Dix ans de plus pour le glyphosate
Les États membres n’étant à nouveau pas parvenus ce 16 novembre à s’entendre (à la majorité qualifiée) pour renouveler – ou rejeter – l’autorisation de recourir au glyphosate (laquelle expire ce 15 décembre), cette dernière va être sous peu renouvelée par la Commission européenne.
Pour ce faire, la Commission s’appuie sur l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), laquelle n’a identifié aucun sujet de préoccupation critique sur la santé humaine, animale ou sur l’environnement qui empêcherait une telle reconduction. Le glyphosate "a été entièrement réévalué", souligne la Commission, évoquant un "processus rigoureux qui a duré 4 ans" et qui a "pris en compte une quantité importante de données scientifiques" – plus de 16.000 études publiées analysées, dont près de 2.000 considérées comme potentiellement pertinentes, auxquelles ont été ajoutées 300 études lors de la consultation publique. Elle observe qu’il "n'existe actuellement aucune preuve pour classer le glyphosate comme cancérogène", rappelant l’analyse de l’Agence européenne des produits chimiques et soulignant que "c’est une opinion partagée par la plupart des grandes agences de réglementation à travers le monde". Elle ajoute qu'il ne peut pas non plus être considéré comme un perturbateur endocrinien.
Estimant en outre qu’à court terme, "on ne s'attend pas à ce que de nouvelles informations ou connaissances scientifiques importantes se matérialisent et se traduisent par un résultat différent", elle considère qu’un "renouvellement pour une période relativement courte ne serait pas justifié". Aussi, l’autorisation devrait-elle être renouvelée pour dix ans, alors qu’elle ne l’avait été que pour 5 ans précédemment. "Une période nettement plus courte que le maximum possible", relève toutefois la Commission, en ajoutant qu’elle "prendrait immédiatement des mesures pour amender ou retirer l’autorisation si cela était scientifiquement justifié". Elle précise encore que l’autorisation sera assortie de certaines conditions et restrictions, parmi lesquelles l’interdiction d’utiliser le glyphosate comme déshydratant (en vue de contrôler le moment de la récolte ou d’optimiser le battage) ou la fixation de taux d’application maximum.
La Commission souligne enfin que les États membres "restent responsables de l'autorisation nationale des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate" et qu’ils peuvent restreindre leur utilisation s’ils le jugent nécessaire, "sur la base des résultats des évaluations des risques".
Dans un communiqué commun, les associations Foodwatch et Générations futures pensent que "la France s’est abstenue lors du vote, comme annoncé par la voix de son ministre de l’Agriculture (…), ce qui équivaut de fait à un ‘oui à la ré-autorisation’". S’appuyant sur des sources diplomatiques, l’AFP confirme que "sept pays, dont la France, l’Allemagne et l’Italie, se sont abstenus". Les deux associations dénoncent dans "cette position (…) une trahison, sans surprise, de la promesse faite par le président de la République en 2017" [d’interdire le glyphosate]. Le 24 janvier 2019, le chef de l'Etat avait néanmoins fait marche arrière, estimant que l’interdiction immédiate "tuerait notre agriculture. Et même en trois ans on ne fera pas 100%". Quelques semaines plus tard, Emmanuel Macron soutenait "dans ses intentions" le maire de Langouet qui avait adopté un arrêté "anti-pesticides" (voir notre article du 29 août 2019), avant de revenir sur sa position au congrès des maires, déplorant l’absence de "sens" de tels arrêtés municipaux (voir notre article du 19 novembre 2019).