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Ces "petits riens" qui peuvent revigorer la démocratie locale

Si les habitants sont impliqués dans de petits projets locaux, ils reviendront plus facilement aux urnes, voire seront peut-être un jour candidats sur une liste municipale. C'est le pari que lancent deux sénateurs, dont Françoise Gatel, à l'origine d'un rapport au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. L'enjeu : insuffler "une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires". Leur credo : la "démocratie implicative".

Journée citoyenne, cérémonie d'accueil des nouveaux habitants, déambulations citoyennes, régies de quartier… la démocratie locale "s'ouvre à de nouvelles formes" qui contribuent à la "tonifier", estiment la sénatrice Françoise Gatel (UC) et son collègue Jean-Michel Houllegatte (Soc), dans un rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qu'ils ont présenté à la presse ce 24 février.

À l'instar de nombre de leurs collègues parlementaires au cours de ces derniers mois, les deux élus ont cherché des remèdes au "désintérêt croissant pour la vie publique" et des moyens pour "retisser le lien entre les Français et leurs représentants élus au niveau local".

Prenant le parti d'identifier des "bonnes pratiques" locales, les sénateurs se sont particulièrement intéressés à ce qu'ils appellent la "démocratie implicative". Un terme un peu savant qui désigne "cette démocratie du quotidien que beaucoup d'élus pratiquent sans véritablement la nommer", dans le but de "rechercher l'implication des citoyens sur des projets très locaux", selon Jean-Michel Houllegatte.

"Jardinons citoyen"

Ces dernières années, elle a essaimé avec, par exemple, la formule de la journée citoyenne qui, après avoir été testée à Berrwiller (Haut-Rhin), séduit à présent quelque 1.000 communes. Le concept : chaque année, durant une journée, les habitants de la commune ou du quartier se mobilisent bénévolement pour réaliser ensemble des projets qu’ils ont eux-mêmes proposés (voir notre article du juin dernier). À Châteaugiron (Ille-et-Vilaine), l'initiative "Jardinons citoyen" est née de la volonté des habitants d'un quartier de participer au choix de l'aménagement végétal et à l'entretien de leurs rues. "Ils se sont constitués en collectif participatif et tous les mois, ils consacrent une matinée, tous ensemble, au désherbage et au fleurissement", conjointement avec les agents des espaces verts, témoigne Françoise Gatel, qui a été maire de la ville jusqu'en 2017.

En outre, la politique de la ville a été un "laboratoire" de la démocratie implicative. C'est dans ce cadre par exemple qu'ont lieu les déambulations citoyennes : élus et habitants arpentent les rues d'un quartier afin de dresser un diagnostic de terrain des éventuelles modifications ou des projets à réaliser. Pour leur part, les régies de quartier impliquent les habitants dans l’amélioration de leur cadre de vie, en proposant notamment des activités de lien social (jardins et laveries solidaires, cafés ou restaurants associatifs), ainsi que des services (petits travaux de jardinage, bricolage…).

Les initiatives telles que celle de l'association Voisins solidaires qui vise à "renforcer les liens sociaux de proximité" appartiennent aussi selon les auteurs à cette démocratie faite de "petits rien", mais qui ont un "effet d'entraînement" et, en bout de course, "des effets assez colossaux". À Châteaugiron, des habitants qui participaient à l'entretien de leur rue ont eu ainsi envie de tenir le bureau de vote au moment des élections, relate Françoise Gatel.

Assesseurs tirés au sort

Cette démocratie implicative "ne peut pas être modélisée". Il appartient aux territoires de mettre en place leurs propres initiatives en fonction de leurs caractéristiques et des besoins de leurs populations. Pour autant, les auteurs avancent quelques pistes visant à l'encourager. Telle que l'idée de tirer au sort sur les listes électorales une partie des assesseurs appelés à tenir le bureau de vote le jour d'un scrutin.  Ou encore l'extension aux acteurs de la "démocratie implicative" du compte engagement citoyen – un module de Moncompteformation – qui ouvre droit à des formations.

On notera que les acteurs de la démocratie participative bénéficieraient de la même possibilité. Les auteurs considèrent en effet celle-ci comme indispensable. Mais cette autre forme de démocratie locale présente "certaines limites", selon eux. Les instances de consultation (conseils de quartier, conseils citoyens…) sont à la merci de "meneurs d'opinion" qui ne comprennent pas toujours que "la décision ne leur appartient pas" à la fin, pointent-ils. Cette forme de démocratie doit être "organisée avec rigueur", selon eux. Ils préconisent donc que les élus locaux et les conseillers citoyens suivent des formations communes "autour des enjeux et des outils de la démocratie participative".

Lorsqu'ils recourent à la démocratie participative, les élus ne doivent pas craindre d'affirmer la légitimité qu'ils tiennent du suffrage universel direct, soulignent par ailleurs les sénateurs. La démocratie représentative demeure "la pierre angulaire de notre système", même si elle traverse "une période de crise" marquée notamment par le recul inédit de la participation enregistré aux élections locales de 2020 et 2021.

Vote par correspondance

Pour sortir de cette mauvaise passe, les sénateurs recommandent en premier lieu de prendre le chemin de la parité dans les assemblées et les exécutifs locaux. Sur ce plan, ils soutiennent la proposition de loi de la députée Élodie Jacquier-Laforge, que l'Assemblée nationale a adoptée début février en première lecture. Par ailleurs, afin de faciliter la participation électorale, les sénateurs se disent favorables à une expérimentation du vote par correspondance lors des prochaines élections locales, ainsi qu'au maintien de la possibilité pour un même mandataire de recueillir deux procurations. Pour mémoire, le gouvernent s'est montré opposé à ces deux pistes chères à la Haute Assemblée.

Enfin, pour encourager l'engagement des élus dans un contexte de montée des incivilités à leur égard, les sénateurs proposent notamment de "rendre automatique" la protection fonctionnelle des élus locaux.