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PLFR 2010 - Grand emprunt et numérisation du patrimoine : où est passée la province ?

Le ministre du Budget et la ministre de l'Economie ont présenté, au Conseil des ministres du 20 janvier, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2010, aussitôt déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui doit l'examiner en première lecture du 2 au 4 février (voir notre article ci-contre du 20 janvier 2010). Outre une révision à la baisse du déficit budgétaire prévisionnel pour 2010 et la mise en place d'un système de taxation exceptionnel des bonus, ce texte prévoit l'ouverture de 35 milliards d'euros de crédits nouveaux, destinés à financer des "investissements d'avenir" grâce aux ressources tirées du grand emprunt.
Sur ce total, 4,5 milliards d'euros seront affectés à l'économie numérique, afin de "soutenir le développement sur le territoire des réseaux à très haut débit et [de] favoriser le soutien aux usages, services et contenus numériques innovants". Les crédits affectés à ce volet du grand emprunt transiteront par un Fonds national pour la société numérique (FSN), dont la gestion sera confiée à la Caisse des Dépôts. Frédéric Mitterrand a obtenu qu'une enveloppe de 750 millions d'euros soit réservée à "la numérisation du patrimoine culturel, éducatif et scientifique et [au] soutien au développement des technologies de numérisation", afin d'offrir une solution alternative française à la domination de Google. Mais, contrairement à d'autres affectations du grand emprunt, le PLFR 2010 reste très flou sur le détail de l'utilisation de cette enveloppe, tributaire - il est vrai - d'un certain nombre d'éléments technologiques difficiles à anticiper. Alors que tous les programmes financés par le grand emprunt font l'objet d'objectifs et d'indicateurs de performance précis et chiffrés - parfois avec l'indication de la progression annuelle sur la durée de l'emprunt -, ceux de la numérisation du patrimoine sont particulièrement vagues. Ils se résument en tout et pour tout à "Part du patrimoine culturel numérisé" et "Part du patrimoine éducatif et scientifique numérisé", sans aucun objectif chiffré. La présentation du programme dans le PLFR 2010 se contente d'indiquer que la numérisation des contenus "s'accompagnera systématiquement d'une évaluation des possibilités de création d'activités économiques". Dans ce cas, "l'Etat pourrait percevoir des redevances sur les revenus générés par ces services". Autre précision apportée par le PLFR 2010 : Le FSN interviendra sous la forme de prises de participations ou de prêts (environ 75% du total) et d'avances remboursables ou de subventions (environ 25% du total). Enfin, le FSN devrait également financer des actions "destinées à renforcer l'utilisation légale des contenus numériques et des projets d'amélioration des technologies de production, de traitement, de gestion, et de diffusion (cinéma, télévision, image, musique, contenus culturels, éducatifs et scientifiques, jeux vidéos) de ces contenus".
La même incertitude existe également sur la répartition de l'enveloppe de 750 millions d'euros entre les différents acteurs concernés. Si le ministre de la Culture ne s'est pas encore prononcé officiellement, des chiffres circulent néanmoins, qui correspondent d'ailleurs à ce qui était envisagé en décembre dernier lorsque les principales institutions patrimoniales ont été invitées à faire connaître leurs demandes. Environ 610 millions d'euros seraient ainsi affectés à la numérisation et la diffusion du patrimoine des établissements publics. Trois institutions se tailleraient la part du lion : le Centre national du cinéma avec 175 millions d'euros, la Bibliothèque nationale de France avec 140 millions et l'Institut national de l'audiovisuel - déjà bien avancé dans la numérisation de son patrimoine - avec 95 millions. Le solde, soit environ 200 millions d'euros, serait réparti entre d'autres grands établissements publics culturels comme Le Louvre ou le château de Versailles. Les institutions parisiennes devraient donc très largement prédominer. Si l'ampleur de leurs fonds n'est pas contestable, de nombreuses institutions culturelles en régions possèdent également des fonds certes moins importants, mais d'une valeur parfois considérable. La cinémathèque de Toulouse ou la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, par exemple, détiennent des pièces exceptionnelles. Frédéric Mitterrand ayant évoqué l'association des institutions culturelles en région à cette vaste entreprise de numérisation, ses propos sur le détail de l'affectation de l'enveloppe seront donc suivis avec intérêt.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : Projet de loi de finances rectificative pour 2010 (présenté au Conseil des ministres du 20 janvier 2010, examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 2 au 4 février 2010).