Financement des réseaux numériques : Infranum et l'Avicca veulent un "good deal"
Infranum et l'Avicca ont saisi la perche tendue par le gouvernement la semaine dernière sur "l'accord global" visant l'achèvement de la couverture THD du territoire. Les deux associations appellent de leurs vœux une loi ambitieuse et des financements stables.
De l’audition du ministre des Télécommunications la semaine dernière au Sénat, l’Avicca et Infranum auront surtout retenu l’adjectif "global", employé par Jean-Noël Barrot pour qualifier l’accord que Bercy souhaite négocier avec les opérateurs sur l’achèvement de la couverture fixe et mobile (notre article 8 mars 2023). Car comme l'a expliqué le sénateur et président de l’Avicca, Patrick Chaize, "on ne peut plus prendre les problèmes un par un, toutes les briques sont en interaction les unes avec les autres". En d'autres termes, le très haut débit pour tous en 2025 comme le décommissionnement du réseau cuivre d’Orange doivent passer par une approche "systémique" alliant objectifs et moyens. Concrètement, les deux associations appellent à prendre à bras le corps les enjeux d’égalité, de pérennité et de solidarité que soulèvent ces deux dossiers. "Un projet cohérent, ambitieux et autofinancé", a insisté Philippe Legrand, président d’Infranum.
Clarifications sur l’Ifer
Pour atteindre le 100% fibre, les deux associations réitèrent leur souhait de mise en place d’un fonds, sur le modèle de ce qui existe pour les réseaux électriques. Celui-ci aurait besoin de "plusieurs centaines de millions d’euros" pour parachever la couverture des réseaux d’initiative publique (RIP) et financer les raccordements complexes, une estimation plus précise étant promise pour mai prochain. Pour l’abonder, les deux associations valident la piste de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer) évoquée par le gouvernement. Ils ont cependant tenu à "clarifier" un message du ministre qui aurait été selon eux "mal compris". L’idée serait que seul le surplus de recettes que va générer l’Ifer sur les infrastructures fixes – il devrait passer de 400 millions à 1 milliard d’euros – serve à alimenter ce fonds tout en compensant la baisse attendue de l’Ifer mobile. Il leur restera malgré tout à convaincre les grandes associations d’élus, ces dernières s’étant opposées avec une grande constance aux propositions de réforme de l’Ifer poussées ces dernières années par le sénateur de l’Ain. "Cette piste n’est pas exclusive, à ce stade tout est ouvert. L’important est d’être d’accord sur les objectifs ensuite on trouvera un financement" veut croire le sénateur, ajoutant que l’enjeu de la couverture numérique fait l’objet d’un "consensus transpartisan". Parmi les autres recettes possibles, figure notamment la taxation des fournisseurs de contenus, option poussée par les opérateurs au niveau européen.
Alignement des planètes
La création d’une structure nationale est ensuite proposée pour garantir la pérennité des réseaux. Il s’agirait, entre autres, de réaliser l’enfouissement des lignes pour les protéger des aléas climatiques et de renforcer la résilience des infrastructures face aux risques de détérioration. L’intervention de la Banque des Territoires, appuyée d’autres investisseurs publics et privés, est évoquée pour porter ce deuxième enjeu. L’égalité dans l’accès aux réseaux pourrait enfin être garantie par une tarification géographique différenciée sur le marché de gros (celui des opérateurs), pour tenir compte des surcoûts de maintenance des RIP en zone rurale. Toutes ces propositions ont un petit air de déjà vu, elles figuraient largement dans les propositions des deux associations aux présidentiables en 2022. La nouveauté serait cependant selon les présidents de l’Avicca et d’Infranum "un alignement des planètes".
Une grande loi du numérique en 2023 ?
"Nous n’avons pas eu de grande loi du numérique depuis 2016", a lancé Philippe Legrand à l’adresse de Jean-Noël Barrot. Et les premiers contacts pris auprès de l’Elysée ou du cabinet du ministre des Télécommunications seraient "positifs". Concrètement, ce projet de loi pourrait traiter de tous les dossiers en instance tels que la mise en œuvre du service universel des télécommunications ; l’obligation de raccordement à la fibre des logements neufs ; l’aide au raccordement des particuliers sur la partie privative ; l’appui à la transformation numérique des entreprises ou encore la couverture des surplus d’exploitation que vont connaître les RIP. Et si l’appel du pied au ministre des deux associations n’est pas suivi d’effet, le sénateur de l’Ain se dit prêt à prendre le relais. Du reste sa proposition de loi sur les réseaux, toujours en attente d’une fenêtre législative au palais du Luxembourg, pourrait en constituer le véhicule législatif.