Designers et habitants revitalisent le centre de Renac (35)

C'est un petit bourg rénové… mais qui manque de vie. À Renac (Ille-et-Vilaine), on est à 50 kilomètres de Rennes, en pays de Redon : les jeunes ménages viennent y trouver leur première maison, ils cohabitent avec les plus anciens, originaires du coin. « La vie associative et culturelle a besoin d'un coup de pouce, il n'y a plus de club du troisième âge, peu de choses pour les ados », souligne Anne Patault, adjointe au maire, en charge du développement. Mais Renac dispose d'une médiathèque très fréquentée, d'une salle polyvalente et du « café de Madeleine » … 3 lieux stratégiques à partir desquels l'équipe municipale a décidé de relancer la dynamique.

« Au départ du projet, il y a le souhait d'amener de la vie dans le centre bourg, en faisant le lien entre habitants natifs et nouveaux arrivants, poursuit l'adjointe au développement. Refaire société en évitant l'entre-soi et sans rater l'intergénérationnel. » « Il y a aussi l'idée de montrer que la culture peut être un vrai levier de dynamisation et d'attractivité », ajoute Damien Guillas, adjoint à la culture. Et un engagement de campagne de « faire avec » les habitants. Il y a aussi une grande bâtisse en plein centre bourg, fermée depuis 15 ans : « Le café de Madeleine ». Jusqu'en 2005, la gérante Madeleine l'ouvrait de l'aube à la nuit et habitait à l'étage. C'est un lieu qui a beaucoup compté pour les habitants les plus anciens et qui va devenir le pivot du projet.

Des prémisses en 2020

En 2020, la nouvelle municipalité commence un premier brainstorming avec des habitants volontaires pour imaginer un avenir à ce café, entre lieu convivial, offre culturelle et usages associatifs. En septembre 2020, les élus décident aussi d'ouvrir gratuitement la salle polyvalente à des résidences d'artistes, en contrepartie de spectacles pour la population. La médiathèque est équipée d'une place terrasse avec mobilier de convivialité pour boire un café, profiter des jeux de société mis à disposition. À l'été 2021, 4 premiers rendez-vous estivaux (marché de terroir et concert) sont organisés par la mairie et l'association culturelle Tradi Woogie. Mais c'est l'intervention de la bibliothécaire qui va faire passer le projet à la vitesse supérieure.

Embauchée à mi-temps à la médiathèque de Renac, la bibliothécaire partage son temps avec la commune voisine de la Chapelle de Brain. « J'étais frustrée de ne pas pouvoir bien mener ma mission, toujours à cheval entre deux sites et équipes de bénévoles, » témoigne Mélanie Chauvel, bibliothécaire de Renac. Pourtant, avec ce projet de café, les besoins en communication et la demande des usagers d'ouvrir davantage la médiathèque, elle voit bien de quoi occuper un temps plein. Repérant le nouveau fonds de la Mutuelle Nationale Territoriale (MNT), qui accompagne en ingénierie des projets innovants proposés par des agents publics, la bibliothécaire candidate. Mi-2021, la commune de Renac obtient l'accompagnement de son projet par une équipe de designers, sans rien débourser. En décembre suivant, le café de Madeleine est mis en vente par les domaines et acheté par la commune.

Reporté, du fait du deuxième confinement Covid, le travail est lancé par un temps fort de mobilisation des habitants. En mars 2022, l'ancien café réouvre pour un week-end festif : animations, petite restauration et récolte de témoignages et d'envies. Avec deux questions simples posées aux habitants : « Comment c'était hier ? Comment cela pourrait être demain ? ». 150 à 200 personnes participent à ce week-end festif, sur les 1 000 habitants que compte la commune. Puis un groupe d'élus, d'agents et d'habitants analyse toute la matière récoltée pour repérer les grands axes à retenir pour le projet : quels usages des lieux, quelles actions engager et quels événements proposer.

Concrétiser les idées

« L'animation par les designers nous a fait gagner un temps énorme en nous outillant, souligne l'adjoint à la culture. Avec deux idées simples mais géniales : faire parler du passé les anciens et leur faire dire ce qu'il fallait garder de cet esprit pour l'avenir, et pousser chacun à regarder au-delà de soi, en tenant compte de tous les publics. » « Compte tenu de nos moyens financiers limités, la réouverture du café se fera en plusieurs étapes, selon les financements que nous obtiendrons, précise l'adjointe au développement. En 2023, il faudra d'abord mettre hors d'eau, puis investir le rez-de-chaussée du café dans les normes d'accueil du public, puis, dans un troisième temps, aménager l'étage et la petite maison attenante qui sera une escale vélo », indique l'adjointe. Pour patienter durant ce temps long, les designers ont prototypé un grand panneau de communication installé sur la façade du café pour informer de l'avancement du projet, de la programmation culturelle de la commune et permettre aux habitants de continuer à proposer leurs idées.

Les designers ont aussi permis d’asseoir la gouvernance future du projet et de la programmation culturelle de Renac. Une commission mixte mêlant élus, associations et habitants tirés au sort pour établir un programme à l'année est en projet. « Nous avons poursuivi les animations estivales en juillet 2022 sur 4 soirées avec l'idée que ça devienne récurrent, indique l'adjoint à la culture. Nous envisageons aussi de créer un événement majeur en décembre, autour de la thématique de la lumière et du feu. Et nous allons solliciter les communes voisines volontaires pour organiser des mini-tournées en sorties de résidence d'artistes ». Quant à la bibliothécaire, elle travaille désormais uniquement à Renac : la médiathèque ouvre 4 heures de plus par semaine (financées à 50 % par la DRAC), elle anime le projet « Café de Madeleine » et réalise des missions de communication plus larges pour la mairie.

Associer les habitants, un pari osé

« Cet accompagnement nous a donné le culot d'oser un chemin qui n'est pas toujours le plus facile, souligne l'adjointe au développement. Il ne faut pas ignorer tout ce que des démarches participatives provoquent comme réactions et tensions ». La démarche a aussi demandé de la disponibilité aux acteurs locaux : élus (dont plusieurs ont également une activité professionnelle), habitants, agents. « C'était parfois un peu tendu pour tenir les délais, mais ça a donné une formidable impulsion et de la visibilité au projet », note la bibliothécaire. « Ça a été un formidable accélérateur de la mobilisation citoyenne qui va compter pour la suite du projet », conclut l'adjoint à la culture.