À Gigouzac, une régie municipale pour conserver un café-restaurant (46)

Les gérants d’un bar-restaurant qui partent à la retraite et ne trouvent pas de repreneurs… Et un commerce qui ferme, le seul de la commune parfois. À Gigouzac, l’histoire, classique, aurait pu se répéter. Mais c’était sans compter la motivation des élus, convaincus que le maintien d’un tel lieu relevait, notamment en milieu rural, du « service public », comme le répète Romuald Molinié, maire du village. Retour sur une aventure peu commune.

En janvier 2019, à la suite du départ à la retraite des propriétaires du bar-restaurant du village, la municipalité de Gigouzac rachète les murs et le fonds de commerce et lance des travaux de rénovation, pensant au départ placer rapidement l’établissement en gérance. « Sols, toiture, isolation… Grâce à l’aide du département, de l’État et de la région, on a tout refait », explique l’édile. Et, durant les six mois de travaux, la mairie « crée un lieu d’accueil dans un local communal voisin, géré sous forme de régie municipale provisoire, afin que les habitants continuent à disposer d’un espace de convivialité. Entre 11 heures et midi et le vendredi soir, les élus se relaient à ce comptoir improvisé, où chacun peut venir boire un café, acheter le pain et le journal ou prendre l’apéro. »

Maintenir « le » bistrot

Les travaux terminés, la mairie lance un appel à candidature et sélectionne des gérants. Mais le Covid s’invite, et l’activité ne résiste pas au confinement du printemps 2020. À la veille de la saison estivale, le lieu s’apprête à fermer… mais la municipalité s’y refuse, et décide de créer une nouvelle régie pour le gérer.

Pour que la réouverture du café-restaurant soit possible très vite, elle fait appel, pour préparer les repas, à la cantinière de l’école, qui accepte un contrat pour juillet et août. Un deuxième salarié - son fils - est recruté pour assurer le service. Dès le 1^er juillet, le lieu, renommé Bistrot de Gigouzac, ouvre ses portes. Bar et restaurant les week-ends et le midi en semaine, dépôt de pain et de journaux, coin épicerie, et, dès le mois d’août, relais postal… les services sont pluriels. Dès l’été, le succès du lieu - assorti d’un chiffre d’affaires de 47 000 euros - rassure la municipalité, qui décide de poursuivre l’expérience.

Salariés et élus au comptoir

Embauchés sous contrats de droit public, les deux salariés, aux 35 heures, ne peuvent assurer l’amplitude complète d’ouverture du Bistrot. Résultat, les vendredis soir et dimanches matin, élus et responsables des associations du village donnent bénévolement un coup de main - tenant le bar et assurant le service.

Romuald Molinié l’avoue, créer une régie municipale pour gérer un bistrot, « si ce n’est pas compliqué en soi, il faut oser. Il faut aussi trouver une personne de confiance pour gérer le lieu, et donc manipuler de l’argent public. Et avoir une Trésorerie générale qui vous suit. Il y a bien des régies municipales pour les remontées mécaniques, alors pourquoi pas pour un café-restaurant ? Quand on y croit, ça marche. À Gigouzac, nous, élus, en étions persuadés : cette régie avait du sens. » Celui du maintien d’un service public, d’un service au public. Le fait que tout le monde mette la main à la pâte permet, qui plus est, de créer des liens forts entre élus et habitants.

Il en convient aussi : « l’expérience n’est pas de tout repos. Pour un élu, être derrière le comptoir… c’est parfois lourd. D’ailleurs, ce n’est pas donné à tout le monde - il faut s’y sentir à l’aise. Bref, il faut sans doute une sacrée dose de motivation. Mais si on l’a, c’est aussi très sympa ! »

Personnes de confiance

L’aventure dure près de deux ans, jusqu’à ce qu’en avril 2022 le lieu soit repris sous forme de SARL par l’ancienne cantinière du village et son fils, jusque-là salariés de la régie. Le fils continue à tenir l’agence postale et est, à ce titre, toujours salarié à mi-temps de la municipalité. « Cela s’est fait naturellement. Elle en a eu envie, et nous avions confiance », explique le maire.Toujours propriétaire des murs et du matériel, la municipalité lui loue les lieux pour 300 euros par mois - « un loyer modique, c’est la clé du succès, car ce type de lieu, dans une petite commune, rapporte rarement des mille et des cents, pointe Romuald Molinié. D’ailleurs, ajoute-t-il, entre assurance, impôt foncier, renouvellement du matériel, etc.… Le Bistrot nous coûte entre 2 000 et 3 000 euros par an. Mais c’est moins qu’une salle des fêtes, qui coûterait environ 6 000 euros par an. Et c’est peu, pour maintenir ce que nous considérons comme du service public, facteur de lien social. »