Budget post-2020 : le développement rural sur la sellette
Depuis la présentation de la proposition de budget 2021-2027, le 2 mai dernier, la ruralité voit rouge. La Commission envisage en effet une coupe de 5% dans le budget de la politique agricole commune, une situation inédite pour cette politique historique de l’Union européenne qui occupe encore 37% du budget total à ce jour. Tous les sept ans, la préparation donne lieu à un bras de fer au sein de l’Union européenne. Mais cette fois, "l’annonce a pris de court la plupart des Etats membres", assure François Decoster, maire de Saint-Omer (Pas-de-Calais) et membre du Comité des régions. Or cette baisse devrait tout particulièrement affecter le "second pilier" de la PAC, c’est-à-dire les crédits dévolus au développement rural via le fonds Feader. Ces derniers pourraient fondre de 27% estime Jacques Blanc, maire de La Canourgue (Lozère) et ancien président du Comité des régions, alors que la Commission envisage d’augmenter les contributions des Etats en compensation. Cette baisse s’ajouterait à celle de plus de 10% des crédits de la politique de cohésion, d’après les calculs du Comité des régions qui tenait une session plénière mercredi et jeudi, largement consacrée à la proposition de cadre financier pluriannuel de Bruxelles.
"Hyperconcentrations urbaines"
Le Comité n’a pas la même lecture de ce budget que la Commission et préfère parler en euros constants. Pour nombre d’élus, la Commission envoie un mauvais signal en direction des territoires. "A côté de la cohésion économique et sociale, la cohésion territoriale est entrée dans le traité de Lisbonne, c’est un élément majeur et pas du tout archaïque", clame Jacques Blanc, par ailleurs président du GAL (groupe d’action locale) Gévaudan-Lozère. Selon lui il s’agit d’un débat de société : il faut corriger les politiques qui amènent à des "hyperconcentrations urbaines inhumaines".
Ces orientations arrivent après une programmation 2014-2020 particulièrement délicate pour les bénéficiaires français, au premier rang desquels les porteurs de projets du programme de développement rural Leader (les GAL) qui ont fait les frais d’un imbroglio administratif entre l’Etat (Agence des services de paiement) et les régions, nouvelles autorités de gestion. Ils n’ont vu leurs crédits arriver qu’avec trois ans de retard... L’association qui les représente, Leader France s’est d’ailleurs associée à l’Association des maires ruraux de France, (AMRF), le 15 mai pour demander au "gouvernement français de peser pour que les précisions dans la répartition des financements par programmes et par Etats membres, fin mai, viennent infirmer les projets de décisions (de la Commission)". Elles lui demandent aussi de "s’engager officiellement" en faveur d’un "Agenda rural européen accompagné de la mise en place d’un interfonds spécifique".
"Nous rappelons notre attachement à une PAC équilibrée sur ces deux piliers : le soutien aux marchés et le développement rural", font valoir les deux associations. Les ruralités représentent "plus de la moitié du territoire de l'Union Européenne et près d'un tiers de sa population en France", rappellent-elles, et elles sont confrontés à de nombreux enjeux tels que "diversification des économies rurales, énergies, accès aux soins, équipements numériques, services à la population..."
Maintien du programme Leader
Maigre motif de satisfaction : les deux associations se félicitent que le commissaire à l’agriculture, Phil Hogan, se soit engagé au maintien du programme de développement rural Leader "avec une enveloppe minimum de 5% du Feader".
Pour Alain Cadec, président de la commission de la pêche du Parlement européen, la PAC "n’est pas le seul fonds à subir ces coupes budgétaires". "Le fonds européen des affaires maritimes et de la pêche (Feamp) serait lui-même amputé de près de 300 millions d’euros sur la période 2021-2027. Il était pourtant plus cohérent de garder le même budget et d’en modifier la structure pour rendre le fonds plus efficace", dénonce-t-il, dans un communiqué du 22 mai.