Culture - 750 millions d'euros pour numériser le patrimoine ?
Ouvrant, le 20 novembre, le Forum d'Avignon consacré cette année au thème "Culture, économie, médias", Frédéric Mitterrand s'est voulu très optimiste sur le dossier de la numérisation du patrimoine. Le ministre de la Culture et de la Communication cherche en effet à récupérer une partie des quatre milliards d'euros que le rapport d'Alain Juppé et Michel Rocard sur le grand emprunt propose d'affecter à "l'investissement dans la société numérique". Il est vrai que ce chapitre du rapport du groupe de travail est assez flou sur l'usage de cette enveloppe. Il ne mentionne cependant pas la numérisation du patrimoine dans les utilisations possibles de ces fonds. Aussi, dans son intervention à Avignon, Frédéric Mitterrand s'est-il engouffré dans la brèche en indiquant avoir "proposé au président de la République de consacrer pas moins de 753 millions d'euros à la numérisation des contenus culturels, dans le cadre du grand emprunt qu'il souhaite lancer". Hors discours officiel, il s'est montré très optimiste sur l'arbitrage du chef de l'Etat.
Il est vrai que cette demande tombe bien, alors que Google Books vient d'annoncer son intention de renoncer à la numérisation des ouvrages non anglo-saxons. Une solution à laquelle la France était de toute façon très réticente. Le ministre de la Culture a d'ailleurs indiqué que cette numérisation ne se limiterait pas - contrairement au projet de Google Books - au seul patrimoine écrit, mais concernerait aussi "les images animées, les films, les collections de nos musées, des archives manuscrites..." Il a également rappelé qu'une politique "dynamique" de numérisation est déjà en cours en France. Le Louvre ou Orsay ont ainsi numérisé 85% de leurs collections, désormais accessibles gratuitement en ligne. L'Institut national de l'audiovisuel a déjà numérisé l'essentiel de son patrimoine, tandis que le Centre national du cinéma est prêt à lancer un vaste plan de numérisation et de valorisation portant sur 13.000 films et 70.000 heures de créations audiovisuelles. Au-delà de ces institutions nationales, Frédéric Mitterrand n'a pas apporté - à ce stade - de précisions sur la façon dont les collectivités territoriales, qui détiennent une part importante du patrimoine, seront associées à ce grand projet et à son financement. La solution Google semblant s'éloigner, il a cependant annoncé avoir "décidé la création d'un portail unique du patrimoine culturel français, qui doit obéir à une démarche non seulement quantitative, mais qualitative, en veillant au classement des contenus et à leur mise en valeur". Il faudra sans doute attendre la remise - prévue pour le 15 décembre - du rapport du groupe de travail sur la numérisation du patrimoine des bibliothèques présidé par Marc Tessier (voir notre article ci-contre du 21 octobre 2009), pour en savoir davantage sur ce futur Google Books à la française.
Jean-Noël Escudié / PCA
