Insertion - En 2010, 230.000 chômeurs en fin de droits devraient passer au RSA
Le débat sur le sort des chômeurs arrivant en fin de droits en 2010 prend de l'ampleur. En décembre dernier, une note de travail de Pôle emploi révélait qu'environ un million de bénéficiaires de l'assurance chômage - contre 850.000 en 2009 - devraient voir leurs droits arriver à expiration dans le courant de l'année (voir notre article ci-contre du 16 décembre 2009). Si l'on tient compte des 170.000 personnes qui pourraient bénéficier de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), ce sont ainsi plus de 800.000 personnes qui se trouveraient sans couverture chômage (assurance ou solidarité).
La note de Pôle emploi a très vite dépassé le champ des experts pour s'inviter dans le débat social et politique. Plusieurs questions se posent en effet. La première est bien sûr le devenir des personnes concernées. Curieusement, cette question est soulevée aujourd'hui, alors qu'elle se posait tout autant les années précédentes sans susciter pour autant de débat. La seule nouveauté en 2010 est la forte progression (+18%) du nombre de personnes arrivant en fin de droits. Depuis la publication de la note, les experts de Pôle emploi ont apporté des éléments de réponse sur ce point : outre les 17% qui vont bénéficier de l'ASS, 23% - soit environ 230.000 personnes - devraient devenir allocataires du revenu de solidarité active (RSA), tandis que 60% ne bénéficieraient ni de l'ASS, ni du RSA. Cette exclusion s'explique par les ressources du conjoint, supérieures au plafond d'accès à ces deux minima sociaux. Si les intéressés ne seront donc pas à proprement parler sans ressources, la fin de l'assurance chômage signifiera cependant une baisse sensible des ressources du foyer.
Face à cette situation, la seconde question concerne l'opportunité de la mise en place d'un dispositif spécifique, eu égard à la forte croissance du nombre de personnes concernées. Le débat sur ce point, qui ne cesse de prendre de l'ampleur, porte sur le financement d'une telle mesure. Pour les partenaires sociaux - gestionnaires du régime de l'assurance chômage -, c'est au gouvernement de prendre en charge une telle mesure, qui relève du dispositif de lutte contre la crise. Cette intervention de l'Etat pourrait se faire, par exemple, sous la forme d'un assouplissement des conditions d'ouverture des droits à l'ASS. Lorsque la présidente du Medef affirme que "c'est au gouvernement de prendre ses responsabilités", elle exprime une opinion très voisine de celle des syndicats de salariés. Ces derniers et les représentants du patronat doivent d'ailleurs se retrouver le 5 février, avant de se rendre à l'Elysée le 15 du même mois pour discuter de l'agenda social avec le chef de l'Etat. La position du gouvernement est tout autre. Lors de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 19 janvier, Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat chargé de l'Emploi, a ainsi indiqué que "dans l'expression 'fin de droits', il y a 'droits', ce qui renvoie à l'assurance chômage et au respect que nous devons avoir pour le rôle des partenaires sociaux. Il est hors de question de jouer au ping-pong ou d'avoir des postures d'acteur". Il a également rappelé que "les partenaires sociaux ont la charge de gérer l'assurance chômage et [qu']ils ont commencé à se saisir de ce sujet". Les marges de manoeuvre sont toutefois très limitées. L'assurance chômage a terminé l'année avec un déficit cumulé de 5,6 milliards d'euros. Celui-ci pourrait atteindre 9,5 milliards d'euros en 2010, avec 509.000 chômeurs supplémentaires attendus. Le gouvernement songe donc plutôt à une nouvelle révision des règles d'indemnisation, qui améliorerait la situation du régime mais transférerait une bonne part de la charge sur l'ASS ou le RSA.
Reste une dernière question, qui n'en est pas vraiment une : l'impact de cette situation sur les départements. En 2010, les entrées dans les dispositifs ASS ou RSA devraient être de l'ordre de 400.000, soit 100.000 de plus que l'an dernier. D'après les chiffres de Pôle emploi, le nombre de bénéficiaires de l'ASS progresserait d'un peu plus de 20.000, pour atteindre 170.000. Par conséquent, celui des chômeurs en fin de droits entrant dans le dispositif RSA progresserait de près de 80.000 (+53%), pour atteindre les 230.000 entrées évoquées plus haut. S'agissant de chômeurs en fin de droits, ces chiffres concernent par définition des bénéficiaires du RSA "socle", financé par les départements. Ces derniers ont donc tout intérêt à suivre de très près le débat qui s'engage. Une solution positive, qu'elle repose sur l'Etat et/ou les partenaires sociaux, permettrait en effet d'alléger quelque peu la pression sur le RSA. A condition que cette solution ne soit pas, comme l'ont évoqué certains responsables syndicaux, d'élargir les conditions d'ouverture de droits au RSA !
Jean-Noël Escudié / PCA