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Elus - Gratuité des mandats : un "verrou" à faire sauter ?

Dans un rapport pour la délégation sénatoriale aux collectivités, deux sénateurs proposent de supprimer le principe de gratuité des fonctions électives, considérant que celui-ci représente un frein à la constitution d'un statut des élus locaux vraiment protecteur.

Supprimer le principe de gratuité des fonctions électives posé par le Code général des collectivités territoriales (article L.2123-17), telle est la proposition-choc à laquelle vient de souscrire la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Elle est la dernière des douze propositions du rapport sur le statut de l'élu local réalisé par les sénateurs Philippe Dallier (UMP) et Jean-Claude Peyronnet (PS) et que vient d'adopter la délégation. "Le maintien de ce principe est un frein à la constitution d'un statut moderne de l'élu local", affirment les deux sénateurs.
Le législateur, particulièrement le Sénat, a toujours souhaité que l'exercice des fonctions électives demeure un engagement bénévole. Celui-ci ouvrant droit, cependant, au versement d'une indemnité en compensation des frais occasionnés par l'exercice de la mission et, éventuellement, de l'interruption totale ou partielle par les intéressés de leur activité professionnelle. Avec ce changement de cap, il y a bien sûr un écueil à éviter, reconnaissent les sénateurs : faire de l'exercice des mandats électoraux un métier à part entière, avec des possibilités de "carrière" comparables à celles qu'offre la fonction publique. Mais, ajoutent-ils, ce risque ne doit pas empêcher les maires qui le souhaitent de cesser leur activité professionnelle pour se consacrer à temps plein à la gestion de leur collectivité. Or, compte tenu des lourdes charges que représente aujourd'hui l'exercice de fonctions électives, y compris dans les petites communes, il ne faut pas décourager les maires qui voudraient faire ce choix. Aujourd'hui, les élus locaux ont cette possibilité, mais s'ils exercent à plein temps leur mandat, c'est souvent dans des conditions de sécurité matérielle insatisfaisantes.

Prendre exemple sur l'Allemagne ?

Le maintien du principe de la gratuité a, dans ce domaine, constitué un frein, assurent les deux sénateurs. En Allemagne, où la règle de la gratuité ne s'impose pas avec autant de force qu'en France, "les maires des communes les plus importantes et les présidents de conseils d'arrondissements sont assimilés à des fonctionnaires pendant toute la durée de leur mandat". Un exemple dont il faudrait sans doute s'inspirer, semblent vouloir dire les deux sénateurs. Ils précisent que les autres élus locaux allemands, "qui exercent leur mandat à titre bénévole, ne sont en général indemnisés que pour le manque à gagner et pour les frais liés à l'exercice de leur mandat".
Au delà de la réflexion à mener sur la pérennité du caractère bénévole des mandats locaux, les sénateurs préconisent quelques mesures visant à améliorer le statut existant. Afin que les maires qui le souhaitent, notamment ceux qui sont salariés, aient plus facilement la possibilité de se consacrer à plein temps à leur mandat, les sénateurs formulent deux propositions. Premièrement, ils recommandent de majorer de 50% l'indemnité des maires concernés. L'indemnité brute mensuelle d'un maire d'une commune de 1.000 à 3.499 habitants passerait, dans ce cas, de 1.635 euros à 2.452 euros. Deuxièmement, ils proposent d'ouvrir au bénéfice des adjoints des communes et vice-présidents d'EPCI à fiscalité propre de plus de 10.000 habitants le droit à la suspension du contrat de travail. Aujourd'hui, celui-ci est accordé principalement aux maires et présidents de communautés, aux adjoints des communes et aux vice-présidents de communautés de plus de 20.000 habitants, ainsi qu'aux présidents et vice-présidents ayant délégation de l'exécutif des conseils généraux et régionaux.

Revalorisation des indemnités des maires

Plus généralement, pour revaloriser les indemnités des maires des petites communes, les sénateurs Dallier et Peyronnet recommandent l'attribution automatique des indemnités maximales prévues par la loi à tous les maires des communes de moins de 3.500 habitants - les conseils municipaux pourraient s'y opposer par délibération. Aujourd'hui, cette mesure ne s'applique qu'aux communes de moins de 1.000 habitants. Or la pression de la population ou du conseil municipal, ou encore les contraintes budgétaires locales conduisent parfois les maires à renoncer à leurs indemnités.
D'autres propositions visent également à apporter des ajustements au statut de l'élu local : clarification de la notion d'indemnité, cotisations retraite, crédits d'heures, etc.
D'après le rapport, "des crises de vocations ont pu être constatées lors des dernières élections municipales, notamment en 2001 et 2008".