Fibre : de nombreuses entreprises encore non raccordées... et réticentes à l'être

41% des entreprises ne disposant pas de la fibre n'envisagent pas de s'y raccorder, selon une étude Infranum/Covage. Les entreprises apparaissent également mal informées sur la bascule du cuivre. Des chiffres inquiétants quand on sait que 40.000 entreprises doivent impérativement trouver une alternative au cuivre d'ici le printemps 2024.

À l'heure où le programme de décommissionnement du cuivre s'accélère, voilà une étude qui pourrait inquiéter les territoires. Selon le baromètre 2023 Covage-Infranum publié le 3 juillet 2023, 63% des 800 entreprises sondées par Ipsos étaient raccordées à la fibre. Et parmi les 37% non raccordées, plus d'une entreprise sur trois (41%) ne l'envisage pas à court ou moyen terme. Autre voyant au rouge : les chiffres ne s'améliorent pas, après un bond des entreprises passées à la fibre entre 2021 (37%) et 2022 (55%), la hausse n'est que de 15% entre 2022 et 2023. Ces moyennes cachent ensuite d'importantes disparités. Géographiques tout d'abord : les zones rurales n'atteignent que 44%, un chiffre toutefois en nette progression (22% en 2022), les zones urbaines hors Île-de-France 64%, cette dernière dépassant nettement les autres avec près de 80% d'entreprises raccordées.

Retard des TPE et des zones rurales

En termes de taille d'entreprises ensuite : plus les entreprises sont petites, moins elles sont raccordées à la fibre. Dans le détail, les chiffres varient de 60% pour les entreprises de 1 à 3 salariés à 85% pour les grosses PME. Parmi les motifs avancés par les entreprises n'envisageant pas de passer à la fibre, le coût des offres pros arrive en tête (58%) devant la méconnaissance de leur éligibilité (33%). Le doublement du chiffre concernant "le manque de confiance en les opérateurs", passé de 10% en 2022 à 24% en 2023 interpelle également. Commentant ces chiffres, Antoine Delaunay, président de Manche numérique, n'a pas manqué de relever "qu'il ne faut pas oublier que le chef d'entreprise est aussi un particulier qui a eu peut-être connu une mauvaise expérience du mode Stoc". Les critères de choix d'une offre fibre par les entreprises font du reste échos à ces réticences : elles placent en tête la fiabilité du service et la rapidité de réparation, largement devant l'attractivité tarifaire ou la réputation de l'opérateur.

Des entreprises mal informées sur la bascule du cuivre

L'étude propose ensuite un focus sur les 158 communes concernées par la fermeture du cuivre en 2024, "le lot 1" dans la terminologie d'Orange. Ces communes comptent 40.078 entreprises, dont plus de 8.400 dans le Pas-de-Calais, 7.990 en Seine-et-Marne, 5.770 dans les Yvelines et 6.100 dans le Vaucluse. Dans les départements concernés par l'arrêt du cuivre, à peine la moitié des entreprises se disent "informées" sur l'arrêt du cuivre et 21% estiment que la fibre ne propose pas d'offre adaptée à leurs besoins. Cette moyenne cache des chiffres encore moins bons chez les TPE. On soulignera qu'ils ne font que confirmer les remontées des territoires expérimentateurs (voir notre article du 24 novembre 2022) qui ont pointé le manque d'offres répondant aux besoins des commerçants, professions libérales ou encore des Sdis et gendarmeries.

Une plus-value de la fibre à valoriser

Pour accélérer le passage à la fibre, la filière insiste sur la nécessité d'améliorer la concurrence - le marché de la fibre pro reste trusté par Orange et SFR - et de mieux valoriser les bénéfices économiques du numérique. "La plus-value de la fibre n'a rien d'anodin, avec une augmentation de 18% de la valeur ajoutée dans les territoires passés à la fibre", souligne le président d'Infranum, Philippe Le Grand. Une plus-value qui ne saute visiblement pas aux yeux des entreprises, qui s'en tiennent à des usages basiques (échange de gros fichiers et visioconférence…) quand on leur demande de lister les usages envisagés avec la fibre. Pourtant c'est bien l'usage qui détermine le besoin. Antoine Delaunay cite l'exemple de l'antenne manchoise de l'association Familles rurales qui n'est passée à la fibre qu'à partir du moment où il lui a fallu absorber la demande créée par sa nouvelle stratégie numérique. Et d'ajouter que dans son département, parmi les premiers fibrés, "les entreprises ne se sont pas précipitées sur la fibre alors même qu'elles avaient demandé la couverture".

Plan de communication manquant

La nécessité d'une communication adaptée, notamment en direction des territoires concernés par la bascule du cuivre, a été rappelée. Philippe Le Grand regrette que les propositions de la fédération sur l'accompagnement de la transformation numérique des entreprises n'aient pas été retenues par le gouvernement. Ce sujet communication n'a du reste pas été abordé par le ministre des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, a simplement rappelé les trois piliers de la stratégie fibre gouvernementale sur les réseaux fixes :
- amélioration de la qualité des raccordements ;
- complétude des déploiements (avec des annonces "avant les vacances" sur les zones denses) ;
- résilience des réseaux.

 

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