Fermeture du cuivre : la liste des communes s'allonge mais la communication patine

Avec la publication du "lot 3", plus de 2.300 communes sont concernées par le décommissionnement du cuivre. Les élus de ces communes se retrouvent en première ligne sur un dossier où le portage de l'État se fait attendre.

Orange a publié (discrètement) mi-juin 2023 la liste des communes du "lot 3", concernées par l'arrêt définitif des services cuivre/ADSL. Ce troisième lot, qui prévoit un arrêt des services cuivre en 2026 dans 2.300 communes intervient après des expérimentations (1 en 2020, 6 en 2022, où le chantier est terminé), le lot 1 (162 communes) et le lot 2 (887 communes) ; ce dernier étant en voie de validation définitive par l'Arcep. Au total, ce sont donc 2,87 millions de locaux qui sont concernés par l'arrêt définitif des services cuivre.

Des critères de choix peu transparents

Le choix de ces communes a été dicté par le niveau de complétude de la couverture fibre. Le taux retenu par Orange pour sélectionner les communes des trois lots est de 95% analyse l'Avicca qui s'interroge sur le choix d'un taux "aussi bas" et déplore le manque de "transparence" sur les données et critères de pondération utilisés. Car au-delà du niveau de déploiement, Orange s'est engagé à prendre en compte la diversité des opérateurs d'infrastructure, le niveau d'abonnement à la fibre ou des critères internes à Orange comme les caractéristiques techniques des réseaux cuivre. Il faut en effet savoir que les équipements ADSL n'étant plus fabriqués, Orange a besoin de récupérer des matériels pour faire face aux pannes sur d'autres territoires et ainsi tenir ses engagements de qualité du cuivre jusqu'à 2030. Mais la formule de calcul, s'il y en a une, est inconnue.

80% en zone publique

Sur le profil des communes du lot 3, le panel compte plusieurs grandes villes (Brest, Rennes, Fort-de-France ou encore Boulogne-sur-Mer, Bourg-en-Bresse, Hyères et Cagnes-sur-Mer…). Les départements les plus concernés sont la Mayenne, la Charente-Maritime, le Lot, la Haute-Garonne et la Sarthe avec chacun de 80 à 100 communes. Coté zonage réglementaire, sur la base des données fournies par l'Avicca, pour ce troisième lot, 80% des communes sont en zone publique, 20% en zone privée. Parmi ces dernières, 9 sont en zone très dense (sans obligation de couverture), 390 en zone Amii et 62 en zone Amel. Cette forte représentation des zones privées où les déploiements de la fibre traîne (voir notre article du 17 mai 2023) laisse augurer une course contre la montre pour respecter le calendrier d'ici la fin 2025 : il faudra aux opérateurs non seulement achever le raccordement des locaux mais aussi convaincre les récalcitrants à prendre un abonnement fibre.

Les collectivités mises à contribution

Et c'est bien sur ce sujet communication que sont attendus les élus. Le kit de communication proposé en début d'année 2023 par la fédération française des télécoms (voir notre article du 10 janvier 2023) constitue une avancée – les documents sont neutres, simples et prêts à l'emploi – mais à l'AMF, on nous indique que les frais d'impression et de distribution, potentiellement significatifs, sont à la charge des communes. Par ailleurs, cette distribution ne remplace pas le travail de terrain (porte à porte, permanence…) comme l'ont mesuré les premières communes expérimentatrices. Ariel Turpin, le délégué général de l'Avicca cite l'exemple de Vendée numérique qui a mobilisé deux équivalents temps plein pour cette mission qui devrait a minima être mutualisée. L'association regrette que la communication au niveau national – avec un site internet, un numéro vert…. –  tarde à se mettre en œuvre. Elle note néanmoins une avancée avec des courriers signés par les préfets pour expliquer le projet.

  • Le ralentissement des déploiements de la fibre se généralise

Le 8 juin 2023, l'Arcep a publié les statistiques de déploiement de la fibre pour le premier trimestre 2023. Si 840.000 nouveaux locaux ont été rendus raccordables pour atteindre 35,3 millions de locaux éligibles, c'est environ 20% de moins qu'il y a un an. Cette baisse de rythme concerne l'ensemble des zones, souligne l'autorité. Les réseaux d'initiative publique arrivent toujours en tête avec 610.000 nouveaux locaux mais la baisse est de 10% par rapport à l'année 2022. Les zones d’initiatives privée (Amii) comptent "seulement" 120.000 nouveaux locaux et "il faut remonter à 2014 pour observer une progression trimestrielle aussi faible dans ces zones", observe l'Arcep. Quant aux zones "très denses", le cœur des grandes villes censées être couvertes par la seule mécanique du marché, elles ne comptent que 50.000 nouvelles prises. Seules les zones Amel conservent le rythme avec 60.000 nouvelles prises. Côté respect des engagements opposables, l'Arcep se borne à signaler les taux de couverture de 89% pour les zones Orange et 95% pour les zones SFR. La question des suites données aux mises en demeure – contestées sans succès par Orange auprès du Conseil constitutionnel – n'est pas évoquée. Il est vrai que sur ce sujet sensible, la balle semble plutôt du côté du gouvernement. Ce mauvais cru des chiffres FTTH est en tous cas un signal inquiétant au moment où l’arrêt du cuivre doit accélérer.