Quartiers - Emmanuel Macron annoncerait mardi 22 mai des "mesures concrètes" plutôt que "de grands dispositifs"
Il n'y aura pas de "plan Macron pour les quartiers" mardi prochain. La présentation du "plan de mobilisation générale" en faveur des quartiers promis par le président de la République dans son discours de Tourcoing du 14 novembre prendra pour l'heure une autre forme : vraisemblablement une grande réception à l'Elysée, avec plusieurs centaines d'invités, élus, habitants, entrepreneurs, acteurs associatifs... Une réponse originale à la pression de plus en plus forte exercée depuis la remise du rapport Borloo le 26 avril dernier.
Emmanuel Macron annoncera mardi 22 mai des "mesures concrètes" pour améliorer la vie dans les quartiers difficiles sans pour autant annoncer un grand plan pour les banlieues, a indiqué le 18 mai l'Elysée à l'AFP. Le chef de l'Etat devrait s'exprimer devant plusieurs centaines de personnes, dont des élus, des entrepreneurs, des acteurs de terrain et des habitants, rassemblées à l'Elysée. Auparavant, en début de matinée, Emmanuel Macron aura réuni autour de lui, pour la première fois, son "conseil présidentiel des villes", composé de 25 personnes.
Six mois après son "discours de Tourcoing", il "va rappeler sa vision et insister sur le fait que toute la politique du gouvernement concourt à l'amélioration de la vie dans les banlieues", selon la présidence. "L'enjeu n'est pas de réinventer de grands dispositifs", qui "viennent d'en haut", mais d'"être efficace" en favorisant "la mobilisation" autour de "l'émergence de projets locaux". "Pour le président, l'humain est la priorité", notamment en s'appuyant sur "le rétablissement de l'accès au droit" dans ces quartiers dans le domaine de la sécurité, de l'éducation, de la santé ou des mobilités, selon la même source.
"Le gouvernement n'a pas attendu le rapport Borloo pour agir"
"Le gouvernement n'a pas attendu le rapport Borloo pour agir. De nombreuses actions qu'il propose sont en train d'être mises en œuvre", souligne encore l'Elysée auprès de l'AFP. Et de rappeler le dédoublement des classes de CP à la rentrée scolaire 2017, le développement des emplois francs, l'introduction de la police de sécurité du quotidien, l'engagement de doubler les fonds du nouveau programme national de renouvellement urbain (dit "Anru 2") de 5 à 10 milliards d'euros...
Le discours de Tourcoing listait déjà pas moins d'une quarantaine d'engagements. Devant des invités avertis, le président de la République ne devrait pas se contenter de les rappeler, ni même de donner des nouvelles sur l'avancée de tel ou tel dispositif. D'autant que les acteurs de la politique de la ville ont joué le jeu de la concertation lancée justement à Tourcoing. Les travaux ont été compilés et remis au Conseil national des villes (CNV), par Jacques Mézard et Julien Denormandie, le 17 mai, sous la forme de dix "Cahiers de la co-construction" (le premier "cahier" étant, précisément, le discours de Tourcoing). "Chacun de ces cahiers restitue la diversité des avis et des projets, mais aussi l’envie d’agir, et d’agir vite et mieux pour les quartiers", souligne le CGET qui a animé la concertation.
Beaucoup plus médiatisé, le rapport remis par Jean-Louis Borloo le 26 avril au Premier ministre met aussi la pression sur le président de la République (voir nos articles ci-dessous du 26 et 27 avril 2018). D'autant que l'ancien ministre de la Ville, fondateur de l'Anru, a concentré autour de sa personnalité de nombreuses attentes.
"Les attentes des élus sur le terrain sont très fortes"
"Le rapport Borloo constitue une opportunité dont les associations d’élus appellent le président de la République à se saisir", déclarent ainsi de concert l'Association des maires de France, France urbaine et Ville & Banlieue. Elles ont rédigé le 17 mai un communiqué commun pour dire qu'elles soutiennent les "orientations" et les "principales mesures" du rapport Borloo. Elles "soutiennent la démarche qui est au cœur des propositions du rapport : l’urgence d’une relance de cette politique dans toutes ses composantes humaines et urbaines". Pour elles, "ce plan de relance concerne toutes les communes de France et tous les territoires oubliés de la République", sachant que "les attentes des élus sur le terrain sont très fortes". Les trois associations d'élus caressent l'espoir de "retrouver le souffle et l’ambition qui ont présidé aux premières années de l’Anru".
François Baroin, le président de l’AMF, a redit tout cela dans un courrier qu'il a adressé le 17 mai au chef de l'Etat. Un courrier dans lequel il fait là encore part de sa conviction que le rapport Borloo doit "fonder les bases d'un grand plan de mobilisation publique" en faveur de "tous les territoires délaissés".
Le Pacte de Dijon, quelle suite ?
France urbaine et l'ADCF avaient fait alliance avec Jean-Louis Borloo avant même la remise du rapport, formalisé dans le "Pacte pour une nouvelle politique de cohésion urbaine et sociale". Préparé durant des semaines (voir notre article du 21 mars 2018), présenté à Dijon le 6 avril (voir nos articles du 9 et du 16 avril 2018), 74 signataires* l'avaient signé au 17 mai. Ils sont tous conviés à l'Elysée le 22 mai.
Plus qu'"un appel à une clarification des responsabilités, exclusives et partagées, des collectivités locales et de l’Etat", ils rappelleront au président de la République qu'ils s'engagent à "prendre leurs pleines responsabilités, aux côtés des maires et des équipes municipales", sur 20 engagements précis : créer un comité des financeurs Anru à l’échelle régionale, soutenir les associations intervenant dans les aides aux devoirs, mettre à disposition des mères isolées des modes de garde adaptés à leur horaire de travail, déployer des polices municipales "connaissant bien les populations"... Mais derrière chaque engagement, ils demandent que l'Etat fasse sa part : simplifier "la tuyauterie" administrative et financière de l’Anru, mettre en œuvre un plan national de lutte contre l’illettrisme et l’illectronisme, renforcer les moyens dédiés aux enquêtes judiciaires et d’investigation, notamment dans le cadre de la lutte contre les trafics et les réseaux radicalisés...
Pour l'USH, le rapport Borloo "témoigne d'une énergie positive"
A la remise du rapport Borloo, l'Union sociale pour l'habitat avait déclaré : il "témoigne d'une ambition, d'une énergie positive". Le monde HLM avait alors indiqué "soutenir pleinement l'approche globale d'intervention en faveur des habitants des quartiers". Elle "encourage désormais le gouvernement à s'approprier ces orientations et à les traduire en un plan de mobilisation national porté au plus haut niveau de l'Etat et soutenu par un véritable engagement interministériel dans la durée". Et assure que "les organismes HLM sont prêts à assurer pleinement leur rôle de financeurs principaux du nouveau plan national de rénovation urbaine". Comme l'USH, Action logement ne partage pas à 100% les scénarios que Jean-Louis Borloo envisage pour l'Anru. Mais tout cela viendra plus tard. Pour l'heure, le principal contributeur de l'Anru "salue la nouvelle ambition pour la politique de la ville" portée par Jean-Louis Borloo.
Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) partage avec Jean-Louis Borloo le fait que "les grues doivent revenir dans les quartiers dès la fin de l’année, véritable main tendue et symbole de nouvelles métamorphoses". Il assure que "les professionnels du bâtiment, qui avaient répondu présents au PNRU, sont prêts et continueront à être mobilisés".
L’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) a déclaré être prête à contribuer à la création, en 3 ans, de 100.000 emplois dans les quartiers.
*On y voit notamment les signatures de : Jean-Luc Moudenc, président de Toulouse Métropole ; Jean-Luc Rigaut, président du Grand Annecy ; Johanna Rolland, présidente de Nantes Métropole ; Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole ; François Rebsamen, président de Dijon Métropole ; Yvon Robert, maire de Rouen ; Hubert Falco, président de la Métropole Toulon Provence Méditerranée ; Roland Ries, maire de Strasbourg ; Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole ; Nathalie Appéré, maire de Rennes ; Jean-Claude Gaudin, président d'Aix Marseille Provence Métropole Marseille, Patrick Ollier, président de Métropole du Grand Paris, Christophe Béchu, président de la Communauté urbaine d'Angers Loire Métropole... (la liste des signataires mise à jour en temps réel www.pacte-cohesion-urbaine.fr)