Fibre : le Sénat dénonce un Far West sans shérif

La commission du développement économique du Sénat a relayé les inquiétudes et agacements des élus face à un régulateur soupçonné de rechigner à sanctionner les opérateurs. La présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, s’est attachée à montrer que ce n’était pas le cas et a promis des améliorations concrètes en 2023 sur le dossier de la fibre. 

Auditionnée par les sénateurs pour un bilan d’étape, la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, a été accueillie assez fraîchement par la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas. "Le contexte actuel n’est pas à l’apaisement mais plutôt à l’agacement, à l’inquiétude et parfois à l’offensive", a souligné la sénatrice, évoquant ces élus obligés de mettre des cadenas sur les armoires optiques, de prendre des arrêtés contraignants voire de porter plainte contre les opérateurs face à un "Far West sans shérif". Car que ce soit sur la fibre, le cuivre ou encore La Poste, le régulateur est accusé d’attentisme par les sénateurs, toutes tendances politiques confondues.

Qualité de la fibre : des améliorations visibles en 2023 ?

Sur la fibre, la présidente de l’Arcep a rappelé qu’elle avait fait de la qualité de la fibre "sa priorité" dès son arrivée à la tête de l’autorité voici deux ans. Elle a promis que les initiatives de ces derniers mois se traduiraient en "améliorations visibles en 2023" faisant valoir le caractère "très très récent" du déploiement de l’application. Celle-ci doit permettre de tracer les interventions sur les armoires optiques pour identifier les responsables des désordres. Elle a aussi invité à relativiser le problème, à peine 2% des équipements déployés sur le territoire présentant des défauts majeurs selon les estimations de ses services. Elle a enfin annoncé que Free venait de transmettre à l’Arcep son plan de reprise des équipements défectueux, comme l’ont fait XP fibre et Altitude Telecom en novembre 2022.

Zone Amii : opérateurs mis en demeure

Concernant la complétude des zones Amii et Amel, qui a notamment conduit Brive à saisir l’Autorité (notre article du 7 décembre 2022), la présidente a réitéré que "les engagements pris devaient être respectés". Orange comme XP fibre ont du reste fait l’objet d’une "mise en demeure" pour ne pas avoir respecté leurs obligations de couverture (article L33-13) dans plusieurs départements. La présidente de l’Arcep s’est dite "étonnée de l’étonnement" de Christel Heydemann, la directrice générale d’Orange, sur ce dossier. Cette dernière avait annoncé aux sénateurs en novembre son intention d’attaquer la mise en demeure de l’Arcep devant le Conseil d’État. Pour quel motif ? Orange considère que ses obligations étaient fondées sur un volume de lignes (et donc la population, à date) quand l’Autorité estime, comme les élus, qu’il s’agissait de couvrir la totalité des communes listées dans les engagements Amii. La présidente a affirmé qu’elle n’avait "aucun doute" sur cette lecture. Elle a aussi espéré que le nouveau plan stratégique de l’opérateur historique, annoncé pour février 2023, "rectifierait le tir" car "il n’est pas responsable de vouloir à la fois fermer le cuivre et ralentir les déploiements en zone Amii".

Cuivre : mieux associer les collectivités

Interpellée par plusieurs sénateurs sur la qualité de service du réseau cuivre, Laure de La Raudière a assuré que le régulateur y veillerait "jusqu’au bout", autrement dit 2030, date à laquelle le réseau cuivre doit disparaître. "Il n’y a aucun élément qui nous montre qu'Orange ne puisse pas respecter ses engagements de qualité de service", a-t-elle assurée. Concernant le décommissionnement du cuivre, elle a regretté "qu’Orange ne s’appuie pas davantage sur les propositions faites par les collectivités dans le choix des communes. Il paraît pourtant préférable de commencer par les communes où les élus sont les plus motivés". Sur le tarif du dégroupage – que beaucoup d’élus voudraient augmenter pour accélérer le passage à la fibre – la présidente s’est refusée à commenter un dossier faisant l’objet d’un contentieux avec Orange.

Timbre rouge : un choix d’optimisation

À propos de la disparition du timbre rouge (notre article du 4 janvier 2023), Laure de La Raudière a rappelé l’équation financière à laquelle l’opérateur postal doit faire face. Selon les calculs de l’Autorité, le service universel postal a coûté en 2021 1,6 milliard d’euros, compensés par l’État à hauteur de seulement 520 millions d’euros. "L’objectif recherché est bien une réduction des coûts du service universel", a-t-elle convenu. Elle a assuré que l’Autorité serait vigilante sur l’accompagnement des usagers promis par La Poste, notamment pour la mise en place de l’e-lettre semi-dématérialisée censée se substituer au courrier prioritaire.