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Fonds européens : vers plus de fluidité dans le secteur de l'eau

Mis sur la table dans le cadre des Assises de l'eau, l'enjeu d'une meilleure utilisation des aides européennes au bénéfice des réseaux d'eau et assainissement a des racines profondes et des connexions avec les stratégies régionales. Sophie Auconie, députée UDI d'Indre-et-Loire, coprésidente du Cercle français de l'eau et ancienne eurodéputée, éclaire Localtis sur les derniers avancements et les progrès attendus.

Dans le cadre des Assises de l'eau, la consultation avec les élus locaux pour faire remonter des solutions en vue de moderniser les réseaux d'eau et assainissement vient de se terminer fin mai (lire notre article ci-dessous). Place à la plongée tout au long du mois de juin, via un groupe de travail dédié, dans la jungle des montages financiers possibles pour accélérer ces remplacements et rénovations sans lesquels le maintien de la qualité du service public risque de ne plus être au rendez-vous. Ce n'est pas faute d'alerter : le déficit d'investissement dans les réseaux liés aux petit et grand cycles de l'eau est régulièrement pointé du doigt par les acteurs du secteur. En milieu rural, ce manque de moyens a déjà contribué à dégrader la qualité de l'eau potable. Dans ce cadre, un nouvel outil est en préparation, un contrat de projets porté par l'État, les professionnels et les collectivités pour aider celles qui sont les plus désarmées face à cet enjeu de gestion patrimoniale.

Flécher vers les bons tuyaux

Autre piste à explorer : un meilleur fléchage des fonds européens structurels d'investissement. Le fonds européen de développement régional (Feder) et, dans une moindre mesure, le fonds de cohésion (FC), dont la France n'est pas bénéficiaire, constituent la principale source de financement en faveur des infrastructures hydriques. "C'est une source à optimiser qui n'est en soi pas nouvelle mais presque, à tel point elle est sous-utilisée !", tacle Sophie Auconie. Députée UDI d'Indre-et-Loire et coprésidente du Cercle français de l'eau, cette ancienne eurodéputée a bataillé à l'époque au Parlement européen pour rendre éligibles plus d'équipements hydriques aux subventions des fonds communautaires. Un intergroupe Eau très actif a su alors mobiliser et faire bouger les lignes en 2013 : "Le PIB par habitant régional restant le principal critère pour l'attribution des fonds, les États membres qui en recevaient pour ces équipements se limitaient aux pays de l'Europe centrale et orientale (Peco). Auparavant ni la France ni les pays d'Europe du nord n'étaient éligibles à ces financements", resitue-elle.

Plus d'équilibre entre les pays

Depuis en profitent-ils mieux ? Les choses progressent lentement : selon un récent audit de la Cour des comptes européenne, les dépenses relevant du Feder et du FC pour améliorer les infrastructures hydriques dans les 28 pays membres de l'UE s'élèvent à 4,7 milliards d'euros. Les trois quarts sont affectés aux États membres de l'UE-13, soit majoritairement aux Peco dont, en tête, la Roumanie. Par rapport à la précédente période, les aides distinguent la fourniture d'eau destinée à la consommation humaine (infrastructure d'extraction, de traitement, de stockage et de distribution - code 020) et la gestion de l'eau et conservation de l'eau potable (y compris la gestion du bassin hydrographique, l'approvisionnement en eau, les mesures spécifiques d'adaptation au changement climatique, les systèmes de mesure par région et par consommateur, les systèmes de tarification et la réduction des fuites - code 021).
Quant aux États membres de l'UE-15, ils se partagent environ 1,4 milliard d'euros d'aides. "Même s'il est difficile d'obtenir des chiffres fiables la faible demande française très certainement perdure. Ce n'est pas un mythe : des centaines de millions d'euros non consommés repartent à Bruxelles alors qu'ils pourraient épauler de lourds projets de renouvellement des réseaux", déplore Sophie Auconie.

Ouvrir de nouvelles vannes

Cette manne commence à intéresser les agences de l'eau. Hors appel à projets ponctuel, ces établissements financent peu le renouvellement. L'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse semble la plus avancée dans la réflexion. Mais il revient surtout aux Régions d'oser flécher ces fonds vers cet enjeu et plus seulement vers la recherche, l'innovation, le haut débit ou la transition énergétique. "Et ce, même si c'est moins sexy !", insiste Sophie Auconie. Pour "libérer ces financements" et rééquilibrer la balance, elle appelle à revoir à mi-parcours les maquettes Feder (répartition de l'enveloppe) dans l'ensemble des régions françaises : "Elles font à tort le lien entre les compétences dont elles ont la charge et le rôle qui leur a été confié de gestionnaire de ces fonds qui peut s'exercer ex-nihilo."

La spécificité ultramarine

Engagé en Guyane, où la collectivité territoriale unique (CTG) gère ces fonds, cet exercice de réexamen à mi-parcours s'avère salutaire. Son dernier comité de suivi fait état d'un bon avancement des actions d'amélioration de l'assainissement financées par le Feder. La Guadeloupe et Saint-Martin en ont aussi fait l'un des axes prioritaires de leur programme opérationnel Feder-FSE 2014-2020. Un tiers des crédits Feder sont ainsi orientés vers la remise à niveau des installations d'assainissement. Même constat à la Réunion où, sous la précédente programmation, près de 100 millions d'euros Feder ont été alloués à des projets de gestion et de traitement de l'eau.

Le Cese saisi du sujet

En métropole, la faible demande de la part des collectivités quant aux fonds de l'UE interroge des experts auditionnés au Conseil économique, social et environnemental. A la demande du Premier ministre, le Cese planche sur la réforme de ces fonds structurels et rendra son avis à la mi-juin en vue des négociations européennes (voir notre série d'articles consacrés dans Localtis au budget post-2020) et des conférences nationales des territoires à venir.
Hugo Bevort, directeur des stratégies territoriales au Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), autorité nationale de coordination des fonds européens en France, reconnaît que les conditions n'étaient pas au beau fixe au début de la période et que le nouveau contexte territorial et la fusion des régions ont compliqué la donne. "Mais le niveau de programmation est aujourd'hui satisfaisant", tempère-t-il. Ciblage des besoins nouveaux, simplification dans l'accompagnement des porteurs de projet et fertilisations croisées entre ces financements européens et d'autres : les solutions qui remontent à la surface ne manquent pas. Reste à les transformer sans tarder en actions.