En séance publique, les députés modifient la proposition de loi sur les langues régionales
En séance publique, les députés ont apporté quelques modifications à la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion. On note notamment le retour de l'autorisation des signes diacritiques dans les actes d'état civil.
L'examen le 13 février 2020 à l'Assemblée nationale en séance publique de la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion a réservé quelques surprises, mais pas au point de remettre en cause l'équilibre du texte tel qu'il avait été modifié en commission des affaires culturelles huit jours auparavant.
La principale nouveauté est le retour d'un article initialement prévu par l'auteur du texte, le député du Morbihan Paul Molac, portant sur l'autorisation des signes diacritiques propres aux langues régionales dans les actes d'état civil. Un amendement de la députée de l'Hérault Emmanuelle Ménard visant à réintroduire cette disposition a été adopté. Il permet d'autoriser dans les actes d’état civil l'emploi, par exemple, du tilde, utilisé en breton et en basque, ou encore l’accent aigu sur le "i", le "o" ou le "u", utilisé en catalan.
Retour timide de l'enseignement
Quant à l'enseignement des langues régionales, qui constituait le cœur de la proposition de loi, il a également fait sa réapparition (timide) dans le texte. Malgré des amendement allant dans ce sens, les articles rendant obligatoire, sur les territoires concernés, une offre d'enseignement en langue régionale de la maternelle au lycée ou ouvrant aux collectivités compétentes et volontaires la possibilité, sous conditions, de prêter des locaux ou d'octroyer une subvention d’investissement aux établissements privés dispensant un enseignement bilingue français-langue régionale n'ont pas fait leur retour. En revanche, deux articles visent à accentuer l'information du Parlement sur leur enseignement.
Le premier dispose que "le gouvernement remet annuellement au Parlement un rapport relatif à l’accueil, dans les académies concernées, des enfants dont les familles ont fait la demande d’un accueil au plus près possible de leur domicile dans les écoles maternelles ou classes enfantines en langue régionale". Les auteurs de l'amendement souhaitent ainsi que lorsque la langue est reconnue par les collectivités territoriales et l’État sur un territoire, "l’école mette toute en œuvre pour accueillir les enfants dans une classe de langue régionale dès lors que la demande existe".
Le second prévoit que "le gouvernement remet annuellement au Parlement un rapport sur les conventions spécifiques conclues entre l’État, des collectivités territoriales et des associations de promotion des langues régionales relatives aux établissements d’enseignement de ces langues […] et sur l’opportunité de bénéficier pour les établissements scolaires associatifs développant une pédagogie fondée sur l’usage immersif de la langue régionale de contrats simples ou d’association avec l’État". Explication des auteurs de cet amendement : il s'agit "de compléter l’avancée de la loi du 8 juillet 2013 [qui reconnaît l’enseignement bilingue en langue française et en langue régionale, ndlr] et de fixer un cadre aux établissements d’enseignement privé en langues régionales."
La bataille n'est pas finie
On retiendra finalement de cette proposition de loi que les langues régionales sont désormais incluses dans le code du patrimoine, mais encore que la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française est amendée de façon à permettre explicitement l’usage des langues régionales et les actions publiques et privées menées en leur faveur. En outre, le texte donne un cadre législatif à la reconnaissance constitutionnelle des langues régionales opérée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 en énonçant une disposition d'ordre général qu'il faudra désormais faire vivre : " […] les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France, l’État et les collectivités territoriales concourent à leur enseignement, à leur protection, à leur diffusion et à leur promotion."
L'affaire s'est-elle pour autant arrêtée le 13 février ? Paul Molac veut croire que non. Joint par Localtis, le député breton estime que sur cette proposition de loi, le Sénat, qui n'a pas encore inscrit l'examen du texte à son agenda, "peut faire contrepoint". "J'aimerais que le Sénat vote conforme les quatre articles importants adoptés de façon à ce que l'Assemblée nationale ne puisse plus y toucher en deuxième lecture. Et si le Sénat rajoute des articles sur l'enseignement, on en rediscutera." Et dans le cas contraire ? "Je referai une loi uniquement sur l'enseignement des langues régionales", conclut Paul Molac.