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Environnement - Grand Sud Est : les gestionnaires de l'eau préparent un plan d'adaptation au changement climatique

Dans le cadre de la préparation de son plan d'adaptation au changement climatique qui doit être finalisé mi-2013, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse a publié le 19 septembre un rapport alarmant sur les ressources en eau. Moins de neige, une eau plus rare et aléatoire, des rivières plus basses en été ... : toute la gestion de l'eau doit être repensée à l'aune de ces données.

Région considérée comme la plus sensible en France au changement climatique, avec d'ores et déjà des situations de pénurie d'eau sur 40% de son territoire, le Grand Sud Est s'interroge aujourd'hui sur la manière d'adapter la gestion de l'eau à cette nouvelle contrainte. A l'occasion d'un séminaire réunissant 300 experts et gestionnaires de l'eau et des rivières, des collectivités et de l'Etat, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse a ainsi publié le 19 septembre un rapport de synthèse des connaissances sur les impacts du changement climatique sur l'eau pour le moins alarmiste. Pour les scientifiques, l'une des conséquences majeures sera d'abord une perte de durée d'enneigement de moitié au sud des Alpes dès 2030, due à la conjonction de la diminution des chutes de neige et à une accélération de leur fonte. C'est à basses et moyennes altitudes (1.200 à 1.800 m), dans toutes les Alpes, que le manteau neigeux sera "le plus dérangé". A plus long terme (2080), un scénario pessimiste fait état d'une quasi-disparition de la neige au printemps sur tout le massif à basses et moyennes altitudes.
Autre impact : le débit des rivières en été chutera parce qu'il ne sera plus aussi bien soutenu par la longue fonte des neiges et que les sols seront plus secs. En 2050, les affluents non méditerranéens du Rhône (Saône, Loue, Ognon…) perdraient ainsi 20 à 50% d'eau en été et en automne, et jusqu'à 75% en été pour l'Isère et la Durance. Les fleuves du Languedoc-Roussillon pourraient perdre 30 à 80% de débit en 2080.

La Méditerranée fortement touchée

La Méditerranée sera la zone la plus affectée par les pertes de précipitations. Les bassins côtiers du Languedoc-Roussillon recevraient 60% de pluies en moins l'été en 2080 avec des déficits majeurs pouvant aller jusqu'à 80% sur l'Agly, l'Aude, la Têt ou le Tech (Aude et Pyrénées-Orientales). Des sécheresses plus intenses, plus longues et plus fréquentes sont attendues partout. Pour les pluies d'automne et d'hiver, les modèles scientifiques ne s'accordent pas sur l'évolution à la baisse ou à la hausse. Néanmoins, sur l'année, les apports d'eau seront plus faibles et plus incertains.
Facteur aggravant, soulignent les scientifiques, l'"évapotranspiration" s'accroissant, elle avancera en saison les manques d'eau en agriculture et les accentuera par assèchement des sols. A l'échelle du bassin Rhône-Méditerranée et Corse, les scientifiques situent la montée des températures en moyenne annuelle entre 1 et 2°C d'ici 2030 puis de 3 à 6°C à l'horizon 2080. Plus précisément, sur les bassins côtiers, les scénarios optimistes annoncent +3°C d'augmentation moyenne d'ici 2080. Une pointe à +10°C au mois d'août est même envisagée. Les aquifères littoraux, affectés par une baisse de la recharge, pourraient être aussi menacés de salinisation due à l'élévation du niveau de la mer. En effet, il est vraisemblable que la Méditerranée montera sans qu'il soit encore possible de préciser de quelle hauteur.
Les poissons d'eau douce et d'eau de mer seront fortement perturbés. En 30 ans, les eaux du Rhône se sont déjà réchauffées de 2°C à son embouchure en été. Seuls les cours d'eau comme l'Isère, l'Arve ou le Rhône amont pourraient être moins touchés du fait de l'influence des glaciers, tant qu'ils fondent. Les aires de répartition des poissons vont se déplacer vers le nord et en altitude. La truite fario et le chabot, notamment, verraient leur aire régresser sévèrement.
La Méditerranée elle-même pourrait se réchauffer de 3°C d'ici 2080 et devenir plus acide, avec un pH tombant de 8,1 actuellement à 7,7 en 2100 par dilution de CO2, ce qui représente une menace pour le calcaire des coquilles. Sur 75 espèces de poissons endémiques, 50 verraient leurs habitats fragmentés ou réduits et 14 disparaîtront probablement. Enfin, le littoral languedocien connaîtra des risques d'érosion et de submersion encore accrus.

Des cartes de vulnérabilités à établir

Ces données sont naturellement très préoccupantes et posent la question de la vulnérabilité de nombreuses activités - sports d'hiver de moyenne montagne, refroidissement sur le cours du Rhône pour les centrales nucléaires, agriculture, approvisionnement en eau potable et bien sûr survie des milieux aquatiques.
Le futur plan de bassin d'adaptation au changement climatique que l'agence de l'eau pilote, avec l'Etat et les cinq conseils régionaux de la zone, va s'appuyer sur ces travaux. Le rapport qui vient d'être publié est soumis à consultation scientifique pendant un mois. L'agence de l'eau réunit ainsi un comité scientifique spécial placé sous la présidence de Hervé Le Treut, directeur de l'Institut Pierre-Simon Laplace, qui donnera son avis sur les conclusions du rapport et formulera des recommandations pour guider les gestionnaires dans la mise en place de mesures d'adaptation. Puis, fin 2012, quatre cartes de vulnérabilités identifiant les zones les plus sensibles pour l'agriculture (vigne, tournesol au sud, maïs…), la ressource en eau, les activités liées à la neige et la biodiversité seront présentées. Elles croiseront les données de fragilités déjà perceptibles dans les territoires et les évolutions climatiques estimées. Enfin le plan, qui doit être finalisé mi-2013, comprendra des mesures d'adaptation pour les bassins des principaux cours d'eau et servira de module transposable dans tous les plans régionaux en cours de préparation - schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE), schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE), schémas régionaux d'aménagement durable du territoire (SRADT), etc. 

 

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