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Budget post-2020 : Gunther Oettinger met Paris face à son double discours

Alors que la Commission dévoile le détail de ses propositions pour la PAC et la politique de cohésion après 2020, ce mardi, le commissaire européen au budget a mis la France devant ses contradictions, lors de son audition au Sénat, le 24 mai : défense des crédits de la PAC et de la cohésion à Paris, refus d'augmenter le budget européen à Bruxelles.

Ce mardi 29 mai, la Commission dévoile dans le détail les programmes de la politique agricole commune (PAC) et de la politique de cohésion pour la période 2021-2027, presque un mois après avoir présenté les lignes générales de sa proposition de cadre financier pluriannuel (CFP). Les autres programmes seront dévoilés par paquets jusqu’au 14 juin. "Nous avons tout fait pour trouver un équilibre", mais "tout le monde est déçu", a déclaré le commissaire au budget et aux ressources humaines, l’Allemand Günther Oettinger, devant les commissions des affaires européennes et des finances du Sénat, le 24 mai. "Je suis au cœur de toutes ces déceptions. Mais je me sens à l’aise", a-t-il ajouté, rappelant le triple défi devant lequel la Commission se trouvait confrontée : l’interdiction pour l’Union européenne de s'endetter, le manque induit par le Brexit (estimé entre 12 et 14 milliards d’euros par an) et le financement de nouvelles priorités (défense, migrations, sécurité…).

Double discours

Dans la bataille qui se joue, le commissaire a profité de son passage devant la Haute Assemblée pour mettre les autorités françaises devant leurs propres contradictions. Officiellement, les ministres de la Cohésion des territoires et de l’Agriculture ont regretté la baisse des budgets de ces deux politiques phares de l’Union. Mais lors des dernières réunions de négociations, "la position française a toujours été de réduire" le budget. "Le représentant de la France au sein du Conseil a été le plus sévère concernant le cadre financier pluriannuel (…) Je n’ai jamais entendu de proposition de la France d’augmenter les contributions (nationales)", a-t-il dit. Alors que dans sa proposition, la Commission affiche un budget correspondant à 1,114% du RNB de l’Union européenne (là où le Parlement proposait d’aller jusqu’à 1,3%), de nombreux pays défendent un budget plafonné à 1% du RNB. "Je me confronte à Vienne, à Stockholm, à La Haye et à Helsinki à une opposition extrêmement farouche", a indiqué le commissaire, sachant que l’Autriche prendra la présidence tournante de l’UE à compter de juillet. 
Günther Oettinger s’est par ailleurs défendu de "coupes massives" dans la politique de cohésion qui, selon lui, en valeur nominale, ne devrait pas diminuer puisque le départ du Royaume-Uni fait qu’il y aura moins de régions à financer. Sur ce point, le programme qui sera présenté ce mardi permettra d’y voir plus clair, car depuis la présentation du CFP le 2 mai toutes les interprétations vont bon train. Sans remettre en cause les difficultés de certaines régions françaises, le commissaire a invité à regarder du côté de la Bulgarie, de la Croatie et de la Roumanie, où se trouvent "les plus gros besoins d’aide". Concernant la PAC, le commissaire a redit que les versements aux "grandes usines industrielles" seraient plafonnés afin de favoriser les PME.
"On ne peut pas accepter un double discours (…) c’est excessivement choquant. Merci d’avoir eu l’honnêteté intellectuelle d’avoir dit les choses aussi clairement", a réagi le président de la Commission des affaires européennes, Jean Bizet. "Ce n’est pas tout à fait nouveau, c’est toujours aussi décevant et dévastateur à quelques mois des élections européennes."

Sanctions américaines : "N'attendez pas trop de Bruxelles"

Ce débat budgétaire est aussi un test de vérité pour l’Europe. Car l’une des pistes envisagées pour augmenter les ressources propres de l’UE est d’instaurer une taxe sur le numérique, qui toucherait au premier chef les Gafa. Dans le contexte actuel, le commissaire a affiché son scepticisme, d'autant que toute nouvelle mesure fiscale requiert l’unanimité. "Je ne suis pas sûr que cette taxe soit véritablement créée. Cela dépend fortement de la question de savoir à quel point nous serons courageux pour mener une escalade des relations commerciales avec les Etats-Unis", a-t-il dit, alors que ces derniers s’apprêtent à imposer à l’UE des droits de douane sur l’acier, l’aluminium et les véhicules. Il a aussi été question des sanctions extraterritoriales que les Etats-Unis pourraient imposer aux entreprises européennes investissant en Iran. Prenant l’exemple de Total qui a récemment renoncé à ses investissements dans ce pays, le commissaire a indiqué que pour 99% des entreprises européennes, le marché américain prévalait sur le marché iranien. Quant à la possibilité pour l’UE de compenser ou dédommager les éventuelles sanctions américaines, "n’attendez pas trop de Bruxelles parce que nos moyens sont limités", a répondu le commissaire. Il semble que la Commission ait plus de volonté pour sanctionner, en son sein, les pays qui ne respecteraient pas les "valeurs de l'Etat de droit".

 

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