utilisatrices ou productrices d'azote.
La compatibilité des schémas régionaux de cohérence écologique en débat
Les députés ont adopté un amendement, défendu par Yves Cochet (GDR), incluant la préservation des zones humides dans les objectifs de la trame verte et bleue (TVB). Ils ont rejeté un amendement proposant que le schéma régional de cohérence écologique (SRCE) soit soumis à l'avis du Conseil national de protection de la nature avant enquête publique. En revanche, un amendement prévoit la consultation des parcs naturels régionaux et parcs nationaux situés en tout ou partie dans le périmètre du schéma, au même titre que les départements, intercommunalités et communes.
Les députés ont rejeté un amendement du groupe SRC prévoyant la compatibilité des documents d'urbanisme avec les SRCE. Pour le rapporteur Serge Grouard, "(…) une telle logique placerait sous quasi-tutelle de la région les autres niveaux de collectivités, qui perdraient de fait une bonne partie de leurs compétences en matière d'urbanisme". Chantal Jouanno a également rappelé que le "Comop (comité opérationnel du Grenelle, NDLR) a conclu qu'il n'y avait pas d'opposabilité avec les documents d'urbanisme, mais une prise en compte (…) qui peut être sanctionnée par le juge, s'il y a une erreur manifeste d'appréciation". Les infrastructures linéaires de l'Etat devront, quant à elles, être compatibles avec les SRCE, tandis qu'il s'agira d'une "prise en compte" pour les infrastructures de transport portées par les collectivités.
Les députés ont par ailleurs rejeté plusieurs amendements destinés à créer un outil complémentaire afin de permettre aux communes de mieux préserver la biodiversité, à travers la création d'espaces de continuité écologique (ECE). Chantal Jouanno a rappelé que le comité opérationnel sur la TVB a "retenu l'idée qu'il ne fallait pas s'engager dans la voie d'un zonage supplémentaire parce qu'il privilégie une démarche contractuelle". Pour Serge Grouard, la TVB est déjà prise en compte par le biais des SRCE dans les documents d'urbanisme.
Un amendement gouvernemental portant article additionnel (47 A) pose le principe de la création, avant fin 2010, d'une instance de gouvernance et de pilotage, qui devra associer tous les acteurs et en particulier les collectivités territoriales, ayant pour mission de contribuer à définir les objectifs à atteindre dans le domaine de la biodiversité et les programmes d'actions correspondants. Un autre amendement gouvernemental portant article additionnel (47 bis A) supprime du Code de l'environnement la disposition affirmant le caractère a priori non perturbant des activités cynégétiques et piscicoles dans le cadre des sites Natura 2000, suite à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne intervenue le 4 mars 2010 sur le fondement de l'article 6 de la directive "habitats, faune, flore". L'article confirme également que les contrats Natura 2000 peuvent faire l'objet d'une dispense d'évaluation de leur incidence. Enfin, il permet l'évaluation des incidences Natura 2000 de plans ou projets qui ne figureraient pas sur les listes qui seront prises en application de l'article L. 414-4.
Un amendement du groupe SRC portant article additionnel (47 bis B) durcit, quant à lui, les sanctions aux infractions à la préservation du patrimoine biologique. En outre, la tentative de destruction des espèces protégées par l'emploi de substances toxiques sera désormais sanctionnée.
Les députés ont en revanche rejeté un amendement permettant à l'autorité administrative d'établir une servitude sur des propriétés privées se trouvant à l'amont des barrages. Chantal Jouanno a déclaré partager l'objectif de cet amendement, "un groupe de travail conjoint entre notre ministère et celui de l'Intérieur est en train d'essayer de mettre au point le bon dispositif pour y parvenir".
Un amendement portant article additionnel du groupe SRC (50 bis) introduit dans l'article détaillant les objectifs d'une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, l'objectif de rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques liée à l'instauration de la trame bleue.
Après concertation avec les collectivités territoriales concernées, un décret définira le contenu et les modalités de réalisation de l'inventaire du patrimoine naturel de la Guyane (art. 49).
Enfin, un amendement portant article additionnel (52 octies) présenté par Jean-Pierre Giran (UMP) revient sur l'élargissement de l'abondement de dotation globale de fonctionnement aux trois communes du parc marin d'Iroise qui ne sont situées ni dans le parc, ni au cœur de celui-ci.
Un service public unique d'assainissement collectif et non-collectif
Un amendement à l'article 56 présenté par André Flajolet (UMP) réorganise et clarifie la gouvernance dans le domaine de l'eau. Il désigne les commissions locales de l'eau comme organes d'élaboration, de révision et de suivi des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) et confie aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), créés après l'adoption de la présente loi, ainsi qu'à ceux qui sont issus de la procédure de reconnaissance, prévue par l'arrêté ministériel du 7 février 2005, le soin de mettre en œuvre les Sage compris dans leur périmètre et les dote des ressources nécessaires à la poursuite de leurs missions (majoration du tarif des redevances pour prélèvement sur la ressource en eau).
En revanche, les députés ont rejeté un amendement du groupe SRC visant à créer des établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux (Epage) dédié à la gestion des rivières, structures intermédiaires entre les EPTB et les syndicats de rivière. De même ont-ils rejeté un amendement tendant à supprimer l'article 56 bis qui repousse dans le temps les délais de mise en conformité des Sage existants.
Un amendement gouvernemental exclut totalement des compétences de l'établissement public pour la gestion de l'eau du marais poitevin les compétences qui relèvent des collectivités, notamment dans le domaine de la prévention des inondations.
Par ailleurs, les députés ont rejeté un amendement du groupe SRC proposant de recourir à la création de sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic) d'assainissement non-collectif, associant capitaux publics et privés, communes et associations de propriétaires, afin de permettre aux particuliers de mettre à jour leur assainissement autonome dans les délais prévus par la loi. Chantal Jouanno a insisté sur le fait que la majorité proposait "la mise en place d'un service unique d'assainissement de manière volontaire, pour répondre justement à ce problème très spécifique". En effet, un amendement d'André Flajolet à l'article 57 ter rassemble dans une filière unique l'assainissement collectif et l'assainissement non collectif (ANC) et crée un service unique d'assainissement sur la base du volontariat des communes, selon les zones qu'elles ont délimitées. Outre les missions mentionnées à l'article L. 2224-8 du Code général des collectivités territoriales, le service unifié réalise, sous maîtrise d'ouvrage publique et à la demande des propriétaires, la construction ou la réhabilitation des installations d'ANC. Pour Philippe Tourtelier (SRC) "une fois que ce service existera, il y aura un appel d'offres de délégation, que les grosses entreprises d'assainissement gagneront à tous les coups".
Un amendement instaurant un crédit d'impôt pour l'installation de dispositifs d'ANC ne consommant pas d'énergie et permettant l'évacuation des eaux usées utilisées pour l'irrigation enterrée a été rejeté. En revanche, Chantal Jouanno s'est déclarée favorable "sous réserve de réécriture du dispositif, soit d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, soit d'ici à la loi de finances" à un amendement défendu par Stéphane Demilly (Nouveau Centre) proposant, dans le cadre de l'éco-prêt à taux zéro, de rendre les travaux de réhabilitation des dispositifs d'ANC cumulables avec les autres travaux d'économie d'énergie bénéficiant d'avances remboursables sans intérêt.
Un amendement à l'article 58 rétablit une mesure adoptée au Sénat qui prévoyait de lever la majoration de la redevance de prélèvement de la ressource en eau lorsque le taux de perte en eau du réseau ne justifie pas la réalisation rapide de travaux.
Les établissements recevant du public pourront utiliser les eaux pluviales
Un amendement à l'article 59 de Stéphane Demilly étend la possibilité d'utiliser de l'eau de pluie - pour l'alimentation des toilettes, le lavage des sols et le lavage du linge dans les bâtiments d'habitation ou assimilés - aux établissements recevant du public. Cette utilisation fera l'objet d'une déclaration préalable au maire de la commune concernée. Jean-Louis Borloo, tout en reconnaissant un accord général, a relevé les problèmes sanitaires sous-jacents : "la déclaration préalable à la commune répond-elle à cet enjeu, honnêtement, je n'en sais rien, je serai prudent". En revanche, les députés ont rejeté un amendement défendu par Yanick Paternotte (UMP) visant à supprimer l'article 59 bis relatif à la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, dont les modalités lui "apparaissent trop floues et mériteraient d'être débattues au sein d'un groupe de travail spécifique". Un amendement visant pour le moins à exclure de l'assiette de cette taxe les voiries du domaine public a aussi été repoussé.
Enfin, un amendement à l'article 61 déposé par Louis Guédon (UMP) transforme le Conseil national du littoral, créé par la loi du 23 février 2005, en Conseil national de la mer et des littoraux qui aura pour rôle d'accompagner la stratégie nationale pour la mer, les littoraux et les océans. Il sera présidé par le Premier ministre ou en son absence, par le ministre en charge de la Mer. Le secrétariat général sera assuré, quant à lui, par le délégué interministériel au développement durable en y associant le secrétaire général à la mer, ce qui permettra à cette instance de prendre en charge le suivi du Grenelle de la mer.
Philie Marcangelo-Leos / Victoires Editions