Congrès AMF - Gestion des forêts communales : un partenariat durable avec l'ONF
Présenté dans le cadre d'un atelier du Congrès de l'AMF le 22 novembre, le nouveau contrat d'objectifs et de performance 2012-2016 signé en juillet entre l'Etat, la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) et l'Office national des forêts (ONF) marque l'épilogue d'un bras de fer de plusieurs mois. Une note de la Direction générale du Trésor destinée au ministre de l'Economie avait en effet mis le feu aux poudres, en février dernier, en proposant une refonte du régime forestier national et en jugeant "utile d'étudier la possibilité de déléguer la gestion des forêts communales sous forme de concessions à des prestataires privés". Le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, avait alors réagi en affirmant qu'il n'était pas question de toucher au régime forestier ni à l'ONF. Mais, en mai, nouvelle poussée de fièvre : la synthèse du rapport de la mission diligentée par les ministères de l'Agriculture et de l'Ecologie sur le modèle économique de l'ONF envisageait de "supprimer le monopole public pour permettre aux collectivités qui le souhaitent de se doter de leur propre service" et appelait à "une plus grande responsabilisation des collectivités". Dans l'optique d'un "rééquilibrage financier" de l'ONF, "une augmentation significative de la part des collectivités" était recommandée par les rapporteurs. Une nouvelle fois, Bruno Le Maire avait été obligé de rassurer les communes forestières en affirmant que ce rapport ne constituait aucunement la position de son ministère. Au sein même du conseil d'administration de la FNCOFOR, réuni le 12 juillet dernier, les discussions finales autour du projet de contrat d'objectifs ont aussi fait l'objet de débats. Les élus des forêts méditerranéennes ou de régions sinistrées ont tenu à rappeler les inégalités entre communes et dénoncé le discours de "l'Etat qui ne voit de produit forestier que dans le bois" et défendu d'autres moyens de financement pour soutenir "une politique forestière multifonctionnelle".
Le fruit d'un compromis
Au final, les communes ont quand même accepté de parapher pour la première fois un document qui trace la "feuille de route" d'une gestion durable des forêts publiques pour les cinq ans à venir pour témoigner de leur sens des responsabilités, a expliqué Jean-Claude Monin, président de la FNCOFOR lors du premier atelier consacré à la forêt organisé dans le cadre du congrès de l'AMF . "Nous avons fait le choix d'un compromis, face à une situation budgétaire qui nous a été imposée, a-t-il souligné. Nous avons obtenu le maintien du régime forestier et du service public assuré par l'ONF dans le cadre d'une gouvernance partagée". Au-delà du maintien des frais de garderie prélevés sur les recettes provenant de l'exploitation des quelque 2,9 millions d'hectares de forêts communales (12% en plaine et 10% en montagne), les communes vont donc s'acquitter d'une contribution de 2 euros à l'hectare, inscrite dans le projet de loi de finances 2012, soit environ 5 millions d'euros par an destinés à l'ONF. De son côté, l'Etat contribue à hauteur de 196 millions d'euros, comprenant notamment le versement compensateur - qui assure l'équilibre financier de la gestion des forêts des collectivités par l'ONF. Des financements complémentaires pourraient aussi être mobilisés à l'avenir. Au cours de l'atelier du Congrès de l'AMF, Hervé Gaymard, président de l'ONF, a ainsi évoqué la piste d'un abondement des agences de l'eau pour rémunérer les aménités, autrement dit les services environnementaux rendus par la forêt.
Montée en charge de la récolte de bois des forêts communales
Pour l'heure, le contrat Etat-FNCOFOR- ONF réaffirme les trois piliers de la "gestion durable multifonctionnelle" des forêts publiques - production, environnement et accueil du public. L'aménagement demeure le document de synthèse unique sur lequel s'appuie cette gestion au niveau local et 95% des forêts communales doivent en être dotées au terme du contrat, ce qui suppose 210.000 hectares de nouveaux aménagements réalisés par an. Les objectifs de récolte de bois qui ont fait l'objet d'un consensus au cours des différentes étapes de l'élaboration du contrat ont été fixés, pour 2016, à 6,8 millions de m3 en forêt domaniale et à 9,3 millions de m3 en forêt communale (25% dans le cadre de contrats d'approvisionnement), soit pour cette dernière 200.000 m3 supplémentaires récoltés chaque année par rapport au niveau de 2010. Pour aboutir à une meilleure valorisation économique du patrimoine forestier des communes, la FNCOFOR et l'ONF s'engagent à soutenir les initiatives communales de regroupement de la gestion forestière, en privilégiant les dispositifs de syndicats intercommunaux de la gestion forestière et de syndicats mixtes de gestion forestière. Toujours au chapitre économique, l'ONF entend poursuivre sa stratégie de développement du bois énergie à travers sa filiale ONF Energie dont le chiffre d'affaires doit progresser de 25% par an. La priorité sera donnée aux circuits courts et une garantie sera apportée à l'approvisionnement des chaufferies des communes forestières. La FNCOFOR et ONF Energie doivent établir une charte de bonnes pratiques dès 2012.
Les enjeux environnementaux ont également été confortés dans le nouveau contrat. Aux missions d'intérêt général tradionnellement dévolues à l'ONF (défense des forêts contre l'incendie, restauration des terrains de montagne, départements d'Outre-mer, dunes littorales...), le ministère de l'Ecologie lui a confié la mise en oeuvre de deux nouvelles missions - préservation de la biodiversité et prévention des risques naturels.
300 à 310 unités territoriales de l'ONF en métropole
Le statut d'établissement à caractère industriel et commercial de l'ONF et son rôle de gestionnaire unique des forêts publiques sont clairement mis en avant. Mais l'Office n'échappe pas à la révision générale des politiques publiques (RGPP) et le contrat entérine une baisse des effectifs à hauteur de 7% soit 700 emplois sur un total de 9.000. Le sujet est sensible dans un établissement qui a déjà subi une chute de 20% de ses personnels en 15 ans et fait face à un grave malaise social après le suicide de six agents depuis juin dernier. Un audit socio organisationnel vient d'être lancé pour évaluer les difficultés rencontrées par les personnes dans l'exercice de leurs missions. Ses résultats sont attendus au printemps 2012. Pour les communes, la stabilisation du maillage territorial de l'ONF est essentielle. Le contrat prévoit comme maillage territorial cible 300 à 310 unités territoriales (UT) en métropole, chaque UT comprenant 7 à 10 agents patrimoniaux, qui sont les interlocuteurs des communes au quotidien.
Un suivi annuel de ce maillage territorial sera réalisé par le Comité consultatif de la forêt communal qui a été installé le 23 novembre dans le cadre du Salon des maires. Cette nouvelle instance qui avait été proposée par Hervé Gaymard dans son rapport sur l'avenir de l'ONF remis en 2010 au président de la République (voir ci-contre notre article du 26 octobre 2010) vient compléter la commission nationale de la forêt communal à laquelle est adossé depuis 2005 le comité national des ventes, deux instances qui pourront avoir selon le contrat des déclinaisons terrioriales ou régionales. Composé de 13 membres (1) et présidé par Jean-Claude Monin, le comité consultatif assurera pour sa part "le suivi de la mise en oeuvre du contrat, exprimera son avis sur les décisions importantes prises par l'établissement impactant la gestion des forêts communales et proposera des évolutions pour ce qui concerne la stratégie forestière", ont expliqué l'ONF et la FNCOFOR. Il se réunira trois fois par an et pourra, "en tant que de besoin", faire appel à des personnalités qualifiées ou entendre des experts dans leur champ de compétences. Selon ses promoteurs, "cette nouvelle gouvernance permettra une meilleure synergie entre l'action de l'ONF et celle des collectivités en charge de l'aménagement du territoire à l'échelle locale".
Anne Lenormand
(1) Deux représentants des communes forestières, des représentants de l'Association des maires de France, de l'Association des régions de France, de l'Assemblée des départements de France, un préfet en fonction territoriale, des représentants de la Fédération nationale du bois, de France nature environnement, de Forêts privées de France, des personnels de droit public et de droit privé de l'ONF, ainsi que le président du conseil d'administration et le directeur général de l'ONF