Fibre : le gouvernement soutient le renforcement des pouvoirs de l'Arcep mais défend le mode Stoc
Le ministre délégué aux Télécommunications Jean-Noël Barrot était auditionné le 12 avril 2023 par le Sénat le jour où la proposition de loi de Patrick Chaize était examinée en commission. L'occasion de donner sa position sur ce texte qui entend remettre de l'ordre dans le déploiement de la fibre.
Après la présidente d’Orange et le président d’Iliad, la commission des affaires économiques du Sénat a auditionné le 12 avril 2023 le ministre délégué aux télécommunications Jean-Noël Barrot sur les sujets numériques du moment, la couverture fibre en tête. L’occasion pour le ministre de donner la position du gouvernement sur la proposition de loi de Patrick Chaize visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique examinée le jour même par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. On rappellera que ce texte, dont la discussion est prévue le 2 mai 2023, vise à rendre les engagements des opérateurs sur la qualité de la fibre contraignants et à renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep.
Pas de remise en cause de la sous-traitance
Jean-Noël Barrot a appelé "à la vigilance sur une potentielle remise en cause du mode Stoc [sous-traitance des raccordements aux opérateurs commerciaux]", accusé par les élus de diluer les responsabilités entre les intervenants et d’être la cause des désordres dans les raccordements à la fibre. Si le ministre concède que "le mode Stoc n’est pas idéal", il estime que les opérateurs commerciaux (OC) sont les "seuls à même d’effectuer les raccordements" et qu’un changement pourrait entrainer des "problèmes de concurrence" si les opérateurs d’infrastructures (parfois également OC) venaient à effectuer les raccordements. Il estime qu’il faut garder le mode Stoc tout en "renforçant les contrôles". Patrick Chaize a fait remarquer que dans le domaine de l’eau ou de l’électricité, "l’opérateur de réseau raccorde le client" et a défendu une proposition de loi qui "ne remet pas en cause le mode Stoc" mais qui vise plutôt à "acter les engagements des opérateurs dans la loi". Le ministre soutient en revanche pleinement le projet de renforcement des pouvoirs de régulation l’Arcep. Malgré les initiatives de l’Autorité en matière de qualité depuis quatre ans, le ministre constate que "les effets des mesures prises peinent à se matérialiser". Le gouvernement valide aussi l’article 5 de la proposition de loi qui vise à sécuriser les droits des consommateurs en les dispensant de payer leur abonnement télécoms lorsqu’ils sont privés de service.
Aide au raccordement des ménages
Le ministre des Télécommunications a ensuite confirmé son projet "d’accord global" avec les opérateurs (notre article du 8 mars 2023) pour matérialiser le droit à la fibre pour tous évoqué en fin d’année dernière. Cet accord devrait porter sur "les zones sur lesquelles n’existe aucune contrainte réglementaire", soit les zones très denses et les réseaux d’initiative publique. L'objectif est de permettre à l’ensemble des foyers de "passer du raccordable au raccordé" pour atteindre un taux de couverture national de "99% à 100%", indispensable à la fermeture définitive du réseau cuivre. Les zones AMII, dans les grandes agglomérations, ou AMEL ne seraient donc a priori pas concernées, les opérateurs devant respecter les obligations de couverture qu’ils ont signées. Concrètement, il s’agira d’une aide au raccordement sur la partie privative du réseau versée aux particuliers selon une des modalités proches du droit à la prise pour les véhicules électriques. L'Arcep est en train de définir précisément les critères d’éligibilité tels que :
- l’absence de ligne cuivre préexistante,
- un refus de raccordement à la fibre,
- raccordement longs et complexes.
Le mode de financement de ce dispositif par l’intermédiaire d’une refonte de l'Impôt forfaitaire des entreprises sur les équipements réseau (Ifer) mobile a été confirmé, le ministre n’ayant visiblement pas tenu compte de la levée de boucliers des associations d’élus (notre article du 16 mars 2023). Il a au contraire soutenu que les collectivités avaient tout à gagner de cette réforme puisque "avec la fin de la 2G et la 3G, les recettes de l’Ifer vont de toutes façons baisser".
Un projet de loi numérique en juin
Jean-Noël Barrot a par ailleurs annoncé la discussion d’un projet de loi numérique d’envergure en juin 2023. Sa vocation première sera de retranscrire en droit français des textes européens, le Digital Services Act ou DSA et le Digital Markets Act ou DMA, visant à sécuriser l’espace numérique européen. Le DSA entend empêcher les abus de position dominantes des géants du numérique en leur interdisant, par exemple, de pouvoir imposer un navigateur ou un moteur de recherche par défaut sur un nouvel appareil. Il doit faciliter l’accès des entreprises européennes aux marchés numériques. Le DSA concerne pour sa part la responsabilisation des plateformes, réseaux sociaux et sites de vente en ligne pour les obliger à lutter contre la désinformation et la contrefaçon. Il permettra aussi d’exiger un audit sur le fonctionnement des algorithmes. D’autres dispositions pourraient y être adjointes a laissé entendre le ministre, issues notamment des nombreuses propositions de loi dont fait actuellement l’objet le numérique au Sénat sur les algorithmes, les limites d’âge ou les influenceurs.