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Services déconcentrés de l'Etat - Eaux douces, eaux salées, eaux troubles ?

Réorganisation de l'Etat local, suite... cette fois-ci, pour les eaux douces (surveillance des crues, police de l'eau, navigation), ou salées (missions maritimes, signalisation maritime, gestion des capitaineries). Après la création par décret du 3 décembre 2009 des nouveaux services déconcentrés de l'Etat (voir ci-contre notre article du 7 décembre), puis la nomination le 1er janvier 2010 des nouveaux directeurs départementaux (voir notre article du 6 janvier), l'arrêté du 12 janvier 2010 dresse la liste des départements dans lesquels des directions départementales auront des missions interdépartementales. Il concerne six domaines :

1) la mission de surveillance des crues, de prévision et de transmission de l'information sur les crues concernant les bassins hydrographiques et les cours d'eau ;
2) les missions de police de l'eau ;
3) les missions relatives au transport fluvial, à la police de la navigation sur le domaine public fluvial et à la gestion du domaine public fluvial des voies d'eau ;
4) les missions maritimes ;
5) les missions de signalisation maritime ;
6) la gestion des capitaineries.

 

Adapter l'administration à la nature

Cet arrêté du 12 janvier découle d'une idée simple et de bon sens : la nature ne connaît pas les départements. Il est donc absurde de découper un bassin hydrographique pour charger les services techniques départementaux de surveiller chacun un tronçon de l'élément naturel. Absurde également d'avoir un service des affaires maritimes dans un département dont la côte ne s'étend que sur quelques kilomètres. C'est ainsi que dans le cadre de la réforme en cours de l'Etat, le gouvernement a décidé de charger les services d'un seul département de mettre en oeuvre des politiques qui s'appliquent sur plusieurs départements. Avec pour objectif d'améliorer la cohérence des politiques menées, de "mutualiser les compétences", et donc de réduire le nombre d'agents sur ce domaine. Ainsi par exemple, ce sera la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du département de la Seine-Maritime qui mettra en œuvre la politique maritime du département de l'Eure.

Dans certains endroits, rien ne change : ainsi les Landes ou la Somme, n'ayant jamais eu d'importants services des affaires maritimes, l'utilisation par leur préfet des services des DDTM du Pas-de-Calais ou des Pyrénées-Atlantiques ne devrait pas modifier grand-chose à court terme. Pour les agents qui effectuent concrètement sur le terrain le contrôle des pêches ou la surveillance des navires, ils auront simplement un nouveau chef, dans le département d'à côté. Mais comme il n'est pas question de priver les préfets des départements concernés de leurs pouvoirs, il a été acté que ceux-ci auront une "autorité fonctionnelle" sur les services techniques du département voisin. En pratique, les agents auront deux chefs au lieu d'un : un préfet sera leur autorité hiérarchique, mais un autre pourra aussi leur donner des ordres grâce à son "autorité fonctionnelle". Dans une instruction du 23 septembre 2009, le secrétaire général du gouvernement a jugé nécessaire de préciser, page 7, que "cette autorité fonctionnelle doit être réellement exercée"… ce qui ne tombait donc pas sous le sens. Concernant la gestion des capitaineries de Bretagne, tout sera fait à Brest... une décision qui intervient alors qu'un rapport d'audit sur la gestion des ports (et leur réforme) doit être rendu public dans les prochains mois.  
Pour les eaux douces, l'arrêté fixe la répartition entre services de l'équipement des principaux bassins et canaux. Ainsi pour prendre un exemple sensible, la surveillance des crues dans le Marais poitevin relèvera de la DDTM de La Rochelle, sous l'autorité fonctionnelle des préfets de Vendée, des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime.

 

Services interrégionaux avec missions locales, services locaux aux missions interdépartementales

Au Syndicat national des personnels de l'administration de la mer (CGT), on attend la mise en œuvre concrète de ces réformes, qui pour l'instant sont essentiellement de papier. Le syndicat s'inquiète notamment de l'articulation entre les niveaux départemental, régional et interrégional. Il y a en effet de quoi y perdre son latin administratif. Au niveau interrégional, on trouvera quatre directions interrégionales de la mer (Dirm) : Manche orientale-Mer du Nord ; Bretagne-Pays-de-la-Loire ; Sud-Atlantique, Méditerranée. Ces directions coordonneront l'ensemble des politiques de la mer et du littoral, y compris en matière environnementale sur chaque façade maritime… mais pour leurs moyens et leurs effectifs, elles seront soumises à leur Dreal de rattachement (donc à un préfet de région). Ces directions interrégionales auront des services opérationnels, par exemple des équipes chargées du contrôle des pêches… et donc du personnel dans les départements. Bref, des directions interrégionales avec des missions locales contrôlées par un préfet de région… Et côté département, on aura des directions départementales avec des missions interdépartementales, dont les effectifs et les moyens dépendront également d'un préfet de région, mais pas nécessairement du même! Sans oublier que pour chaque politique, les espaces géographiques choisis sont liés à la géographie physique, donc différents. Il est probable que l'on regrette rapidement la simplicité du bon vieux département napoléonien...

Contrôle des pêches, contrôle des navires, gestion des phares et balises, la plupart des politiques devraient être divisées entre ces différentes structures. La bonne nouvelle, c'est que dans les prochains mois, les collectivités devraient conserver l'essentiel de leurs interlocuteurs au niveau local… et donc pourront se renseigner auprès d'eux pour savoir où s'adresser une fois les réformes opérationnelles, probablement courant 2011. Pour la façade littorale du Marais poitevin, le plus simple est d'appeler le ministère.

 

Hélène Lemesle

 

Références : décret n°2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles ; arrêté du 12 janvier 2010 relatif aux missions interdépartementales des directions départementales interministérielles.

 

 

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