Eau potable : selon Intercommunalités de France, près de 200 collectivités ont un taux de fuite d'au moins 50%
Selon une cartographie présentée ce 20 mars par Intercommunalités de France, 198 collectivités affichent au moins un service d'eau avec un taux de rendement inférieur à 50%, ce qui signifie que plus de la moitié de cette eau potable part dans la nature à cause des fuites sur le réseau. Parmi ces "points noirs", 151 services d'eau sont en gestion communale isolée, souligne l'association, qui plaide pour le maintien du transfert obligatoire des compétences eau potable et assainissement collectif aux intercommunalités en 2026, comme le prévoit la loi, pour faire face aux multiples enjeux environnementaux qui affectent la ressource en eau.
A l'avant-veille de la Journée mondiale de l'eau, Intercommunalités de France a publié ce 20 mars une cartographie des "points noirs" de la gestion de l'eau en termes de fuites, qui s'appuie sur les données de l'Observatoire national des services d'eau. Alors que la bonne gestion de l'eau devient cruciale avec le changement climatique, 198 collectivités "affichent au moins un service d'eau avec un taux de rendement inférieur à 50%", affirme l'association, c'est-à-dire que "plus de la moitié de l'eau potable de ce réseau est perdue dans la nature".
Parmi ces "points noirs", 151 services d'eau sont en gestion communale isolée. Plusieurs services d'eau peuvent coexister au sein d'une intercommunalité ou d'un syndicat. "Lorsque l'intercommunalité apparaît sur la carte", comme c'est le cas à Dreux, Nice ou Tarbes, "ça n'est jamais l'ensemble de ses services qui présentent un rendement inférieur à 50%, mais généralement quelques communes", assurent les Intercos. Les départements comptant le plus de "points noirs" sont aussi ceux qui souffrent le plus de la sécheresse comme les Pyrénées-Orientales ou les Hautes-Alpes, relèvent-elles.
"Arrêter de jouer avec l'eau"
Au vu de cette situation, Intercommunalités de France juge urgent de ne plus tergiverser. "Le sujet de l'eau est un enjeu vital (...). Il est temps d'arrêter de jouer avec l'eau et de s'organiser sérieusement", a martelé le président de l'association, Sébastien Martin, lors d'une conférence de presse. Alors que plus de 8 millions de personnes vivent dans les 5.667 communes qui exercent encore la gestion de l'eau de manière isolée, ces collectivités se trouvant majoritairement en zone de montagne, Intercommunalités de France défend le maintien du transfert de compétences "eau" aux EPCI en 2026, comme prévu par la loi. Un transfert menacé de report, selon l'association.
"Certains élus de montagne estiment parfois que l'eau leur appartient et ne veulent pas la partager. Ça ne peut plus durer, il faut arrêter tout ça, il faut s'unir", a abondé Régis Banquet, président de Carcassonne Agglomération et vice-président d'Intercommunalités de France chargé de l'eau. "L'Etat doit se positionner pour leur donner les rênes, souligne l'élu. C'est le bon échelon pour tenir compte des spécificités des territoires et elles disposent de la surface financière nécessaire pour agir", estime-t-il. "On a pris du retard parce qu'on croyait que l'eau était indéfiniment à notre disposition", a-t-il ajouté, évaluant à entre "4 et 5 milliards d'euros par an" le montant d'investissement nécessaire dans les réseaux d'eau potable, en plus des 2,3 milliards aujourd'hui mobilisés.
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Enjeux d'aménagement du territoire
S'y ajoutent les enjeux en termes d'aménagement du territoire, qui a pris une nouvelle dimension avec le transfert des digues domaniales aux EPCI intervenu fin janvier. "Aujourd'hui, nous devons être en capacité de nous organiser à l'échelle du grand et du petit cycle de l'eau, en intégrant la dimension protection du risque inondations, souligne Christophe Degruelle, vice-président chargé de la culture, président de Blois Agglopolys. Cela nous oblige à récupérer des moyens financiers et à se doter d'expertise." Première vice-présidente d'Intercommunalités de France et présidente de Caus-Seine Agglo, entre Rouen et Le Havre, Virginie Carolo-Lutrot évoque aussi la nécessité pour les EPCI de prendre en compte le risque sécheresse et inondations lors de l'implantation de nouvelles industries, ou de protéger les points de captage en coopération avec le monde agricole. Quant au financement de la prévention des risques, la question reste entière. Christian Leroy, président de la communauté de communes du pays de Lumbres, dans le Pas-de-Calais, a rappelé que le coût des récentes inondations survenues dans les Hauts-de-France était estimé à 550 millions d'euros quand le volume national de la taxe Gemapi prélevée par les collectivités atteignait à peine 275 millions d'euros en 2022. Une goutte d'eau face aux besoins, en somme.