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Territoires - Egalité des territoires : les campagnes veulent y croire

Au moment où Cécile Duflot lance la préparation d'un texte sur l'égalité des territoires, deux sénateurs alertent sur la situation des campagnes. Sans prise de conscience urgente, un scénario noir pourrait se profiler...

Sans une véritable prise de conscience, les campagnes se dirigent vers un "scenario noir". Deux sénateurs ont pris la clef des champs pour alerter sur une situation qu'ils jugent "inacceptable et injuste". Dans ce scénario, s'enchaîneraient une dégradation de l'environnement, de nouvelles pertes de population dans le Massif central et la partie nord de la "diagonale du vide", la fin du rattrapage économique avec le détricotage de la PAC et la poursuite des délocalisations, le tout sur fond de disparition des services essentiels… Un cercle vicieux dont il serait de plus en plus difficile de sortir. Exemple avec l'artificialisation des sols : "Un habitat de plus en plus diffus engendre des dépenses d'énergie et des dépenses pour les collectivités qui doivent créer des réseaux", souligne la sénatrice socialiste de la Creuse Renée Nicoux, co-auteur avec l'UMP Gérard Bailly (Jura) d'un rapport présenté la semaine dernière. Autre exemple : moins d'habitants signifie moins de revenus fiscaux, donc moins de services… et moins de chance d'attirer de nouveaux habitants.
Tout n'est pourtant pas écrit d'avance. La préparation du projet de loi sur l'Egalité des territoires annoncé pour la fin de l'année peut constituer un nouveau départ. C'est d'ailleurs le Sénat qui, dans une résolution adoptée fin 2012, avait réclamé ce texte. Souvent accusée d'avoir une approche très urbaine de l'aménagement du territoire, Cécile Duflot veut faire taire ce procès d'intention. Lors de ses vœux à la presse le 21 janvier elle s'en est pris à cette "petite mélodie déplaisante qui vise à opposer villes et campagnes, urbains et ruraux, voire périurbains et citadins" (voir ci-contre notre article du 21 janvier 2013).


Rémunérer les services écologiques

"Les ruraux vont devoir peser dans la balance et être convaincants, les élus urbains sont bien représentés", s'inquiète Nathalie Nieson qui rappelle qu'un "habitant de ville vaut deux fois plus qu'un habitant de la campagne", en termes de dotations de l'Etat. Un fait dénoncé par l'Association des maires ruraux de France mais qui sera en partie corrigé à partir de cette année à travers les mécanismes de péréquation. 
Si le diagnostic de la fracture territoriale commence à être bien connu, les sénateurs mettent en garde contre une "rêverie d'inspiration technicienne", "celle du triomphe imminent d'un tout-Internet balayant les inégalités territoriales". Ils posent la question des grosses infrastructures : l'Etat a pris en charge les lignes prioritaires qui ont bénéficié à "des territoires aujourd'hui bien-portants", mais c'est aux collectivités de prendre le relai, là où au contraire se fait ressentir la nécessité du rattrapage économique. "On peut trouver injuste que les zones rurales produisent des externalités positives (espaces naturels, nappes phréatiques, biomasse, ndlr) dont profitent les zones urbaines, sans contrepartie identifiée", soulignent-ils. Pour Gérard Bailly, il faut penser à "rémunérer les services écologiques", "mettre en place de nouvelles ressources comme les crédits carbone pour que les agriculteurs puissent bénéficier de revenus complémentaires".
Sans attendre le texte sur l'égalité des territoires, un premier pas sera franchi dans le sens voulu par les sénateurs avec le projet de loi de décentralisation qui devrait encourager la mutualisation des services. "Il serait souhaitable que la logique de concentration […] qui débouche sur la désertification quasi-programmée de certains villages au profit des bourgs, laisse plus communément la place à une logique de mutualisation", souligne le rapport.
Pour le reste, les propositions des sénateurs pour sortir de ce scénario s'apparentent plutôt à un catalogue de bonnes intentions : le recours aux circuits courts, à la "préférence territoriale", à la qualité et au "verdissement" de la PAC face au marché mondial, la planification foncière pour contrer l'artificialisation des sols, le travail sur l'image et la qualité de vie pour attirer de nouveaux habitants… Il aura au moins eu le mérite de lancer le débat.

Michel Tendil

Référence : rapport d'information de Mme Renée Nicoux et M. Gérard Bailly, fait au nom de la Délégation sénatoriale à la prospective n° 271 (2012-2013) - 22 janvier 2013.

 

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