Archives

Réforme territoriale - Fusions de régions : le Sénat laisse carte blanche aux députés

Au terme de la première lecture, le 4 juillet, le Sénat a adopté le projet de loi sur les fusions de régions... mais après l'avoir vidé de l'essentiel de ses dispositions, à savoir la carte des futures régions et le nombre et la répartition des conseillers régionaux. L'Assemblée nationale, qui examinera la réforme le 8 juillet en commission, sera ainsi d'autant plus libre pour élaborer sa propre carte.

Par 184 voix pour et 129 contre, le Sénat a adopté le 4 juillet en première lecture le projet de loi définissant la nouvelle carte des régions et reportant les élections régionales et départementales. Les partisans et les opposants au texte ne sont cependant pas ceux auxquels on pouvait s'attendre au début de l'examen, le 3 juillet. Les groupes UMP, UDI-UC et RDSE ont en effet voté pour, tandis que le PS et les écologistes ont voté contre, le Front de gauche s'abstenant. Cet étrange vote est en fait le résultat assez logique d'une discussion qui a abouti à dénaturer le texte d'origine. Après avoir voté le 26 juin contre le texte élaboré par la commission spéciale mise en place par le Sénat, l'UMP, le RDSE et le Front de gauche ont de nouveau en séance uni leurs voix pour dire non à la carte des régions proposée par le gouvernement à l'article 1er (sans proposer d'alternative).
Le résultat du vote est sans appel : les amendements de suppression de cet article 1er ont recueilli 177 voix (152 contre). Seuls les socialistes et une majorité des sénateurs centristes ont voulu qu'un projet de carte figure dans le texte de loi, tandis que les écologistes se sont abstenus. Le vote sur l'article est intervenu au terme d'un débat de plus de trois heures, véritable reprise de la discussion générale qui avait eu lieu la veille. Et aussi juste avant... une suspension de séance demandée par des sénateurs pour suivre le match de football France-Allemagne.
"Nos grands électeurs, ceux qui nous ont fait confiance, ne comprendraient pas que le Sénat ne saisisse pas cette occasion [pour faire évoluer la carte]", a fait remarquer le centriste Gérard Roche, en appelant à ne pas adopter les amendements de suppression de l'article 1er.

L'UMP réclame une vaste consultation

"Il nous est demandé d'adapter notre pays à [la] perspective d'une Europe fédérale et libérale", s'est inquiété de son côté le communiste Christian Favier. Du côté du RDSE, on a beaucoup critiqué l'urgence dans laquelle les sénateurs sont obligés de légiférer. Pour Jacques Mézard, ces derniers sont ni plus ni moins conduits à jouer "au Rubik's cube en enlevant un territoire d'un côté, en rajoutant une région d'un autre".
Sur les bancs de l'UMP, on a dénoncé "l'improvisation" du gouvernement sur une réforme pourtant majeure. "Le découpage (…) a été décidé en une après-midi au Château. En quelques heures, des régions entières ont vu leur destin basculer", a critiqué l'UMP François Grosdidier. D'autres sénateurs UMP, dont Jean-Pierre Raffarin, ont mis en avant la nécessité de prendre le temps pour consulter les collectivités et les populations. "Nous avons la possibilité, pendant les semaines qui viennent, et même jusqu'au mois d'octobre, de travailler ensemble sur une carte donnant, pour l'essentiel, satisfaction", a lancé Jean-Claude Lenoir. "Notre vote sera le meilleur service que nous puissions rendre au gouvernement", a estimé pour sa part Philippe Dallier (UMP). Lorsqu'en première lecture du projet de loi d'affirmation des métropoles, le Sénat a "rendu copie blanche sur le Grand Paris", celui-ci a "permis une réflexion supplémentaire", a-t-il ajouté.

Jean-Pierre Sueur : "Le Sénat marque contre son camp"

"Ce qui vous préoccupe, ce sont les élections de septembre [ndlr : les sénatoriales qui auront lieu le 28 septembre prochain]. Vous voulez vous positionner fortement contre le gouvernement", a répondu Philippe Kaltenbach (PS). Le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, a dénoncé quant à lui les "contradictions" des opposants à la réforme. Alors que ces derniers avaient demandé "avec force" l'organisation de deux lectures sur le texte, le Sénat n'effectuera "qu'une vraie lecture" (la deuxième). "En envoyant à l'Assemblée nationale cette page blanche, le Sénat se tire une balle dans le pied. D'une certaine manière, il marque contre son camp", a-t-il conclu.
"Ce vote prive la Haute Assemblée, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, de la possibilité d’apporter sa contribution à ce débat essentiel pour l’avenir de notre pays", a estimé le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, peu après dans un communiqué.
Après la suppression de la carte des régions (article 1), plusieurs autres articles du projet de loi n'avaient plus lieu d'être : les modalités de désignation du chef-lieu des nouvelles régions (article 2), la date de mise en œuvre de la nouvelle carte régionale (article 4), le nombre et la répartition des conseillers régionaux par région (article 6). Par ailleurs, les sénateurs ont choisi de supprimer aussi l'article 12 qui reporte les élections départementales et régionales de mars à décembre 2015. Pour toutes ces dispositions, l'Assemblée nationale démarrera ses travaux - le 8 juillet en commission - en se référant au projet de loi déposé par le gouvernement.

Département et région : procédures de divorce… et de remariage

Les sénateurs ont toutefois adopté certains articles du projet de loi après les avoir modifiés. Ils ont ainsi garanti à chaque département une représentation minimale de cinq élus dans les conseils régionaux (contre un seul dans le projet de loi déposé en Conseil des ministres).
De plus, contre l'avis du gouvernement, les sénateurs ont adopté un amendement qui supprime l'obligation d'organiser un référendum lors de la modification des limites des régions et des départements, ou à l'occasion de la fusion d'une région et des départements qui la composent. Des délibérations concordantes des assemblées délibérantes concernées suffiraient à faire aboutir un projet de recomposition de la carte, par exemple le transfert d'un département d'une région vers une autre. Dans cet exemple, il suffirait que 10% des membres du conseil général et de l'assemblée de la région d'arrivée se mobilisent pour que la question soit portée à l'ordre du jour des deux collectivités. La région de départ n'aurait pas son mot à dire. "Il est délicat de consulter celui avec lequel on a un différend", a expliqué Jacques Mézard, auteur de l'amendement, qui vise donc clairement à faciliter les réorganisations.
Le gouvernement est favorable à la suppression de la condition d'un référendum pour permettre à un département de changer de région, a expliqué André Vallini, secrétaire d'Etat chargé de la réforme territoriale. Mais "toutes les collectivités concernées doivent être consultées" (donc y compris la région d'origine), a-t-il précisé. Pour le gouvernement, un droit d'option pour les départements pourrait être mis en place à partir de janvier 2016, soit après les élections départementales et régionales.
Tentatives politiques de blocage pour certains, volonté de faire reposer la réforme sur des bases solides et démocratiques pour d'autres, les procédures parlementaires engagées par l'opposition (lire nos articles ci-contre) n'ont retardé que de deux jours la fin de l'examen du projet de loi par le Sénat.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis