Formation des jeunes à la citoyenneté : des "défis de taille" pour la prochaine mandature
Dans un rapport d’évaluation publié le 8 mars 2022, deux députés dressent un bilan mitigé des politiques dédiées à la formation citoyenne des jeunes. S’ils soulignent le grand succès du service civique, ils invitent à renforcer la formation civique des volontaires. Les conseils de jeunes des collectivités sont jugés plutôt sévèrement, de même que l’enseignement moral et civique dont la place serait encore "marginale" à l’école. Les rapporteurs recommandent à l’État de réaffirmer son pilotage et son contrôle sur l’ensemble des dispositifs de formation à la citoyenneté. La généralisation du service national universel nécessitera selon eux de "relever des défis de taille".
Les politiques publiques de formation à la citoyenneté doivent être recentrées par un pilotage étatique plus affirmé et autour d’un volet civique renforcé. C’est la conclusion des députés Marianne Dubois (LR, Loiret) et David Corceiro (Modem, Val d’Oise) qui ont présenté le 8 mars 2022 leur rapport sur les politiques publiques en faveur de la citoyenneté dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.
S’appuyant notamment sur la récente enquête de la Cour des comptes sur "La formation à la citoyenneté", les deux députés ont dressé un bilan plus que "mitigé" des dispositifs dispensés en direction des jeunes. A l’école, la place de l’enseignement moral et civique (EMC) est "perçue tant par les élèves que par les enseignants comme marginale" et celle de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) est "encore plus résiduelle", rapporte David Corceiro. "La situation est d’autant plus préoccupante que l’EMC voire certains principes fondamentaux de la République comme la laïcité se trouvent contestés dans de nombreux établissements par les élèves, les parents et certains enseignants", ajoute-t-il. Quant aux instances de démocratie scolaire, elles "fonctionnent mal et les élèves s’y sentent souvent marginalisés, peu écoutés".
Une formation civique intensive favorise l’autonomie et l’insertion professionnelle
En dehors de l’école, les dispositifs de volontariat formant à la citoyenneté constituent "une offre multiple mais confuse", selon le rapport. Le service civique est "un véritable succès" avec près de 150.000 jeunes volontaires concernés et une ambition présidentielle d’atteindre 200.000 jeunes en 2022 puis 250.000, des jeunes satisfaits à plus de 90%, un "impact très net sur l’activité des volontaires" après leur service civique et une "part des volontaires sans diplôme et de volontaires issus des QPV [quartiers prioritaires de la politique de la ville] sensiblement supérieure à la moyenne nationale", soulignent les rapporteurs. "En revanche, l’impact est plus limité sur l’engagement ultérieur", nuance Marianne Dubois, le rapport invitant à renforcer la formation civique des volontaires qui serait actuellement "trop floue".
La forte "composante civique" serait en effet une clé de réussite importante pour trois dispositifs "d’inspiration militaire" à vocation d’insertion qui concernent aujourd’hui peu de jeunes, mais des jeunes "en très grande difficulté" : le service militaire adapté (SMA, 6.000 jeunes ultramarins), le service militaire volontaire (SMV, 1.000 jeunes en métropole) et l’Établissement public pour l’insertion dans l’emploi (Epide, 3.000 jeunes). Avec des "taux d’insertion élevés", ces dispositifs "font la démonstration qu’une formation civique intensive et l’éducation à la citoyenneté peuvent favoriser l’autonomie et l’insertion professionnelle", met en avant la députée du Loiret.
Concernant le "nouveau venu", le service national universel (SNU) "comble un manque" mais sa généralisation "impliquera de relever des défis de taille", dont une révision constitutionnelle – puisque le caractère obligatoire implique une restriction de liberté pour les mineurs – mais également le fait de s’adresser "à un public différent de celui des expérimentations", alerte David Corceiro. Les 2.000 jeunes volontaires du SNU en 2019 et les 15.000 jeunes en 2021 présentaient en effet des caractéristiques spécifiques, dont une surreprésentation de milieux favorisés et de liens familiaux avec les armées.
Un "bilan en demi-teinte" pour les conseils de jeunes des collectivités
Inscrits dans la loi Égalité et citoyenneté de 2017, les conseils de jeunes portés par les collectivités font eux aussi l’objet d’un "bilan en demi-teinte". Ces conseils ont été installés par 75% des régions, 65% des départements et 26% des communes et avec l’objectif, pour la moitié des collectivités concernées, d’"initier les jeunes à la vie citoyenne". Le rapport souligne la "forte homogénéité des profils" des jeunes conseillers et la "marge de manœuvre limitée" de ces derniers "qui redoutent l’instrumentalisation". Les rapporteurs demandent la création d’une base de données recensant les conseils de jeunes et décrivant leurs modes de fonctionnement, se disant "surpris d’apprendre que les seules données disponibles concernant les conseils de jeunes [sont] détenues par l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej)". L’Anacej est un réseau de quelque 500 collectivités et de 16 fédérations et associations de jeunesse et d’éducation populaire.
"Il apparaît que le problème réside moins dans l’engagement des jeunes que dans leur défiance à l’égard des institutions et leur adhésion toute relative au concept de communauté nationale", analyse Marianne Dubois. C’est pourquoi les rapporteurs appellent à affirmer les valeurs de la République "comme fil conducteur de la formation à la citoyenneté", à renforcer l’EMC à l’école, à "désigner un chef de file" - qui serait éventuellement une "mission interministérielle" impliquant les ministères de l’Éducation nationale, de l’Intérieur et des Armées. L’État pilote devra ainsi "clarifier les outils d’information", coordonner les nombreux acteurs et financements, définir des indicateurs et davantage contrôler les acteurs non étatiques.