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Culture - Une commission pour préparer la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques

Frédéric Mitterrand a nommé Marc Tessier - ancien président de France Télévisions et actuel directeur de la société Vidéo Futur Entertainment Group - à la présidence de la commission sur la numérisation des fonds patrimoniaux des bibliothèques. Cette nomination devrait mettre enfin sur les rails une commission dont les débuts ont été pour le moins chaotiques. Le président initialement désigné était en effet l'éditeur Claude Durand, PDG de Fayard jusqu'en mars dernier. Mais celui-ci a claqué la porte avant même l'installation de la commission, évoquant l'"amateurisme" du ministère en la matière. Quelques jours avant la première réunion, Claude Durand n'avait toujours pas reçu de lettre de mission, ce qui l'avait amené à affirmer : "J'ai peur que l'on entreprenne des travaux et que finalement l'objectif de la mission ne corresponde pas à ce que l'on souhaitait faire." Son remplaçant, Marc Tessier, n'est toutefois pas étranger à l'objet de la commission puisqu'il avait déjà remis, en 2007, un rapport sur "La presse au défi du numérique". Outre son président, la commission comprend Olivier Bosc, conservateur en chef des bibliothèques, Alban Cerisier, directeur des fonds patrimoniaux et du développement numérique des éditions Gallimard, Emmanuel Hoog, président de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), et François-Xavier Labarraque, directeur du développement et de la stratégie de Radio France.
La mission de ce groupe de travail est "d'étudier l'opportunité et les modalités d'un éventuel accord avec un opérateur privé pour numériser ou mettre en ligne les fonds des bibliothèques". Cet accord éventuel devra notamment prendre en compte différents points, comme la libre disposition du patrimoine numérisé national, la parfaite conservation, sur le long terme, des fichiers numérisés, la visibilité de la culture et l'accès aux contenus français sur internet, l'intérêt économique et financier pour l'Etat et le contribuable et, enfin, "le message politique à adresser à la communauté internationale". L'objectif affiché est ainsi d'arrêter une doctrine française en la matière, pour éviter les initiatives individuelles récentes de certaines collectivités comme la ville de Lyon (voir notre article ci-contre du 16 juillet 2008). Mais le vrai sujet - qui n'est pas mentionné ouvertement dans le communiqué du ministère de la Culture - est celui des relations avec Google et, plus précisément, son service Google Books. Tout l'enjeu est de déterminer la place de Google - dont le dynamisme et le caractère anglo-saxon sont perçus comme une menace pour la culture européenne, surtout face aux retards répétés du projet de bibliothèque-médiathèque européenne Europeana. Le Premier ministre et le ministre de la Culture ont récemment envoyé plusieurs signaux laissant entendre qu'il ne fallait pas rejeter en bloc l'intervention de Google, au risque d'être taxé d'anti-américanisme primaire (d'où le passage sibyllin de la lettre de mission sur "le message politique à adresser à la communauté internationale"). Ces signaux n'ont pas toujours été bien perçus, notamment chez les éditeurs, et constituent la véritable raison du départ tonitruant de Claude Durand. Le rapport de la commission, attendu pour la mi-décembre, devrait donc être passé au crible chez les responsables de bibliothèques publics et dans les milieux du livre.

 

Jean-Noël Escudié / PCA