Conseil national de la montagne - François Fillon reconnaît la spécificité des communes de montagne
Après trois ans de sommeil, le Conseil national de la montagne (CNM) a été réactivé, mardi 3 novembre, par François Fillon, dans les locaux de la Datar, en présence de plusieurs membres du gouvernement. Le Premier ministre a ainsi répondu à une demande forte de l'Association nationale des élus de montagne (Anem) qui, inquiète de la tournure que prenait la réforme territoriale, avait à plusieurs reprises demandé de mobiliser le CNM. Réunis en congrès à L'Argentière-la-Bessée (Hautes-Alpes), les "montagnards" ont adopté une motion, le 23 octobre, rappelant notamment le "droit à la différence" inscrit dans la loi Montagne de 1985. Dans cet esprit, le CNM, dont les nouveaux membres ont été désignés par un décret du 21 octobre dernier, sera en premier lieu chargé de dresser un bilan de cette loi, vingt-cinq ans après la création des sept "comités de massifs" (Jura, Vosges, Alpes du Nord, Alpes du Sud, Corse, Massif central et Pyrénées). Selon le Premier ministre, "les grands objectifs de cette loi n'ont rien perdu de leur pertinence" mais "il s'agit de réaliser un diagnostic de mise en œuvre". Un bureau d'études pourrait être associé aux travaux du CNM et du gouvernement, sous la coordination opérationnelle de la Datar.
François Fillon a par ailleurs accepté que la spécificité des territoires de montagne soit reconnue dans le projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales. "Il n'y a que des avantages à ce que le CNM se saisisse du projet de loi", a indiqué le Premier ministre qui a demandé qu'un groupe de travail soit créé sur ce sujet afin de définir "les axes d'une bonne adaptation de la réforme aux territoires de montagne".
Intercommunalités d'au moins 5.000 habitants
Plusieurs inquiétudes agitent les élus, dont la désignation avec une dose de proportionnelle des conseillers territoriaux, qualifiés d'élus "hors sol" par Henri Nayrou, le président de l'Anem. "Il y a un danger car les conseillers territoriaux ne seront ni assez nombreux ni suffisamment ancrés dans nos territoires", déplore le député de l'Ariège pour qui "le département doit rester le garant de la solidarité sociale et territoriale". L'Anem est également opposée à la disparition de la clause générale de compétence des départements et des régions. "C'est la fin de la solidarité au détriment des communes les plus pauvres", estime Henri Nayrou, expliquant que certaines stations des Pyrénées n'auraient pu se développer sans le soutien des départements.
S'agissant de l'intercommunalité, l'Anem peut se féliciter que sa proposition de "fléchage" des délégués communautaires pour les communes de moins de 500 habitants ait été reprise (selon ce principe, les candidats au mandat de conseiller municipal et de délégué communautaire figurent sur une seule et même liste). L'achèvement de la carte intercommunale d'ici à 2014 répond également à ses voeux. Mais l'Anem met en garde contre une disposition de l'article 16 du projet de loi prévoyant "la constitution, dans la mesure du possible, d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5.000 habitants". Pour l'association, l'application de ce seuil "administratif" fait courir un risque. "Vous avez des communautés de communes comme celle d'Ardes-sur-Couze [dans le Puy-de-Dôme, NDLR], qui regroupe 2.000 habitants mais qui est une illustration parfaite d'un territoire vécu, voulu, un territoire de projets qui marche. Pourquoi faudrait-il le changer ?", se demande-t-on à l'Anem. Le Premier ministre a écarté, mardi, l'idée d'un couperet du préfet. "Il n'y aura pas d'intercommunalité imposée, il faut aller plus loin de le processus intercommunal, arriver à couvrir l'ensemble du territoire, mais je ne crois pas à la décision finale du préfet", a expliqué François Fillon. La décision sera le fruit d'un dialogue entre le préfet et la commission départementale de la coopération intercommunale. Reste que les élus ne sont pas satisfaits de la représentativité de cette commission (article 26). L'Anem suggère qu'en cas de divergence entre les collectivités et le préfet, le conseil général ou le comité de massif soient consultés pour avis. Elle demande une autre garantie : qu'un collège spécifique représentant les communes de montagnes soit créé au sein de l'intercommunalité. Cet organe, doté d'un droit de veto, permettrait de préserver les intérêts des communes de montagnes dans le cas où elles seraient minoritaires ou isolées, sachant que 57% à peine des 648 EPCI de montagne sont exclusivement composés de communes montagnardes.
"Renationalisation de la PAC"
Le travail du CNM ne se limite pas à la réforme territoriale. Cinq autres groupes de travail seront mis en place pour répondre aux évolutions environnementales, économiques et sociales des territoires de montagne : l'avenir des stations de moyenne montagne, l'agriculture et la forêt de montagne, la prise en compte de l'espace montagne dans les politiques européennes, les services à la population et les innovations technologiques, la gestion durable des territoires.
La question de l'avenir de l'agriculture de montagne, qui représente encore 20% des surfaces cultivées en France, est sans doute l'une des plus délicates, alors que le revenu moyen des agriculteurs de montagne est de 35% inférieur au revenu moyen des autres agriculteurs. Les annonces du président de la République, la semaine dernière, associées aux décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC (politique agricole commune) apporteront une bouffée d'oxygène. A compter du 1er janvier 2010, 1,4 milliard d'euros, soit 18% des aides de la PAC, seront ainsi réorientées en faveur de l'élevage herbager, des ovins et des productions laitières de montagne. Mais le véritable enjeu est celui de la nouvelle PAC, après 2013. "L'avenir de l'agriculture française se joue en Europe : soit on gagne le débat et on sauvera l'agriculture française, soit on le perd et l'agriculture française sera en grande difficulté", prévient le ministère de l'Agriculture, alors qu'un premier rapport de la Commission européenne se montre "extrêmement défavorable" à l'agriculture française. Les crédits annuels de la PAC passeraient de 55 à 40 milliards d'euros dans la prochaine programmation. Ce qui reviendrait à "renationaliser" la PAC. Mais ce n'est pas tout. Bruxelles prévoit de réviser la carte des zones agricoles défavorisées et d'en exclure les zones de piémonts à partir de 2014. Le coup serait rude pour les petits exploitants, notamment dans le Gers, la partie occidentale du Massif central, la Haute-Saône, une partie du Doubs, des Vosges et du Jura. L'avenir des territoires de montagne se jouera aussi dans le débat autour de l'avenir de la politique de cohésion, alors que là encore, les travaux de la Commission européenne s'orientent plutôt vers une réduction des crédits consacrés aux régions françaises.
Le CNM se réunira le 24 novembre pour élire son président et installer les différents groupes de travail. Une première réunion plénière est prévue à l'automne 2010 pour examiner l'ensemble de ses conclusions.
Michel Tendil