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Environnement - Erika : les collectivités vont enfin être indemnisées

Les collectivités locales et les associations victimes de la marée noire de l'Erika se sont accordées pour signer la convention d'exécution de l'arrêt d'appel proposée par la société Rina. Les indemnités vont donc être versées, quelle que soit l'issue du pourvoi en cassation en cours.

Lors du naufrage du pétrolier Erika, le 12 décembre 1999, 31.000 tonnes de fuel ont été déversées du Finistère à la Charente-Maritime, 400 km de côtes polluées et 150.000 oiseaux mazoutés.
Près de douze ans plus tard, après plusieurs mois de négociations, liées notamment à la dimension internationale du litige, la société de classification Rina et les parties civiles sont en passe de conclure une convention d'exécution des dommages et intérêts obtenus devant la cour d'appel de Paris du 30 mars 2010.
Cet arrêt confirme en effet la culpabilité de l'armateur, du gestionnaire, de la société Rina ainsi que de la société Total SA pour le délit de pollution. La cour avait également confirmé le montant des indemnités civiles et fait droit aux demandes de réparation du préjudice d'atteinte au patrimoine naturel (ou préjudice écologique) - ce qui constituait une première en droit. En revanche, la cour avait écarté la responsabilité civile de la société Total SA. Seuls ont été condamnés au paiement solidaire des indemnités civiles l'armateur, le gestionnaire et la société de classification du navire.

Un montant total de 32 millions d'euros

La société Rina a proposé en avril dernier de verser les indemnités dues aux collectivités et associations. Trente-six communes ou communautés de communes, trois régions (Bretagne, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes), trois départements (Finistère, Morbihan et Vendée) et une dizaine d'associations sont concernées, pour un montant total de 32 millions d'euros. Rina précise que les sommes versées resteront acquises même si la procédure pendante devant la Cour de cassation et/ou la cour de renvoi ultérieure aboutissait à une diminution de l'indemnité qui a été accordée par la cour d'appel de Paris. Une cinquantaine de parties se sont en effet pourvues en cassation : l'arrêt est attendu pour la fin de l'année. Ces conventions ne mettent donc pas pour autant fin à la procédure.
La proposition de Rina était assortie de deux conditions. La première : que 95% des parties civiles acceptent la convention d'indemnisation. Jusqu'ici, les parties civiles se répartissaient en trois groupes principaux, dont le plus important est celui de la coordination interrégionale regroupant les trois régions, le Finistère, Cap Lorient, Ploemeur et Saint-Nazaire. "Cette condition non impérative est largement remplie, puisqu'à ce jour 98% des parties civiles ont accepté la convention", déclare Pierre Villeneuve, directeur des affaires juridiques à la région Bretagne.
La seconde condition suspensive était la renonciation du Fipol (Fonds internationaux d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures) à réclamer quelle que somme que ce soit à la société Rina et à ses assureurs. "Le Fipol réuni en assemblée générale le 7 juillet dernier a renoncé à exercer son recours", précise sur ce point Pierre Villeneuve.

Des projets pour préserver la biodiversité

Le 11 juillet dernier, les commissions permanentes des régions Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes ont adopté cette convention. Pour des raisons de planning, la région Bretagne signera cette convention le 22 septembre. A titre d'exemple, la Bretagne recevra 6,6 millions d'euros d'indemnités et le Finistère près de 2,3 millions. Ces indemnités devraient être versées "sans doute d'ici fin novembre", selon Pierre Villeneuve. De son côté, la ville du Croisic, qui ne fait partie d'aucune coordination et a traité ce dossier par elle-même, recevra près de 700.000 euros. "Bien évidemment, j'ai conditionné l'accord à hauteur de ce que nous avait attribué la cour en réparation du préjudice matériel et de l'atteinte à la réputation de la ville", commente Michèle Quellard, maire du Croisic.
La région Pays-de-la-Loire va pour sa part percevoir 8,5 millions d'euros. Alors que quelques élus écologistes parlent d'une négociation "à bas prix", pour Jacques Auxiette, président de la région, il s'agit "d'une convention d'exécution du jugement et en aucune manière d'une transaction ; les contribuables et les habitants de notre côte atlantique verront la collectivité recevoir la totalité des sommes dues, intérêts compris !". La région a d'ores et déjà prévu l'usage qu'elle fera de cette somme : la création d'un centre de biodiversité à Beautour à La Roche-sur-Yon (85), une maison de l'estuaire au port de Saint-Nazaire et un centre d'interprétation et de mémoire "Litoralis" sur les enjeux liés aux submersions marines, en Sud Vendée, suite à la tempête Xynthia.