Rôle de l’élu local, engagement citoyen : d’abord une demande de pragmatisme et de responsabilité
Si, en matière de démocratie participative, les termes de "coopération" et de "coconstruction" sont à la mode, les citoyens attendent principalement de leurs élus locaux qu’ils soient à l’écoute et au service des habitants. Ils se disent prêts à s’investir si cela leur permet de répondre à leurs propres besoins. Certes, une "minorité active" aspire à s’impliquer de façon plus suivie aux côtés des collectivités et d’autres acteurs territoriaux. Ces résultats sont issus d’une enquête quantitative menée auprès de 6.000 Français par le Crédoc pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires, dont certains ont été présentés lors d’un webinaire le 8 février 2022. En matière de transition écologique, les attentes sont fortes vis-à-vis des collectivités, appelées à agir surtout en direction des entreprises.
Comment les Français perçoivent-ils le rôle de l’élu local et de la collectivité territoriale et comment envisagent-ils leur propre engagement citoyen ? Ces questions sont au cœur d’une enquête quantitative réalisée par le Crédoc pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui sera prochainement publiée. Dévoilées le 8 février à l’occasion d’un webinaire du cycle "Regards sur les territoires" organisé par l’ANCT (voir aussi notre article du 7 février 2022), des résultats issus de cette étude apportent des repères utiles sur ces perceptions des citoyens. Qualifiée de "conséquente", l’enquête menée par le Crédoc a consisté à interroger deux panels de 3.000 Français entre fin 2020 et septembre 2021.
Un élu à l’écoute et au service de ses administrés : les attentes classiques dominent
Alors que nombre d’élus s’interrogent aujourd’hui sur la façon d’améliorer les relations avec leurs administrés et sur l’opportunité de lancer telle ou telle démarche de participation citoyenne, l’enquête pose un diagnostic clair : la majorité des Français ont une approche pragmatique et des attentes simples, "classiques", vis-à-vis de leurs élus locaux et des collectivités territoriales. "72% considèrent qu’un élu local doit avant tout se mettre au service de ses administrés", a mis en avant Jörg Müller, chercheur au Crédoc. Pour huit Français interrogés sur dix, la vocation de l’élu et de la collectivité locale est d’"améliorer le quotidien de nos concitoyens", poursuit-il. Et, pour cela, la mission principale des élus locaux est d’"être à l’écoute", de "prendre en considération les besoins et les demandes de la population".
Une minorité (20%) estime que l’élu doit "porter une vision d’avenir et essayer de mobiliser le plus possible d’habitants et d’acteurs (entreprises, associations, etc.) autour de cette vision". Cette minorité est davantage composée de jeunes, de personnes déjà engagées – au sein d’une association par exemple – et de "personnes qui sont très confiantes dans les institutions", détaille le chercheur. Cette idée de "l’élu visionnaire qui porte un projet et qui emmène son territoire" est donc celle d’une petite partie de Français, pendant qu’une nette majorité estime que "le rôle d’un élu, c’est la gestion quotidienne des administrés", synthétise Emmanuel Dupont, conseiller-expert Transformation publique et territoires à l’ANCT.
Pour 60% des Français, "la transition écologique constitue l’enjeu principal"
Cette approche pragmatique se retrouve sur la manière dont les Français se disent prêts à s’engager eux-mêmes. "S’il conçoit sa propre participation, l’habitant la conçoit à travers ce prisme de consommation, d’individualité, de minimisation des contraintes annexes jugées complexes et il va se limiter à ce qui est possible pour lui de faire facilement", poursuit Jörg Müller. En d’autres termes et sans surprise, les Français dans leur majorité se déclarent prêts à s’engager si cela leur permet de répondre à leurs besoins et de réaliser des ambitions personnelles (trouver un emploi, par exemple).
Fortement sensibilisés à l’environnement, "60% des Français estiment que la transition écologique constitue l’enjeu principal pour les collectivités territoriales dans les années à venir", détaille ensuite le chercheur du Crédoc. Les collectivités en font-elles assez en la matière ? Les répondants sont partagés, 42% estimant que l’action des collectivités est insuffisante, 48% déclarant à l’inverse que les collectivités s’investissent suffisamment sur ce sujet – une minorité de 8%, qualifiée de globalement "réfractaire à l’action publique", jugeant que les collectivités en font "trop".
Sur le type de réponses à apporter concernant l’environnement et la transition écologique, les répondants démontrent encore une fois leur "grand pragmatisme", selon Jörg Müller. Ils demandent majoritairement que l’action de la collectivité se porte sur les "grands chantiers", tels que la lutte contre les rejets polluants émis par l’industrie et les acteurs économiques en général. Dans un deuxième temps, un travail sur la consommation des individus – réduction des déchets, recyclage – est jugé souhaitable. Des mesures considérées comme plus contraignantes pour les individus – comme la réduction du trafic automobile en centre-ville et des places de stationnement – sont classées en dernière position. Pour cette majorité, c’est l’idée de "responsabilité" – des élus, des entreprises, des individus – qui domine.
Une minorité plus active en attente de projets coopératifs
Une "minorité mais qui a quand même un poids important dans les territoires" valorise de son côté des "modes d’engagement collectifs", qui passent par "le faire, le travail, le projet collectif", ajoute Emmanuel Dupont. Cette "minorité très active" constitue un potentiel d’appui pour les élus locaux, selon Jörg Müller, qui précise que "la relation entre administrés et personnel politique n’est plus pensé comme un lien exclusif". Ainsi, interrogés sur les acteurs qui devraient contribuer à la transition écologique sur les territoires, ces citoyens engagés "citent à proportions égales l’État, les collectivités, les entreprises, les associations, les autres citoyens".
Pour Emmanuel Dupont, ces deux types d’attentes – l’une majoritaire, l’autre minoritaire – renvoient à "deux approches de la participation". Sur le terrain de la concertation, la première vise plutôt pour la collectivité à "recueillir l’opinion" pour "améliorer la décision", "fluidifier" l’action publique locale. Destinée à répondre aux "attentes plus fortes" d’une minorité, la deuxième approche consiste à ouvrir des espaces de "coopération", de "co-production" avec des habitants et des collectifs.
"L’engagement citoyen, c’est pour l’ANCT un levier de développement des territoires", d’où "un souci d’équipement des collectivités en ingénierie" en la matière, avait rappelé Emmanuel Dupont en préambule. La démarche "Territoires d’engagement" consiste ainsi, selon Matthieu Angotti, conseiller expert à l’ANCT, à "accompagner les collectivités pour qu’elles créent les conditions de cette coopération avec les citoyens".