Fin des "sorties sèches" de l’ASE : la loi Taquet "n’est toujours pas appliquée", pour le collectif Cause majeure
Les associations représentées dans ce collectif dénoncent la persistance d’inégalités territoriales dans la manière d’appliquer le droit à l’accompagnement dont bénéficient les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance. Départements de France demande de son côté une révision de la loi Taquet.
La loi sur la protection des enfants du 7 février 2022, dite loi Taquet, prévoit un droit à l’accompagnement, par les départements et l’État, des jeunes de 18 à 21 ans qui étaient auparavant pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) et qui se trouvent sans ressources ni soutien familial. "Deux ans après, la pleine effectivité de la loi n'est toujours pas au rendez-vous. Des difficultés demeurent pour de nombreux jeunes majeurs de la protection de l'enfance, encore victimes de sorties sèches et imposées", déplore le collectif associatif "Cause majeure !" dans un communiqué du 7 février 2024. Créé en 2019 à l’initiative de SOS Villages d’enfants, ce collectif rassemble 30 associations nationales, des collectifs et des personnalités qualifiées.
Sur la base d’une enquête sans "prétention scientifique", ayant obtenu 73 réponses de professionnels (éducateurs, chefs de service, directeurs d’établissement), le collectif identifie des "tendances", y compris "des progrès notables" dans la nature des accompagnements éducatifs proposés. "Les jeunes bénéficiant d'un contrat jeune majeur sont pour la grande majorité accompagnées par un éducateur référent", souligne-t-il. En outre, l’accompagnement est "pluriel (éducatif, financier, aide au logement)", même si "les accompagnements thérapeutiques ou administratifs restent bien en deçà des ambitions et des besoins".
"Pour le reste", la moitié des acteurs interrogés ne constatent pas d’augmentation du nombre de contrats jeunes majeurs délivrés ni d’allongement de la durée des contrats. Ces derniers n’iraient le plus souvent pas jusqu’aux 21 ans du jeune. Autre signal jugé négatif : "l'entretien six mois après la sortie des jeunes est organisé pour seulement 11% des répondants". "Les conseils départementaux justifient encore trop souvent des refus d'accompagnement par des raisons non conformes à la loi (exemple : le ou la jeune n'a pas de projet scolaire ou professionnel)", est-il encore indiqué. Le collectif Cause majeure déplore la persistance d’inégalités territoriales, évoquant même un "double système de la protection de l'enfance" concernant les mineurs isolés étrangers et les jeunes majeurs étrangers sortant de l’ASE. Ces derniers ne bénéficieraient pas toujours de "la même qualité d'accompagnement" que les autres jeunes du département ni d’une aide pour obtenir un titre de séjour.
Les départements demandent une révision de la loi Taquet
Dans un communiqué du 5 février 2024 centré sur l’interdiction au 1er février 2024 de la prise en charge de mineurs à l’hôtel ("une bonne intention" jugée "inapplicable dans les conditions actuelles"), l’association Départements de France formule plusieurs demandes, dont "la révision de certaines des dispositions de la loi Taquet (hébergement à l’hôtel, contrats jeunes majeurs)".
Concernant les jeunes majeurs, "les départements n’assument pas encore l’étendue de leurs obligations" et le financement de l’État (50 millions dans la loi de finances pour 2023) "n’est pas à la hauteur pour soutenir les départements dans le versement d’une aide utile pour les jeunes en difficulté", jugeait le sénateur Bernard Bonne dans un rapport publié à l’été 2023 (voir notre article).