Enfance : les annonces du gouvernement jugées "décevantes" par les départements, "inquiétantes" par des associations
"Les moyens manquent et les départements se trouvent bien seuls." Déçu par les annonces du 20 novembre dernier, Départements de France déclare "attendre beaucoup" des discussions à venir avec l’État. D’autres voix, dont celle du collectif associatif "Cause majeur !", s’inquiètent du "coup de pouce financier" de 1.500 euros pour les jeunes majeurs, dont le montant serait potentiellement moins élevé que le "pécule" actuel et qui ne bénéficierait qu’à une petite partie des jeunes. Charlotte Caubel se dit ouverte au dialogue sur ce point.
"Nous n’avons pas besoin de 10 délégués départementaux aux côtés des préfets, mais nous sommes preneurs de 10 pédopsychiatres et de 10 centres éducatifs fermés !" Dans un communiqué du 21 novembre 2023, Départements de France a vivement réagi aux mesures annoncées la veille par la Première ministre sur la lutte contre les violences faites aux enfants (voir notre article). "Les Départements peuvent et font beaucoup, mais ils ont besoin que l’État forme des pédopsychiatres et assure la prise en charge des mineurs délinquants", insiste François Sauvadet, président de Départements de France.
"Les mesures annoncées sont décevantes", déclare également Florence Dabin, présidente du département du Maine-et-Loire et du groupement d’intérêt public (GIP) France Enfance protégée. Si elle qualifie d’"intéressant" le développement des unités d’accueil pédiatriques pour l’enfance en danger, elle considère que "les propositions sont insuffisantes" pour accompagner "des enfants avec de multiples fragilités". "Les moyens manquent et les départements se trouvent bien seuls. Aujourd’hui j’adhère à la mobilisation générale", ajoute l’élue. "Les départements attendent beaucoup de ces discussions avec le gouvernement", poursuit François Sauvadet, alors que Matignon a promis de dévoiler les modalités de cette "mobilisation État-départements" au plus tard début janvier 2024. La prise en charge des mineurs non accompagnés et la revalorisation des professionnels devraient notamment être au cœur des discussions.
Remplacement du "pécule" par un "coup de pouce financier" de 1.500 euros : le chantier reste ouvert
Du côté des associations, les mesures relatives aux jeunes majeurs ont suscité de l’inquiétude et même de la "sidération", selon le communiqué du collectif "Cause majeur !". En cause notamment : l’annonce du remplacement du "pécule" - qui correspond au "versement du solde des allocations de rentrée scolaire (ARS) aux 18 ans des enfants éligibles", après avoir été placé sur un compte à la Caisse des Dépôts - par un "coup de pouce financier" de 1.500 euros. Si le collectif trouve "louable la volonté exprimée de refondre le système actuel", puisque beaucoup de jeunes "peinent aujourd’hui à percevoir les sommes dues" ou ignorent ce droit, il considère que la nouvelle aide "risque d’être ni universelle, ni suffisante pour compenser le montant du pécule que certains jeunes sont aujourd’hui en droit de percevoir".
"Cette mesure des 1.500 euros est absolument indigne", a dénoncé sur LinkedIn Lyes Louffok, ancien enfant placé et militant des droits de l’enfant. Ce dernier calcule que, selon le barème de 2023 du système actuel, un enfant placé cotiserait par exemple 4.588 euros entre ses 6 et 18 ans ou 1.658 euros entre ses 10 et 14 ans. "Ce système déjà imparfait disparaît au profit d’une aide unique de 1.500 euros donnée uniquement aux jeunes encore à l'aide sociale à l’enfance à leur 18 ans", indique-t-il.
"Notre annonce est un point de départ pour qu’à l’avenir les milliers de jeunes qui n’ont droit à rien bénéficient d’une aide d’au moins 1.500 euros", a tenté de rassurer la secrétaire d’État Charlotte Caubel, dans une interview du 24 novembre aux ASH. Le "montant proposé n’est que la première pierre d’un dialogue à venir", indique-t-elle, jugeant nécessaire la rénovation d’un dispositif "en bout de course" et ne bénéficiant pas à tous les enfants.
Le collectif "Cause majeur !" estime en outre que les autres composantes du "Pack jeunes majeurs" sont "particulièrement en décalage avec les besoins réels des jeunes majeurs". Si les dispositifs de mentorat et de parrainage sont jugés positifs, "ils ne doivent en aucun cas venir se substituer à un accompagnement socio-éducatif et au soutien financier qui l’accompagne", alertent les associations. Quant à la cérémonie qui serait organisée lors du passage à la majorité, elle est jugée incongrue au regard des "situations vécues par ces jeunes et [de] l’angoisse à laquelle ils font face à l’approche de leurs 18 ans".